« Notre système de soin n’est pas adapté à une population vieillissante »
Date de publication : 18 janvier 2023
Le Figaro constate qu’« en 2022, l’espérance de vie [en France] stagne et la mortalité reste très élevée, avec 667.000 décès, 46.000 de plus que ce que laissaient imaginer les projections. La France compte ainsi seulement 2000 décès de moins qu’en 2020, année meurtrière de l’arrivée du Covid-19 ».
Le journal livre un entretien avec Jean-Marie Robine, démographe, directeur de recherche à l’Inserm, qui « analyse ces chiffres plus importants que prévu. […] Il appelle également à mieux prendre en compte le vieillissement ».
Jean-Marie Robine souligne que « ce nombre élevé de décès est plutôt dû à une mauvaise année. On a tout eu en 2022 : la poursuite de l’épidémie de Covid avec le variant Omicron, trois vagues de canicule pendant l’été avec un excès de mortalité de 11.000 décès selon un bilan provisoire, un épisode de grippe… ».
« J’insisterai sur la dynamique du Covid qui reste difficile à comprendre. Les vagues se succèdent à intervalles rapprochés, très rapides. Les contaminations connaissent des accélérations fulgurantes puis retombent en quelques jours. Ce virus a mis toutes les modélisations en échec. Il n’y a pas non plus eu d’«effet moisson», soit une baisse de la mortalité après un épisode de surmortalité, les personnes les plus fragiles étant mortes avant l’heure. Cela montre que cette théorie est difficile à vérifier, car même si une épreuve emporte les plus fragiles, elle affaiblit ou fatigue une autre catégorie de personnes qui étaient auparavant plus solides », ajoute le spécialiste.
Le Figaro interroge : « L’espérance de vie stagne à 85,2 ans pour les femmes et 79,3 ans pour les hommes. Elle n’a pas retrouvé le niveau de 2019… Est-ce la fin d’une période d’allongement de la vie ? ».
Jean-Marie Robine répond que « depuis la grippe de Hongkong, à la fin des années 1960, l’espérance de vie a connu une augmentation continue et quasi régulière en France jusqu’à la grande canicule de 2003. […] Après 2003, la croissance de l’espérance de vie a repris, mais de manière plus lente, jusqu’à la stagnation d’aujourd’hui. Je ne dis pas qu’il s’agit d’une limite biologique, mais c’est comme si nous étions arrivés à un palier dans la prise en charge des personnes très âgées fragiles. Elles sont touchées par une usure physiologique et cognitive et deviennent sensibles au moindre risque, comme une canicule, une grippe ou le Covid ».
Le chercheur note en outre que « notre système de soin n’est absolument pas adapté aux besoins d’une population vieillissante. Les hôpitaux d’aujourd’hui ne sont pas appropriés à la prise en charge des personnes très âgées. Ils peuvent même être délétères, car des hospitalisations peuvent provoquer de la dépendance. Les Ehpad ont également montré leurs limites durant la crise sanitaire. La concentration d’une population fragile dans un même endroit a créé des ravages ».
« Il faudrait imaginer un système complètement différent pour les aînés. Des maisons de santé dédiées à des consultations spécialisées, de l’hospitalisation à domicile pourraient leur permettre de vivre le plus longtemps possible autonome à la maison », déclare le démographe.