Alzheimer: un nouveau traitement (un anticorps monoclonal, le lecanemab qui vise la protéine dite bêta-amyloïde) avec un effet modeste et de nombreux effets secondaires potentiellement graves

Maladie d’Alzheimer : un nouveau traitement et de nouvelles mises en garde

Un anticorps monoclonal a obtenu le feu vert des autorités américaines. Il a prouvé son efficacité pour réduire les troubles cognitifs, mais la balance bénéfice-risque au regard des effets indésirables soulève des interrogations. 

Par Pascale Santi Publié aujourd’hui à 06h00 https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/01/19/maladie-d-alzheimer-un-nouveau-traitement-et-de-nouvelles-mises-en-garde_6158444_1650684.html?xtor=EPR-32280629-%5Ba-la-une%5D-20230119-%5Bzone_edito_2_titre_6%5D&M_BT=53496897516380

Temps de Lecture 3 min. 

Un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer a été approuvé le 6 janvier par les autorités sanitaires américaines (Food and Drug Administration, FDA), le lecanemab, commercialisé par les laboratoires Eisai et Biogen, sous le nom de Leqembi. Cet anticorps monoclonal, qui vise à diminuer le déclin cognitif, s’adresse aux patients présentant une forme légère de cette maladie neurodégénérative. Elle touche environ 55 millions de personnes dans le monde. Aucun traitement pour la freiner n’existe à ce jour. Il y a eu de nombreuses déconvenues ces vingt dernières années, la dernière concernant l’Aduhelm (aducanumab), également développé par Eisai et Biogen.Lire aussi Alzheimer : pourquoi prescrit-on des médicaments inefficaces ?

Si les causes de la maladie d’Alzheimer restent mal connues, elle se caractérise sur le plan physiopathologique par des changements dans le cerveau. Des plaques bêta-amyloïdes, formées par l’accumulation anormale d’une protéine dite bêta-amyloïde, se déposent entre les cellules nerveuses situées dans la substance grise du cortex cérébral, provoquant un dysfonctionnement des connexions entre les neurones. On constate aussi une dégénérescence neurofibrillaire, une accumulation anormale de filaments à l’intérieur des neurones, liée à l’effet délétère de la protéine tau. « Ces deux lésions correspondent à des amas de protéines qui se forment lors du processus normal du vieillissement. Cependant, dans les maladies de type Alzheimer, ces protéines s’accumulent en beaucoup plus grande quantité », précise le site de la Fondation Recherche Alzheimer.

Or le lecanemab vise la protéine dite bêta-amyloïde. Publiés dans le New England Journal of Medicine le 29 novembre, les résultats de l’étude menée sur 1 795 participants (dont 898 ont reçu la molécule) ont montré que le lecanemab, administré par perfusion intraveineuse toutes les deux semaines, réduisait de plus de 50 % les marqueurs de l’amyloïde.Ils ont aussi mis en évidence une baisse de 27 % des troubles cognitifs après dix-huit mois de traitement par rapport au placebo.

Les chercheurs ont utilisé l’échelle d’évaluation de la démence (Clinical Dementia Rating) pour évaluer les fonctions cognitives (mémoire, orientation, jugement) et sociales (actes de la vie courante, occupations, etc.). Les questions sont posées aux patients et à leurs proches, et un score de sévérité est attribué à chaque facteur. Au final, les scores totaux vont de 0 à 18, le score de 0 à 6 indiquant un stade précoce de la maladie. Le score moyen au départ pour les deux groupes était de 3,2. À l’issue des dix-huit mois, il était de 1,21 pour ceux qui avaient pris le lecanemab, contre 1,66 pour le groupe placebo, une différence de 27 %.

Micro-hémorragies cérébrales

« Ces résultats prometteurs signifient que les patients peuvent maintenir leurs activités plus longtemps », explique le professeur Bruno Vellas, coauteur de l’article et coordinateur du pôle gériatrie du CHU de Toulouse. « Ce n’est pas un médicament qui va guérir la maladie d’Alzheimer mais c’est la première fois qu’on a un traitement positif qui attaque les mécanismes de la maladie et la fait progresser plus lentement », précise-t-il, comparant cette « avancée » aux premiers essais sur la sclérose en plaques ou sur certaines pathologies cancéreuses.

« Sachant que la dépendance survient cinq à six ans après les premiers symptômes de la maladie, ces personnes pourraient en théorie gagner seize à dix-neuf mois d’autonomie avec le médicament, ce qui n’est pas rien », ajoute Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille et directeur de la Fondation Alzheimer. « Le traitement est moins efficace chez les sujets porteurs homozygotes du gène APOE4, qui multiplie par 10 à 15 le risque de développer la maladie d’Alzheimer », déplore le spécialiste. De plus, ces personnes ont 39 % de risques de complications hémorragiques.

D’autres sont encore plus prudents. « En dépit d’une diminution des plaques amyloïdes, aucun des anticorps anti-substance amyloïde n’a pu démontrer à ce jour un effet cliniquement pertinent permettant de soutenir un rapport bénéfice-risque favorable de ces médicaments », a indiqué dans un communiqué le 10 janvier la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT).

« Pour la première fois, effectivement, il semble y avoir un signal d’efficacité, mais les effets indésirables pourraient prendre le pas sur ce léger bénéfice. Je comprends que les malades et leurs familles prennent cette nouvelle comme un signal positif mais, d’un point de vue médical et scientifique, la prudence reste de mise », avertit Dominique Deplanque, président de la SFPT et chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Lille. Il met en garde contre les emballements médiatiques et les faux espoirs.

Lire aussi  Alzheimer : 40 % des cas seraient évitables grâce à un mode de vie adapté

En termes d’effets indésirables, les examens d’imagerie ont montré 12,6 % d’œdèmes cérébraux – plus ou moins symptomatiques – pour le groupe traité au lecanemab, contre 2 % dans le groupe placebo, et 17 % de micro-hémorragies cérébrales dans le groupe traité, contre 9 % dans le placebo. Le traitement a dû être arrêté chez 7 % des patients en raison d’effets indésirables et devrait être contre-indiqué chez ceux qui prennent des anticoagulants.

Autre frein, le coût pourrait être élevé. L’Agence européenne du médicament (EMA) devrait examiner le dossier dans les semaines à venir. En attendant, des essais se poursuivent.

Pascale Santi

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire