« Les dépassements d’honoraires contribuent à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes «
« Les trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2 quand ils s’installent«
« Les patients habitant des communes modestes se trouvent aussi exposés à des dépassements d’honoraires du fait d’une insuffisance d’offre à tarif opposable«
Jeunes médecins en secteur 2 : « Les dépassements d’honoraires sont devenus la norme », alerte un rapport
Au cours des cinq dernières années, le montant des dépassements d’honoraires a augmenté de manière très importante, atteignant 4,3 milliards d’euros en 2024 pour les médecins spécialistes. Une dynamique qui devrait se poursuivre à l’avenir compte tenu de l’attrait des nouveaux installés pour le secteur 2, alerte le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), dans un rapport rendu public ce jeudi 2 octobre.
02.10.2025
Ce ne sont que « des constats » que ce rapport * expose, mais ils permettront de nourrir des pistes de réforme du secteur 2, qui seront proposées dans un second volet publié ultérieurement, a expliqué Yann-Gaël Amghar, président du Hcaam, lors d’une conférence de presse organisée ce jeudi. « Il y a un consensus sur le fait qu’il faut réguler davantage » les dépassements d’honoraires, a poursuivi l’expert, précisant que les travaux visant à émettre des propositions vont débuter en octobre. Le rapport du Haut Conseil invite en effet les pouvoirs publics à agir « avec urgence« . Car « la progression du secteur 2 est arrivée à un point où la généralisation des dépassements et leur niveau génèrent des effets systémiques et [des] déséquilibres sur le système de santé qui deviennent majeurs, jusqu’à remettre en cause les principes fondamentaux qui le sous-tendent« , peut-on lire.
* https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-soc/l17b1649_rapport-information.pdf
Selon le Haut Conseil, le montant total des dépassements d’honoraires des médecins spécialistes a atteint 4,3 milliards d’euros en 2024 – 4,5 milliards si l’on prend en compte la médecine générale –, « en forte accélération depuis 2019 (+5% par an en valeur réelle, hors inflation) ». Cette dynamique est « tirée non seulement par celle des effectifs de secteur 2, mais aussi par celle du niveau et de la fréquence des dépassements ». Ainsi, 56 % des spécialistes libéraux (hors MG) exercent en 2024 en secteur 2, contre 37 % en 2000. Ceci s’explique par le fait que les conditions d’accès au secteur 2, restreintes dans les années 1990 – le secteur 2 était alors réservé aux anciens chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux –, ont été considérablement élargies depuis. « L’année de docteur junior compte [désormais] comme une année d’assistanat [et] beaucoup de postes d’assistanat ont été créés », a souligné Dominique Polton, membre du Hcaam.
Le poids du secteur 2 devrait encore croître compte tenu de l’attrait des jeunes générations pour ce secteur conventionnel dans toutes les spécialités (hors MG), précise le rapport. « Aujourd’hui, lorsqu’ils s’installent, les trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2 », lit-on dans le rapport. En 2017, cette proportion était de deux tiers. « La mise en place de l’Optam a rendu plus avantageux de s’installer en secteur 2 Optam plutôt qu’en secteur 1″, a avancé Yann-Gaël Amghar. Et d’ajouter : « Pour les jeunes générations, c’est un peu devenu une norme d’appliquer des dépassements. » « A politique inchangée », cette dynamique d’installation des jeunes médecins « continuera à alimenter l’accélération de la croissance des montants des dépassements d’honoraires dans les années à venir », met en garde le Hcaam, observant que les taux de dépassements augmentent avec l’âge et l’ancienneté des médecins dans toutes les spécialités (de façon plus ou moins marquée).
Si « les dispositifs incitatifs de maîtrise des dépassements d’honoraires (Optam et Optam-ACO), accompagnés d’avantages attractifs, sont désormais choisis par plus de la moitié des praticiens de secteur 2 », leur caractère incitatif a « des limites » : « une part substantielle des praticiens fait l’arbitrage de ne pas adhérer à ces dispositifs (notamment parmi ceux qui pratiquent les niveaux de dépassements les plus élevés) et par ailleurs une part des adhérents à ces dispositifs ne respectent pas leurs engagements », pointe le Haut Conseil, qui note qu’après une baisse entre 2012 et 2020, » les taux de dépassement augmentent à nouveau » et, dans le même temps, « la part d’activité à tarifs opposables des professionnels adhérant au secteur 2, après avoir augmenté jusqu’en 2020, est en repli ».
