Toutes les forces réactionnaires des PO (FDSEA, JA,élus locaux, artisans, dirigeants de stations de ski et même chasseur…) manifestent contre le tribunal administratif limitant les prélèvements d’eau dans le « Têt »

Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales : agriculteurs, élus et acteurs économiques défendent leur accès à l’eau

A Perpignan, plusieurs centaines de manifestants ont contesté une décision du tribunal administratif qui va limiter les prélèvements dans le fleuve Têt. 

Par Philippe Gagnebet(Perpignan, envoyé spécial )Publié le 24 janvier 2023 à 21h07, mis à jour le 25 janvier 2023 à 10h58 https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/24/secheresse-dans-les-pyrenees-orientales-agriculteurs-elus-et-acteurs-economiques-defendent-leur-acces-a-l-eau_6159157_3244.html

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Lors des manifestations contre les restrictions de pompage dans le bassin de la Têt, à Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 24 janvier 2023.
Lors des manifestations contre les restrictions de pompage dans le bassin de la Têt, à Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 24 janvier 2023.  RAYMOND ROIG/AFP

Sous la neige et dans le froid, environ un millier de représentants du monde rural ont défilé, mardi 24 janvier au matin, dans les rues de Perpignan, à l’appel de la chambre d’agriculture, de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et des jeunes agriculteurs (JA), pour défendre leur accès à l’eau, de plus en plus rare et convoitée. Alors que le département reste touché par une sécheresse exceptionnelle, avec un déficit pluviométrique de 70 % pour les trois derniers mois de 2022, des agriculteurs, mais aussi des élus locaux, artisans, dirigeants de stations de ski et même chasseurs, sont venus contester une décision du tribunal administratif de Montpellier du 29 novembre 2022. Celle-ci remet en cause les prélèvements d’eau dans la Têt, un des trois fleuves des Pyrénées-Orientales, en raison de leur impact sur la biodiversité et le niveau des nappes phréatiques.

La décision du tribunal avait été rendue en faveur de France Nature Environnement (FNE) qui remettait en question un arrêté préfectoral datant de 2017, signalant qu’il était possible de prélever l’eau de la Têt tant que son débit était supérieur à 1 200 litres/seconde en hiver, et 600 litres/seconde en été. Dans son jugement, le tribunal estime que « le débit pour lequel il serait possible de prélever l’eau de la Têt ne devrait pas être inférieur à 1 500 litres/seconde pour toute l’année ». Dans la perspective d’étés de plus en plus chauds et de manque de précipitations, FNE avançait que « la Têt pourrait être quasiment asséchée, en raison des prélèvements agricoles intenses ». L’association soulignait également l’augmentation des prélèvements chez des particuliers dus à l’urbanisation.

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Remise en cause « des pratiques ancestrales »

En tête du cortège, Fabienne Bonet, la présidente de la chambre d’agriculture, a dénoncé « une attaque de FNE qui remet en cause des pratiques ancestrales et met en danger près de 1 500 exploitations agricoles » – les irrigants qui puisent dans la Têt. Pierre Hylari, président des JA du département, fait part de son inquiétude, « immense » : « Cette décision est la conséquence de trente ans d’immobilisme et du manque d’anticipation de l’Etat sur cette question de gestion partagée de l’eau. » Si le monde agricole a reçu le soutien du milieu économique ou politique – la présidente du conseil départemental, la socialiste Hermeline Malherbe, a croisé dans la manifestation le maire Rassemblement national de la ville, Louis Aliot –, c’est que la Têt irrigue une grande partie du département.

Surtout, le fleuve alimente environ trois cents canaux dits « gravitaires » dans lesquels les exploitants, pour la plupart arboriculteurs, mais aussi particuliers, peuvent puiser. Ils sont aujourd’hui gérés par des associations syndicales autorisées (ASA). Présent dans la manifestation, Christian Jean-Pierre dirige l’une de ces ASA, dans la commune de Céret. Pour ce producteur de cerises, « avec les sécheresses en été, on a déjà perdu 30 % de la production de pêches, par exemple, en 2022. Nous sommes contre ces débits dits réservés. Ce que l’on réclame, c’est une adaptation au débit de la Têt ».

Bruno Vila, président de la FDSEA 66, évoque, lui, un « scandale venu d’écolos qui n’habitent même pas le département ». Olivier Gourbinot, coordinateur régional de FNE, rétorque que « la décision de justice confirme celle prise pour un autre fleuve, le Tech, en 2014 » et souligne le fait que « la Dreal [direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement] ne conteste pas [leurs] études ».

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L’hiver qui serait « perdu et dramatique » sur le plan économique

Michel Poudade, maire (sans étiquette) des Angles, une commune proche de la station de ski de Font-Romeu, président de l’association Les Neiges catalanes, qui rassemble les professionnels du ski, a également fait le déplacement. « Font-Romeu puise dans le lac des Bouillouses, qui a justement été construit en 1910 pour réguler la Têt, rappelle-t-il. Si on ne peut plus prélever, l’eau partira directement dans la mer, et ça c’est vraiment du gaspillage. » Sans eau, donc sans neige artificielle, l’hiver qui serait « perdu et dramatique » sur le plan économique, avance-t-il.

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A la sortie d’une réunion avec le préfet, les représentants syndicaux ont confirmé que la préfecture ne ferait pas appel de la décision du tribunal administratif. « Une réunion technique nous a été proposée pour “sécuriser nos pratiques et continuer à travailler”, a rapporté Bruno Vila. Mais que ferons-nous cet été en cas de sécheresse ? » Dans le cortège, certains parlent de « la concurrence espagnole et des milliers de camions chargés de fruits et légumes qui franchissent chaque jour la frontière ».

Présent dans la manifestation, le président régional de la Fédération des chasseurs, Jean-Pierre Samson, venu « par solidarité envers le monde rural », préférait pointer « [leurs] opposants communs, les écolos, qui ne cessent de stigmatiser et attaquer ceux qui font vraiment vivre les territoires ». Le jour de la manifestation, la préfecture des Pyrénées-Orientales a prolongé les restrictions d’usage de l’eau, en cours depuis juin 2022, « au vu de la situation extrêmement préoccupante de l’état des ressources », qui laisse augurer une année 2023 sous tension.

Philippe Gagnebet(Perpignan, envoyé spécial)

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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