Pour un renforcement du système des retraites ( Michaël Zemmour chercheur associé à Sciences Po)

ENTRETIEN. Retraites : « Le système doit être renforcé, ou le niveau de vie des futurs retraités chutera »

Réforme des retraites,  Economie,  Social

Publié le 14/11/2025 à 06:52 https://www.ladepeche.fr/2025/11/14/entretien-retraites-le-systeme-doit-etre-renforce-ou-le-niveau-de-vie-des-futurs-retraites-chutera-13050167.php#

Benoît Donnadieu

Face au vieillissement de la population et à un système de retraites sous tension, l’économiste Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l’université Lumière Lyon 2 et chercheur associé à Sciences Po, décrypte les effets réels de la suspension votée à l’Assemblée. Pour lui, la question du financement du modèle français reste entière.

Qu’est-ce qui change avec le vote à l’Assemblée de la suspension de la réforme des retraites ?

Il faut d’abord attendre de voir si le PLFSS est voté pour être sûr que cela change réellement. Si ce qui a été voté hier est appliqué, il s’agit plutôt d’un décalage de la réforme de 2023 qu’une véritable suspension. En pratique, cela adoucit la réforme de trois mois pour les générations proches de la retraite. Mais la plupart des personnes partiront toujours à la retraite à 63 ans ou après.

L’économiste Michaël Zemmour.

nullL’économiste Michaël Zemmour.

Face au vieillissement de la population, faut-il rester sur un modèle collectif ou être plus flexible ?

Il y a une crise du système des retraites parce que le gouvernement a choisi de mettre en œuvre une réforme sans soutien politique, ni de la population, ni des syndicats. Notre système doit se mettre à jour périodiquement, mais il fonctionne relativement bien malgré certaines insatisfactions. Il va y avoir de plus en plus de retraités dans le futur, il faudra mobiliser davantage de moyens. Il n’y a pas de martingale, aucun système ne peut faire disparaître les grandes questions. Les vraies interrogations demeurent, à quel âge partir à la retraite, avec quel niveau de pension, et qui peut partir plus tôt ? La dernière réforme a tenté d’y répondre, mais en jouant sur le paramètre le moins accepté par la population, celui de l’âge minimal de départ.

Gabriel Attal a évoqué un système universel, d’autres parlent de capitalisation. Est-ce la solution ?

Certains systèmes sont responsables d’une retraite insuffisante, comme les régimes à points ou par capitalisation. Lorsqu’un salarié ne peut plus travailler à un certain âge, il risque de se retrouver avec une pension trop faible pour vivre. Notre système par répartition, lui, garantit des droits à des âges donnés. L’enjeu est de savoir si l’on va aller au bout de la réforme de 2023 et appliquer le départ à 64 ans. Avec les conditions de travail actuelles, cela pourrait entraîner des dégâts sociaux importants.

La génération de jeunes travailleurs se dit inquiète pour le futur de sa retraite. Quel est votre point de vue ?

Ceux qui disent aux jeunes travailleurs, âgés de 20 à 40 ans, « vous n’aurez pas de retraite », se trompent. Le système de retraite doit être renforcé, ou le niveau de vie des futurs retraités chutera. Ce serait une expérience de déclassement social. Face à cela, plusieurs options existent : accepter ce décrochage, mettre davantage de moyens dans le système de retraite par répartition, ou laisser ceux qui le peuvent compléter leur retraite par eux-mêmes.

Le débat sur l’âge de départ semble loin d’être terminé…

En 2019, plus de la moitié des personnes étaient parties à la retraite à 62 ans, et plus des trois quarts à 63 ans. Prolonger de deux ans l’âge minimal de départ nourrit donc des inquiétudes légitimes. Pour beaucoup, la retraite reste une protection. Le passage de 60 à 62 ans a déjà montré que certaines populations, notamment les ouvriers et employés, ont eu du mal à s’y adapter à cause de la pénibilité. La politique publique reconnaît un problème du côté du travail, mais se contente de décaler la ligne d’arrivée sans le résoudre. Ce débat sur l’âge n’est qu’un symbole.