Or, le Haut Conseil rappelle que les dépassements d’honoraires pèsent sur les Français. Ils « peuvent induire un reste à charge élevé pour les patients ». Si « les dépassements s’avèrent plus élevés en moyenne pour les patients ayant un meilleur niveau de vie et vivant dans les communes plus riches », « les patients modestes ne sont pas épargnés face à ces dépassements d’honoraires » du fait d’une insuffisance d’offre à tarif opposable, ajoute le président du Hcaam. Et de rappeler que si ces dépassements, qui ont « joué un rôle de compensation de la faiblesse relative des tarifs Sécu » dans certaines spécialités, sont pris en charge à environ 40 % par les complémentaires santé, les niveaux de couverture sont « très variables ».
Risque-t-on, alors, une fuite en avant des dépassements ? « Je ne sais pas, mais on peut craindre que le dispositif soit un peu hors de contrôle », a estimé Yann-Gaël Amghar. « L’élément préoccupant, c’est cet effet de flux » observé sur les nouvelles générations, a poursuivi le président du Haut Conseil, « et le fait que les dispositifs de maitrise qui existent ont quelques limites et sont facultatifs, avec le risque qu’aujourd’hui des jeunes s’installent en Optam et demain, quand ils auront leur patientèle et leur notoriété, considèrent qu’ils n’ont plus besoin des avantages ». Pour le président de l’instance, « cette diffusion massive du secteur 2 chez les spécialistes »risque de « poser question » par rapport aux généralistes, « contraints au secteur 1″. « Ça peut nourrir la revendication d’un droit de dépassement pour les généralistes et/ou fragiliser l’attractivité de la médecine générale », met-il en garde.
Dépassements : une pratique en baisse chez les généralistes
« La pratique des dépassements d’honoraires continue à diminuer parmi les généralistes », écrit le Hcaam dans son rapport. Alors que les anciennes générations ayant pu bénéficier du droit à dépassement permanent ou ayant pu choisir le secteur 2 dans les années 1980 partent progressivement en retraite, « les nouveaux installés sont peu nombreux à détenir les titres pour une installation en secteur 2 », explique ‘l’instance. Ainsi, « avec seulement 4 % de praticiens en secteur 2 en 2024, et 3 % si l’on exclut les médecins ayant un mode d’exercice particulier, on peut considérer que l’accès à la médecine générale est aujourd’hui facilité sur l’ensemble du territoire par une pratique à tarif opposable largement répandue », ajoute-t-elle.
Comment le dépassement d’honoraires est devenu la norme chez les spécialistes
Quentin Haroche| 02 Octobre 2025
Selon un rapport de l’Assurance Maladie, les dépassements d’honoraires sont en augmentation constante depuis plusieurs années.
En 1980, le secteur 2 était créé pour assurer aux médecins libéraux une zone de liberté tarifaire sans augmenter les dépenses de l’Assurance Maladie. Longtemps réservé à une « élite médicale » (anciens chefs de clinique par exemple), le secteur 2 s’est peu à peu élargi. Il est désormais devenu la norme pour les médecins spécialistes, comme le révèle le dernier rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) publié ce jeudi.
En 2024, le montant total des dépassements d’honoraires est de 4,5 milliards d’euros, dont 4,3 milliards pour les seuls médecins spécialistes. Depuis 2019, ce montant augmente de 5 % par an en valeur réelle, soit bien plus vite que dans les années 2010 (+ 2,7 % par an).
Les dépassements d’honoraires, révélateurs de tarifs opposables trop faibles ?
Le HCAAM explique cette augmentation par deux phénomènes. Tout d’abord, de plus en de praticiens sont en secteur 2 : 56 % des spécialistes bénéficient désormais de cette liberté tarifaire relative, contre seulement 37 % en 2000. Ce sont d’ailleurs désormais les trois quarts des spécialistes nouvellement installés qui choisissent le secteur 2, contre seulement 64 % en 2017. « Cette dynamique d’installation des jeunes médecins continuera, à politique inchangée, à alimenter l’accélération de la croissance des montants des dépassements d’honoraires dans les années à venir » conclut logiquement le HCAAM. En second lieu, parmi les médecins en secteur 2, qui, en majorité, adhèrent pourtant au dispositif d’OPTAM censé limité le niveau des tarifs, le taux de dépassement est en augmentation, alors qu’il avait diminué dans les années 2010.
