Accès aux soins : une mission gouvernementale recommande de plafonner les dépassements d’honoraires
Un nombre de plus en plus important de spécialistes s’inscrivent en « secteur 2 ». Dans un rapport remis à Matignon jeudi, les députés Yannick Monnet et Jean-François Rousset préconisent un « plafonnement » et le recours à des « contreparties ».
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Dans les rangs des médecins libéraux, déjà inquiets des mesures d’économies inscrites dans le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), le rapport * sur les dépassements d’honoraires remis à Matignon, jeudi 23 octobre, par les députés Yannick Monnet (Parti communiste, Allier) et Jean-François Rousset (Renaissance, Aveyron), risque de faire du bruit.
* https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-soc/l17b1649_rapport-information.pdf
Le sujet, longtemps absent du débat politique, a gagné en visibilité : à l’heure où les difficultés d’accès aux soins font partie des premières préoccupations en matière de santé, le nombre de médecins spécialistes usant de l’« espace de liberté tarifaire » que constitue le secteur 2 (par opposition au tarif conventionnel du secteur 1, dit « opposable »), n’a cessé d’augmenter depuis la sortie de la crise du Covid-19. Ces praticiens étaient 56 % en 2024, contre 37 % en 2000.
Lire le décryptage | Le projet de budget de la « Sécu » de Sébastien Lecornu sous le signe des économies en santé
Le 2 octobre, le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie * alertait sur une progression de 5 % par an, depuis 2019, de la valeur réelle de tels dépassements (estimée à 4,3 milliards d’euros en 2024), et appelait « les pouvoirs publics à agir avec urgence ». La mission constituée, au printemps 2025, à la demande de l’ex-premier ministre, François Bayrou, et confiée à ce duo de députés, entend souffler des pistes pour encadrer une augmentation qualifiée de « structurelle ».
Dix propositions détaillées
De leurs quatre mois de travaux et d’auditions, MM. Monnet et Rousset ont tiré dix propositions pour « sortir » des dépassements d’honoraires. L’expression, qui donne son titre au rapport, donne aussi le ton : parmi leurs propositions-clés figure le « plafonnement » des dépassements d’honoraires ou la demande de « contreparties » aux médecins qui les pratiquent (participation à des consultations avancées, à la permanence des soins…). Les deux députés défendent également la réduction voire la suppression des dépassements pour les actes dits « importants », avec l’idée de « forfaitiser » ou de « contractualiser » avec les spécialités les plus concernées, pour que certains actes ou consultations répétés, ou certaines pathologies (comme les cancers), en soient toujours préservés. Même chose pour des actes et examens de prévention.
Lire les témoignages | Ces médecins qui peuvent demander des dépassements d’honoraires : « Quand un patient a des difficultés financières, on ajuste le tarif »
« L’idée n’est pas d’opposer les praticiens aux patients », ont martelé les élus en présentant leurs travaux à la presse, jeudi. « Souvent, d’ailleurs, les médecins parlent de compléments d’honoraires plutôt que de dépassements, parce que(…) certains de leurs tarifs n’ont pas été révisés depuis vingt ans », a rappelé M. Rousset, qui a lui-même pratiqué la chirurgie pendant trois décennies. Mais « les inégalités sociales et territoriales qui en découlent, le risque de renoncement aux soins, aujourd’hui documentés, justifie qu’on assume de définir certaines règles », a renchéri Yannick Monnet. Notamment en direction des spécialités les plus concernées par ces dépassements – la chirurgie, l’anesthésie, l’ophtalmologie et la radiologie, énumèrent-ils. Une liste à laquelle l’Assurance-maladie associe généralement les gynécologues obstétriciens et les ORL. Les généralistes, eux, ne sont pas concernés (puisqu’ils exercent quasi exclusivement en secteur 1).
Les tentatives d’encadrement du secteur 2, créé en 1980, n’ont pas manqué ces dernières années, avec la création du « contrat d’accès aux soins » en 2013, remplacé, en 2017, par l’Optam (pour « option pratique tarifaire maîtrisée »). En souscrivant à ce dispositif optionnel, les médecins de secteur 2 s’engagent à effectuer une partie de leur activité aux tarifs opposables, et à respecter un taux moyen de dépassement d’honoraires pour les autres patients. En contrepartie, ils reçoivent des avantages financiers. Les rapporteurs proposent de rendre cet Optam obligatoire pour toute nouvelle inscription en secteur 2, assumant un traitement différencié entre les professionnels déjà installés et les plus jeunes. A l’appui de leur argumentaire, un autre chiffre : ce sont désormais 75 % des installations des médecins spécialistes qui se font en secteur 2.
Vers des sanctions possibles ?
En face, les représentants de la profession, qui défendent le principe de ce supplément de revenus, appellent à interroger, d’abord, le niveau des tarifs – fixés par l’assurance-maladie. Pour les actes techniques, il n’a pas bougé depuis 2004.
MM. Monnet et Rousset proposent également que des contrôles annuels aient lieu et que des sanctions puissent être décidées, en cas de dépassement excessif. Ou encore que davantage de patients puissent bénéficier de la complémentaire santé solidaire (C2S), qui protège des dépassements d’honoraires, en relevant les seuils de ressources pour y accéder.
Alors que l’examen du projet de budget de la « Sécu » doit démarrer en commission à l’Assemblée nationale, les acteurs de la santé ont été surpris d’y découvrir un article, le 26e, introduit par le gouvernement pour « renforcer l’incitation à exercer une activité conventionnée », grâce à une « surcotisation » sur le reste de l’activité – autrement dit, sur celle qui n’est pas aux tarifs opposables. « L’article a le mérite d’exister, et on va tenter de le faire bouger », confient les rapporteurs, en se disant prêts à la bataille des amendements.
Voir aussi:
Dépassements d’honoraires hors contrôle: peut-on sauver l’Optam ? Faut-il revoir les conditions d’accès au secteur 2 https://environnementsantepolitique.fr/2025/10/08/66820/
Les députés qui sont contre la régulation des installations et pour les dépassements d’honoraires, comment font-ils pour se soigner ?https://environnementsantepolitique.fr/2022/11/09/37477/