Comment les autres pays gèrent-ils le vieillissement de la population ?

Globalement, beaucoup de pays ont eux aussi relevé l’âge de départ. Avant la réforme de 2023, la France connaissait déjà une hausse progressive de l’âge légal. Mais ailleurs, la retraite est souvent moins protectrice qu’en France, et de nombreux retraités continuent de travailler pour compléter leurs revenus.

Quelles sont les perspectives pour la réforme des retraites en France ?

La réforme Borne doit s’appliquer jusqu’en 2032 ou 2033. À l’approche des prochaines présidentielles, la question des retraites pourrait revenir sur le devant de la scène pour deux raisons. D’abord, les opposants au passage à 64 ans vont vouloir rouvrir le dossier brûlant ; ensuite, la crise politique que traverse la France reste intimement liée à ce sujet.
C’est une question sur laquelle tout le monde a un avis, un débat qui touche toutes les générations et tous les échelons de la société.

Voir aussi:

Retraites : départ à 65, 66, 67 ou même 70 ans : comment font nos voisins européens ?

    Réforme des retraites,  Politique,  Société

    Publié le 14/11/2025 à 06:31 https://www.ladepeche.fr/2025/11/14/retraites-depart-a-65-66-67-ou-meme-70-ans-comment-font-nos-voisins-europeens-13049730.php

    Vanessa Abadie

    l’essentielAlors que la suspension de la réforme des retraites a largement été adoptée par les députés à l’Assemblée nationale, ce mercredi 12 novembre, plusieurs pays européens ont déjà repoussé l’âge légal bien au-delà de 64 ans.

    C’est une réforme qui avait suscité la colère de nombreux Français. Lancée en 2023 par Elisabeth Borne, la réforme des retraites avait relevé l’âge légal de départ à 64 ans, déclenchant des mois de mobilisation. Pourtant, dans le reste de l’Europe, plusieurs pays ont déjà placé le curseur bien plus haut.

    À lire aussi : Retraites : la réforme de 2023 suspendue, le débat sur le futur de notre système s’installe pour 2027

    L’Allemagne, par exemple, a fixé l’âge légal à 66 ans et deux mois, qui sera progressivement reporté à 67 ans pour les générations nées entre 1947 et 1964. En Italie, l’âge légal pour prendre sa retraite est actuellement à 67 ans, sans distinction de sexe. Aux Pays-Bas, il est également fixé à 67 ans et devrait encore augmenter progressivement, avec une hausse de trois mois prévue en 2028 puis en 2029.

    À lire aussi : Répartition, capitalisation, à points… : comment fonctionnent les différents systèmes de retraite

    Une moyenne autour de 65 ans

    C’est le Danemark qui détient l’âge de la retraite le plus tardif. Les Danois partiront à la retraite à partir de 70 ans d’ici 2040. Une mesure radicale, qui fait du pays nordique le premier d’Europe à fixer un âge de départ aussi élevé.

    La moyenne européenne, elle, se situe désormais autour de 65 ans, mais elle continue de grimper. En février 2025, la Belgique a relevé son âge légal à 66 ans, avant une nouvelle hausse à 67 ans en 2030, malgré d’important mouvement de grève. La Lettonie, par exemple, a récemment repoussé son âge légal à 65 ans, tandis que la Lituanie prévoit d’harmoniser celui des hommes et des femmes à 65 ans dès 2026.

    À lire aussi : Budget 2026 : les retraités pourront finalement conserver l’abattement fiscal de 10 %

    En Espagne, la réforme entamée en 2013 poursuit son calendrier : l’âge légal de départ, passé progressivement de 65 à 67 ans, est présenté comme un rempart contre le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie, deux tendances qui menacent l’équilibre de son système de retraite. Au Royaume-Uni, l’âge légal est actuellement de 66 ans et doit atteindre 67 ans entre 2026 et 2028. Le Portugal, enfin, a fixé l’âge de départ à 66 ans et 7 mois, avec un ajustement automatique chaque année, en fonction de l’évolution de la longévité.

    Publié par jscheffer81

    Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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