Les dépassements d’honoraires représentent une part toujours plus importante du revenu des spécialistes, jusqu’à un tiers du chiffre d’affaires dans certaines spécialités. Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, ce sont justement dans les spécialités aux revenus les plus faibles, comme les psychiatres et les pédiatres que les dépassements d’honoraires sont les plus élevés en valeur relative : ils représentent ainsi 40 % du revenu des psychiatres en secteur 2. A l’opposé, les dépassements sont bien moins fréquents dans les spécialités où les tarifs opposables sont plus élevés (typiquement les radiologues et les radiothérapeutes). nullnull
« Les dépassements sont donc en partie mobilisés pour réduire les écarts de revenus entre spécialités » commente le HCAAM qui reprend ainsi à son compte les arguments des syndicats de médecins. « Les dépassements d’honoraires sont en partie révélateurs, en creux, des limites du pilotage des tarifs opposables et des inadéquations tarifaires qui laissent s’installer des situations de sous-financement d’autres spécialités qui créent des problèmes d’attractivité » poursuit le rapport. Le HCAAM ne conteste cependant pas l’existence d’abus avec, dans chaque spécialité, environ 10 % de praticiens pratiquant des dépassements bien supérieurs à la « normale ». A titre d’exemple, 10 % des chirurgiens de secteur 2 pratiquent des dépassements de 184 % en moyenne.
Un impact non négligeable sur l’accès aux soins
Les associations de patients (dont la représentativité est problématique) et certains responsables politiques pointent régulièrement du doigt le fait que les dépassements d’honoraires nuisent à l’accès aux soins. Le rapport du HCAAM relativise quelque peu ce problème. « Les dépassements d’honoraires représentent dans leur ensemble une part relativement modeste des dépenses de santé et du reste à charge des ménages » note ainsi les experts. Environ 40 % des dépassements d’honoraires sont ainsi pris en charge par les complémentaires santé et ils ne représentent que 14 % du reste à charge des ménages.
Les patients sont très inégalement touchés par les dépassements d’honoraires. D’un côté, près de la moitié des patients consomment des soins exclusivement à tarif opposables ; de l’autre, les dépassements d’honoraires touchent davantage les patients vivant dans des grandes villes (le montant de dépassements d’honoraires par patient est 4 fois plus élevé à Paris qu’en moyenne nationale), les personnes âgées (les 70-79 ans en paient deux fois plus que les 30-39 ans) et les patients en ALD.
Plusieurs mécanismes permettent que ces dépassements d’honoraires épargnent en partie les revenus les plus modestes : ces derniers peuvent théoriquement jouir d’une protection par l’opposabilité des tarifs s’ils bénéficient de la complémentaire santé solidaire (C2S) et de plus les médecins à secteur 2 sont généralement concentrés dans les zones à revenu élevé. Ces mécanismes ne sont cependant pas parfaits et « les patients habitant des communes modestes se trouvent aussi exposés à des dépassements d’honoraires du fait d’une insuffisance d’offre à tarif opposable » commente le HCAAM. L’impact du secteur 2 sur l’offre de soins n’est ainsi pas négligeable : « la part des professionnels en secteur 2 est plus élevé dans les territoires des grandes métropoles, les dépassements d’honoraires contribuent donc à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes ».
Une situation que certains jugent insupportable. En 2023, l’association UFC-Que-Choisir avait ainsi saisi la justice administrative pour lui demander, entre autres, d’interdire l’installation de nouveaux médecins en secteur 2. Dans une décision rendue ce mercredi, le Conseil d’Etat a logiquement débouté l’association de sa demande. « Imposer aux pouvoirs publics de modifier la politique publique relative à la lutte contre les déserts médicaux ne relève pas de l’office du juge administratif » a retenu la haute juridiction
LA REVUE DE PRESSE QUOTIDIENNE DE L’ACTUALITÉ MÉDICALE ET DE LA SANTÉ
Revue de presse du 3 octobre 2025
« L’inquiétante hausse des honoraires des médecins spécialistes »
Date de publication : 3 octobre 2025 https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=5aeab188ea90991aa72b9aa46ca06f95&id_newsletter=22523&liste=0&site_origine=revue_mediscoop&nuid=44baf5968540a6248a8065e80f2f7273&midn=22523&from=newsletter
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Jean Cittone remarque dans Le Figaro qu’« entre un médecin conventionné en secteur 1 et son confrère en secteur 2, c’est la garantie que la facture à payer à la fin de la consultation ne sera pas du tout la même. Alors que les premiers sont obligés de proposer leurs services à des tarifs fixes, les seconds sont à «honoraires libres» ».
