La pollution de l’air accroît le risque d’AVC, de maladies cardiovasculaires et de décès
Une étude conduite au Royaume-Uni décortique l’impact sanitaire de l’exposition à certains polluants atmosphériques, comme les particules fines ou le dioxyde d’azote.
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La pollution de l’air pèse sur la santé humaine. Une nouvelle étude, publiée le 28 septembre dans la revue américaine Neurology par Fei Tian, de l’université Sun-Yat-sen à Canton (Chine), et ses collègues confirme que l’exposition à un air pollué, notamment aux particules fines PM2,5 – de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (µm) –, augmente le risque de subir un accident vasculaire cérébral (AVC). Mais elle révèle aussi, de façon inédite, que le fait de respirer une atmosphère polluée, en particulier par du dioxyde d’azote (NO2), augmente le risque pour les personnes ayant fait un AVC de développer par la suite une maladie cardiovasculaire.
C’est sur un effectif important que les chercheurs ont travaillé : près de 320 000 personnes âgées de 40 à 69 ans enrôlées dans la UK Biobank. Cette vaste cohorte britannique, dont les données sont facilement accessibles, est idéale pour« permettre aux chercheurs d’identifier les facteurs de risque de beaucoup de maladies complexes survenant à un âge moyen ou avancé », souligne l’un des coauteurs de l’étude, Hualiang Lin.
Près de 6 000 participants à l’étude
Les chercheurs se sont donc intéressés à l’évolution, pendant douze ans en moyenne, des participants de la cohorte sans antécédents d’AVC, de cardiopathies liées à des problèmes vasculaires ou de cancer, et pour lesquels des données d’exposition aux polluants atmosphériques étaient disponibles. Au total, 5 967 ont subi un AVC, dont environ la moitié (2 985) ont par la suite développé une maladie cardiovasculaire (insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, arythmie ou encore maladie coronarienne). Parmi ces derniers, 1 020 sont morts au cours de la période de suivi.
Quel est le rôle de la pollution de l’air vis-à-vis de ces pathologies et de ces morts ? Pour le savoir, les chercheurs ont estimé la concentration annuelle en particules fines (PM2,5 et PM10), en NO2 ou encore en oxydes d’azote (NOx) aux abords du lieu de résidence des participants au début du suivi.
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Sur cette base, et après avoir tenu compte d’une série de facteurs de confusion – notamment tabagisme, consommation d’alcool, indice de masse corporelle (IMC) et pratique d’une activité physique –, les chercheurs ont calculé que le risque de survenue d’un AVC augmentait de 24 % pour chaque hausse de 5 μg de PM2,5 par mètre cube d’air. Un effet plus modeste mais significatif était aussi observé pour le NO2, avec un risque d’AVC augmenté de 2 % pour chaque hausse de 5 μg/m3.
Le risque de mourir sans avoir subi d’AVC était lui aussi augmenté, de l’ordre de 30 % pour chaque hausse de 5 μg/m3 de PM2,5, et de 3 % pour chaque hausse de 5 μg/m3 de NO2.
Mais la question qui taraudait le plus les chercheurs, car encore inexplorée, était celle de savoir si la pollution de l’air pouvait influencer la trajectoire de progression après un AVC : augmente-t-elle le risque de développer ensuite une maladie cardiovasculaire ou de mourir ?
Dommages liés à l’AVC « exacerbés »
S’ils n’ont pas mis en évidence de rôle des particules fines sur ces évolutions, les chercheurs ont néanmoins constaté que chaque hausse de 5 µg de NO2 par mètre cube d’air augmentait de 4 % le risque de maladie cardiovasculaire post-AVC. « Les mécanismes biologiques qui sous-tendent cet effet sont encore flous, [mais] de précédents travaux suggèrent que l’inhalation de NO2 pourrait exacerber les dommages engendrés par un AVC, en mettant en jeu des facteurs endothéliaux [relatifs à la paroi des vaisseaux sanguins] et inflammatoires », expose le docteur Lin.
Pour Basile Chaix, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la valeur de ce travail tient au fait que la population d’étude est importante. Néanmoins, il regrette que les chercheurs n’aient pas pris en compte deux facteurs de confusion selon lui indispensables : le niveau socio-économique des quartiers de résidence des participants et leur degré d’urbanisation. Les résultats de l’équipe sino-américaine nécessiteront donc d’être confirmés par d’autres études.
« Ce genre d’études montre que les valeurs réglementaires de l’UE ne sont pas du tout assez protectrices pour la santé de la population », selon Bénédicte Jacquemin, chargée de recherche à l’Inserm
Par ailleurs, un surrisque de 4 % pourrait paraître anecdotique – et il est en effet beaucoup plus modeste que celui associé à d’autres facteurs de risque, comme le tabagisme, note Bénédicte Jacquemin, chargée de recherche à l’Inserm. « Sauf que l’impact est important au niveau global, puisque toute la population est exposée, relève-t-elle. Quatre-vingt-dix-neuf pour-cent de la population sont actuellement exposés à des niveaux [de polluants atmosphériques] supérieurs aux valeurs guides limites proposées par l’Organisation mondiale de la santé [OMS]. »
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Et beaucoup d’efforts restent à déployer pour passer sous ces seuils. La France n’est par exemple toujours pas parvenue à respecter les valeurs limites fixées au niveau européen, alors même qu’elles sont moins restrictives que celles de l’OMS.
« Ce genre d’études, comme beaucoup d’études menées dernièrement dans les cohortes européennes, montrent que les valeurs réglementaires de l’Union européenne ne sont pas du tout assez protectrices pour la santé de la population, regrette Bénédicte Jacquemin, qui précise toutefois que ces valeurs sont en cours de révision. Mais il faut rester positif : les niveaux de pollution atmosphérique ont baissé depuis trente ans en Europe et en France, ça montre que les politiques qui visent à diminuer les émissions et les concentrations [de polluants] marchent, donc il faut continuer. »
Sylvie Burnouf