Le journaliste rappelle que « cette liberté instaurée en 1980 avait pour objectif de mieux rémunérer les praticiens sans grever les finances de l’Assurance-maladie, en augmentant très fortement le reste à charge pour les patients. Quarante-cinq ans après sa mise en place, un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM) dresse un état des lieux alarmant de la situation ».
Jean Cittone note en effet qu’« en 2024, les dépassements d’honoraires des spécialistes ont atteint 4,3 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 5% par an depuis 2019 ».
« Cette importante augmentation des tarifs ces dernières années est due à la conjonction de plusieurs phénomènes, note le HCAAM. Les médecins spécialistes sont d’abord de plus en plus nombreux à s’installer en secteur 2 », explique le journaliste. Le rapport observe qu’« en 2024, 56% des spécialistes sont en secteur 2, contre 37% en 2000 ».
Jean Cittone ajoute que « lorsque les jeunes spécialistes s’installent, les trois quarts d’entre eux choisissent aujourd’hui le secteur 2, alors qu’ils n’étaient qu’un tiers en 2017. Par ailleurs, les taux de dépassement sont en hausse depuis 2020 alors que «la part d’activité à tarifs opposables» est en baisse, à rebours de la décennie 2010. Les médecins peuvent pratiquer des prix élevés car ils ont moins de concurrents en face d’eux assujettis aux tarifs fixés par l’Assurance-maladie ».
Le journaliste précise que « certaines spécialités sont championnes des dépassements en secteur 2 : les stomatologues (80% de dépassements d’honoraires), les chirurgiens (60%), les gynécologues obstétriciens (59%), les psychiatres et les anesthésistes (58% chacun). Les cardiologues et les pneumologues sont les moins nombreux à pratiquer des dépassements en secteur 2 (22%) ».
Jean Cittone ajoute que « la propension des spécialistes à appliquer des dépassements d’honoraires élevés dépend également de l’âge des praticiens et du niveau de vie du territoire sur lequel ils exercent. Les médecins plus âgés dans les grandes métropoles pratiquent ainsi des tarifs plus élevés que leurs confrères ».
Le Dr Franck Devulder, hépato-gastro-entérologue conventionné secteur 2 et président de la CSMF, réagit : « Les compléments d’honoraires, ce ne sont pas des dépassements sans limite “parce que je le vaux bien”. […] Un grand nombre d’actes techniques sont au même tarif qu’en 1991 ».
« Il faut corriger les abus et les excès, mais si on ne veut pas fermer ces secteurs d’activité, faisons évoluer le plan tarifaire, qui n’a pas bougé depuis 35 ans ! », ajoute le spécialiste.
Jean Cittone observe que « les patients, eux, ne veulent pas être le dindon de la farce et certaines organisations appellent de longue date à juguler les hausses des tarifs. Cette situation pose en effet un véritable problème d’égalité dans l’accès aux soins. Pour l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), le rapport publié ce jeudi «confirme une réalité inacceptable pour des milliers de patients» ».
Libération note également que « la douloureuse dans les cabinets médicaux ne cesse de s’alourdir. Le montant des dépassements d’honoraires des médecins libéraux est en «forte accélération» depuis 2019 et le mouvement va se poursuivre, avertit […] un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ».
Le quotidien relève que « ces dépassements d’honoraires «peuvent induire un reste à charge élevé pour les patients», avertit l’institution ». Cette dernière remarque : « Pour une intervention de prothèse totale de la hanche, près de la moitié des patients s’acquittent de dépassements (630 euros en moyenne et plus de 1000 euros dans 10% des cas) ».
Le journal ajoute que « la participation des complémentaires santé vient amoindrir la facture pour les patients, dans la mesure où elles prennent globalement en charge 40% des dépassements d’honoraires constatés par les patients. Mais cette participation est «très variable selon les contrats» ».
Les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes s’envolent
Christophe Gattuso
Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) s’alarme de la hausse continue des dépassements d’honoraires, qui ont atteint 4,5 milliards d’euros en 2024, et de la part croissante de praticiens installés en secteur 2, qui menace l’égalité d’accès aux soins. L’instance va plancher sur des pistes de réforme.

Instance discrète, chargée de formuler des propositions pour assurer la pérennité financière des régimes d’assurance maladie, le HCAAM a frappé un grand coup sur la table, jeudi 2 octobre, en alertant sur l’accélération, ces dernières années, de la hausse des dépassements d’honoraires des médecins. Dans un rapport d’une centaine de pages, le HCAAM dresse un état des lieux complet de la situation et appelle à une réforme.
Il présente tout d’abord la facture. Les dépassements d’honoraires des médecins ont atteint 4,5 milliards d’euros en 2024, émanant essentiellement des spécialistes (4,3 milliards d’euros), leur montant est en forte augmentation de 5% par an depuis 2019.
Trois quarts des nouveaux spécialistes installés en secteur 2
Cette dynamique est portée par la hausse du nombre de praticiens spécialistes installés en secteur 2. En 2024, 56 % des spécialistes sont à honoraires libres contre 37 % en 2000.
« Si la moitié des médecins spécialistes sont en secteur 2, les trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2 quand ils s’installent », observe Yann-Gaël Amghar, président du HCAAM.
La proportion était des deux tiers en 2017. Sur les 2 800 installations en libéral en 2024, 2 100 se sont ainsi faites en secteur 2.
« C’est le cas pour la quasi-totalité des rhumatologues et des stomatologues, et pour près de 9 praticiens sur 10 dans les spécialités de plateaux techniques lourds (chirurgiens, gynécologues-obstétriciens, anesthésistes), en dermatologie, en médecine physique et de réadaptation, en ORL, en ophtalmologie, en neurologie », observe le HCAAM.

Le taux de dépassement moyen repart à la hausse
Un deuxième phénomène explique l’envolée des dépassements : le taux de dépassement moyen des médecins spécialistes en secteur 2 (et OPTAM) est reparti à la hausse depuis 5 ans et atteint près de 50 %.
Dans le même temps, la part d’activité à tarifs opposables des professionnels en secteur 2 a, elle, baissé.
Ce constat montre l’essoufflement des contrats de modération tarifaire (contrat d’accès aux soins puis OPTAM) qui avaient permis jusqu’en 2020 de limiter la hausse du taux de dépassement moyen.
Les dépassements d’honoraires contribuent à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes
Le HCAAM
« Ces facteurs devraient conduire à ce que la dynamique des montants de dépassements se poursuive dans les années à venir », prédit le Haut Conseil.
De fait, les dépassements d’honoraires représentent une part croissante des honoraires totaux perçus par les médecins spécialistes, plus du tiers des revenus professionnels pour certaines spécialités (stomatologues, gynécologues-obstétriciens, chirurgiens, psychiatres…).
Ces mêmes spécialités ont d’ailleurs le taux de dépassement moyen le plus élevé en 2024 (voir graphique ci-dessous).

Un impact sur l’accès aux soins
Le HCAAM observe que les situations sont très contrastées au sein de chaque spécialité, avec pour chacune d’elles une très forte dispersion des taux de dépassement pratiqués.
10% de spécialistes appliquant les dépassements les plus élevés dépassent souvent le double des dépassements moyens de leur spécialité. Le Haut Conseil cite l’exemple des 6 700 chirurgiens en secteur 2 pour lesquels les dépassements sont en moyenne de 58 % des « tarifs Sécu ». Mais pour 10 % d’entre eux, le dépassement est de 184 %, c’est-à-dire que le tarif facturé représente presque trois fois le tarif opposable.
Les niveaux de dépassements sont plus élevés dans les grandes métropoles et sont d’autant plus forts que les médecins en secteur 1 sont moins nombreux sur leur territoire et dans leur spécialité, observe le HCAAM.
Les dépassements d’honoraires, qui ne sont pris en charge qu’à 40% des complémentaires santé, peuvent induire un reste à charge élevé pour les patients, observe le Haut Conseil.
D’autant que l’exposition aux dépassements est très inégale entre les assurés. Elle varie selon leur lieu de résidence (le dépassement est 4 fois plus élevé à Paris qu’en moyenne nationale), selon l’âge du praticien (qui réalisent des dépassements à des taux plus élevés lorsqu’ils sont expérimentés) et celui des patients. Les 70-79 ans paient deux fois plus de dépassements que les 30-39 ans, ajoute le HCAAM.
L’OPTAM a contribué à rendre attractif pour les jeunes le secteur 2, qui est devenu la norme
Yann-Gaël Amghar
La possibilité d’appliquer des dépassements d’honoraires élevés facilite l’installation dans les zones métropolitaines à niveau de vie élevé, où de fait la part de spécialistes en secteur 2 est nettement plus élevée. « Les dépassements d’honoraires contribuent à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes », analyse le Haut Conseil. Il observe que les dépassements d’honoraires variables et non prévisibles sont difficilement lisibles par les patients.
L’OPTAM mis en échec, une réforme s’impose
Ses résultats amènent à s’interroger sur le bilan des options de maîtrise tarifaire (OPTAM) auxquels ont souscrit un peu plus de 16 000 praticiens spécialistes (53% de la cible concernés) et dont le nombre n’augmente pas assez vite – loin de l’objectif fixé dans la convention de 5% par an – comme l’a établi l’Observatoire de l’accès aux soins.
Yann-Gaël Amghar juge ce bilan « contrasté » : « L’OPTAM a permis de maîtriser les niveaux de dépassement et ses signataires ont augmenté leur activité mais il n’a pas permis d’empêcher les dépassements de repartir à la hausse. Surtout, l’OPTAM a contribué à rendre attractif pour les jeunes le secteur 2, qui est devenu la norme. »
A la suite de cet état des lieux, le HCAAM a indiqué qu’il allait poursuivre ses travaux et examiner des propositions de réformes envisageables, alors d’une mission parlementaire pilotée par Jean-François Rousset (EPR, Aveyron) et Yannick Monnet (GDR, Allier), planche depuis mai sur ce sujet
Des associations d’usagers attendent une régulation. Affirmant que de nombreux patients se trouvent « confrontés à des factures qui les plongent dans une précarité sociale » et ont des difficultés pour financer leurs soins, la FNATH exhorte les autorités à agir.
L’association réclame l’interdiction d’installation des médecins en secteur 2 et un encadrement plus strict des dépassements excessifs.
Reste que les dépassements d’honoraires, possibles depuis la création du secteur 2 en 1980, apparaissent souvent comme la seule possibilité offerte à certaines spécialités pour gonfler les honoraires quand les tarifs opposables sont faibles (comme les psychiatres ou les pédiatres). Difficile donc pour les médecins de concevoir de réduire les dépassements d’honoraires sans revalorisation des tarifs de secteur I.
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Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a adopté un rapport établissant un état des lieux des dépassements d’honoraires des médecins. Ce rapport est accompagné d’une synthèse et d’études inédites en annexes.
La hausse des dépassements d’honoraires s’accélère
Le montant total des dépassements d’honoraires des médecins spécialistes atteint 4,3 Mds€ en 2024, en forte accélération depuis 2019 (+5% par an en valeur réelle, hors inflation). Cette dynamique résulte :
- d’une hausse de la part du secteur 21 parmi les spécialistes : en 2024, 56% des spécialistes sont en secteur 2 contre 37% en 2000. Aujourd’hui, lorsqu’ils s’installent, les trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2 : la proportion était des deux tiers en 2017.
- mais aussi, depuis 2020, de la hausse des taux de dépassements et de la baisse de la part d’activité à tarifs opposables des professionnels en secteur 2, à rebours de la décennie 2010 où les taux de dépassements avaient baissé et où la part d’activité à tarifs opposables avait progressé.
Ces facteurs devraient conduire à ce que la dynamique des montants de dépassements se poursuive dans les années à venir.
Les dépassements, une part souvent importante des revenus des médecins
Les dépassements d’honoraires représentent aujourd’hui plus du tiers des revenus professionnels pour certaines spécialités.
Les dépassements représentent une part plus importante des revenus dans certaines spécialités dont les revenus sont plus faibles en moyenne, alors qu’ils tiennent une place bien moindre dans les revenus des certaines spécialités techniques et souvent intensives en capital, dont les revenus sont pourtant les plus élevés. Pour partie, la dynamique des dépassements joue un rôle de compensation de l’érosion des revenus tirés des tarifs opposables dans certaines spécialités.
Des situations très contrastées au sein de chaque spécialité
Les dépassements ne s’expliquent toutefois pas intégralement par les inadéquations tarifaires auxquelles sont confrontées certaines spécialités. En effet, au sein de toutes les spécialités, on constate une très forte dispersion des taux de dépassement pratiqués. 10% (et parfois près de 20%) de spécialistes appliquant les dépassements les plus élevés dépassent souvent le double des dépassements moyens de leur spécialité. A titre d’exemple pour les 6 700 chirurgiens en secteur 2, les dépassements sont en moyenne de 58 % des « tarifs sécu ». Mais pour 10 % d’entre eux, le dépassement est de 184 %, c’est-à-dire que le tarif facturé représente presque trois fois le « tarif sécu ».
La propension des spécialistes à appliquer des dépassements élevés :
- croît avec l’âge des praticiens,
- croît avec le niveau de vie du territoire sur lequel ils exercent : les niveaux de dépassements sont ainsi particulièrement élevés dans les grandes métropoles ;
- et est d’autant plus forte que les médecins en secteur 1 sont moins nombreux sur leur territoire et dans leur spécialité.
On constate, pour l’ensemble des spécialités, que les praticiens appliquant les dépassements les plus élevés ont une activité plus réduite que leurs confrères.
La possibilité d’appliquer des dépassements d’honoraires élevés facilite l’installation dans les zones métropolitaines à niveau de vie élevé, où de fait la part de spécialistes en secteur 2 est nettement plus élevée. Les dépassements d’honoraires contribuent donc à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes.
Les dépassements d’honoraires peuvent induire un reste à charge élevé pour les patients
Par exemple, pour une intervention de prothèse totale de la hanche, près de la moitié des patients s’acquittent de dépassements (630 € en moyenne et plus de 1000 € dans 10% des cas). De plus sur l’ensemble de l’épisode de soins qui entoure cette intervention, près de 80% des patients2 sont exposés à au moins un dépassement. En cumul, cela fait alors 700 € en moyenne et plus de 1400 euros pour 10% de ces patients.
Les dépassements d’honoraires des médecins sont pris en charge à environ 40% par les complémentaires santé, et représentent au total 14% du reste à charge des ménages.
Les ménages les plus modestes couverts par la complémentaire santé solidaire (C2S)3 sont en théorie protégés contre les dépassements puisque les praticiens ont l’interdiction de leur facturer des dépassements d’honoraires. Mais l’effectivité de cette protection est atténuée par le fait que beaucoup d’assurés ne font pas valoir leurs droits. Pour les autres assurés, y compris en affection de longue durée (ALD), la prise en charge par les complémentaires santé est variable selon le type de contrat et rarement intégrale. Les contrats d’entreprise, qui couvrent surtout des salariés du secteur privé et leurs ayant-droits offrent des garanties généralement supérieures que les contrats individuels, plus fréquents parmi les personnes âgées et les personnes sans emploi.
Une exposition aux dépassements inégale et non lisible
L’exposition aux dépassements est très inégale entre les assurés : elle varie selon le lieu (dépassement par patient 4 fois plus élevé à Paris qu’en moyenne nationale), et selon la consommation de soins : les 70-79 ans paient deux fois plus de dépassements que les 30-39 ans.
Les dépassements progressent avec le niveau de vie. Mais les patients habitant des communes modestes se trouvent aussi exposés à des dépassements d’honoraires, du fait du faible nombre de médecins en secteur 1, sans que cela résulte de choix des patients.
Les dépassements d’honoraires sont variables, non prévisibles et suscitent chez beaucoup de patients une incompréhension face à un système difficilement lisible. Les trois quarts de la population vivant en France estiment que les dépassements d’honoraires pratiqués par certains médecins ne sont pas justifiés.
Après ce rapport consacré à l’état des lieux, le HCAAM va poursuivre ses travaux pour examiner des propositions de réformes envisageables.
Documents à télécharger :
Voir aussi :
Les députés qui sont contre la régulation des installations et pour les dépassements d’honoraires, comment font-ils pour se soigner ?https://environnementsantepolitique.fr/2022/11/09/37477/