« Submergé d’appels, sans solution pérenne, le Samu du Calvados tente de surnager »
Date de publication : 3 janvier 2023
C’est ce que titre Le Parisien, qui observe que « les virus de l’hiver couplés aux discours officiels encourageant à appeler le 15 font exploser le nombre d’appels au Samu du Calvados. Ses membres tentent de gérer en déplorant le manque de moyens et d’implication des médecins généralistes ».
Thierry Leraitre, médecin urgentiste du Samu du Calvados, remarque ainsi qu’« au mois de décembre, nous n’avons connu qu’une seule journée, le 8, avec moins de 1000 appels. Et encore, on en avait reçu 965. On a jusqu’à 1700 appels par jour ! […] De plus en plus de responsables et d’instances demandent aux gens de composer le 15. Nous sommes les couteaux suisses de la médecine, les derniers à répondre présent ».
Esteban Pinel explique qu’« avec les nombreuses épidémies hivernales cette année, les malades ne manquent pas au bout du fil. Sans oublier tous les autres maux, malaises et blessures. Et le CHU [de Caen], confronté en plus à l’engorgement de son service d’Urgences, a instauré, comme de nombreux centres hospitaliers avant lui, la régulation obligatoire par le 15 ».
José Monteiro, assistant de régulation médicale, souligne que « beaucoup de gens nous disent qu’ils cherchent un médecin. Les cas graves, on les prend en charge. Mais quand quelqu’un appelle, qu’il tousse et ne se sent pas bien, que fait-on ? Les Urgences sont engorgées. L’attente est très longue. Quant aux médecins, ils sont déjà submergés de travail ».
Esteban Pinel note que « pour ces fameux cas graves, le serveur vocal du Samu propose d’appuyer sur la touche 1 pour signaler une urgence grave (certaines personnes en abusent par ailleurs). Il s’agit là du cœur de métier du Samu. Mais d’après Thierry Leraitre, aujourd’hui, 5 à 7% seulement des appels concernent des Urgences ».
Le journaliste indique que « la direction du CHU de Caen a pris conscience de la situation. […] Des renforts, ponctuels pour certains, augmentent un peu les effectifs. En journée, 6 assistants de régulation sont généralement sur le pont. Trois à quatre autres prennent le relais la nuit. Eux sont en première ligne ».
José Monteiro précise : « On établit le dossier médical et on priorise les appels. Jeudi (29 décembre), pendant ma dernière vacation, j’ai passé 70% de mon temps au téléphone. C’est trois fois plus que ça devrait. On décroche, on écoute, on rappelle, on essaie de trouver des solutions ».
Esteban Pinel retient que « ces centaines de coups de téléphone relatifs à des questions de médecine générale semblent être le gros nœud du problème. «Il faudrait avoir 4 ou 5 médecins généralistes en journée au Samu», plaide Thierry Leraitre, qui pense que les médecins libéraux ne reviendront pas à la rescousse ».
Le médecin ajoute : « Il faut mettre davantage à contribution les médecins depuis leurs cabinets. Là, il y a des secrétariats de cabinets médicaux qui disent aux gens d’appeler le 15. Nous avons le sentiment d’être devenus un centre d’appels pour tout et n’importe quoi, de faire le secrétariat des uns et des autres ».
Esteban Pinel continue : « En attendant d’hypothétiques réformes, Thierry Leraitre prévient : «On dit aux gens qu’il faut appeler le 15. Nous faisons le travail du mieux possible mais ils vont attendre.» Plus d’une heure au téléphone pour certains nous dit-on ».
Submergé d’appels, sans solution pérenne, le Samu du Calvados tente de surnager
Les virus de l’hiver couplés aux discours officiels encourageant à appeler le 15 font exploser le nombre d’appels au Samu du Calvados. Ses membres tentent de gérer en déplorant le manque de moyens et d’implication des médecins généralistes.

Par Esteban Pinel
Le 3 janvier 2023 à 08h00
Thierry Leraitre a fait les comptes : « Au mois de décembre, nous n’avons connu qu’une seule journée, le 8, avec moins de 1000 appels. Et encore, on en avait reçu 965. On a jusqu’à 1700 appels par jour ! » Le médecin urgentiste du Samu du Calvados voit le plateau de régulation flamber, en particulier depuis cet été. En quelques années, avec un peu plus de recul, l’activité a plus que doublé, submergeant le service d’urgence.
« De plus en plus de responsables et d’instances demandent aux gens de composer le 15, reprend le médecin. Nous sommes les couteaux suisses de la médecine, les derniers à répondre présent. » Avec les nombreuses épidémies hivernales cette année, les malades ne manquent pas au bout du fil. Sans oublier tous les autres maux, malaises et blessures. Et le CHU, confronté en plus à l’engorgement de son service d’Urgences, a instauré, comme de nombreux centres hospitaliers avant lui, la régulation obligatoire par le 15. Concrètement, toute personne en difficulté doit d’abord appeler le Samu, qui décide ou non d’une admission aux Urgences, l’orientant vers une autre solution médicale le cas échéant.
« Quand quelqu’un appelle, qu’il tousse et ne se sent pas bien, que fait-on ? »
José Monteiro, assistant de régulation médicale
Or, ces fameuses autres solutions manquent à l’appel selon José Monteiro, assistant de régulation médicale depuis une quarantaine d’années : « Beaucoup de gens nous disent qu’ils cherchent un médecin. Les cas graves, on les prend en charge. Mais quand quelqu’un appelle, qu’il tousse et ne se sent pas bien, que fait-on ? Les Urgences sont engorgées. L’attente est très longue. Quant aux médecins, ils sont déjà submergés de travail. » Pour ces fameux cas graves, le serveur vocal du Samu propose d’appuyer sur la touche 1 pour signaler une urgence grave (certaines personnes en abusent par ailleurs). Il s’agit là du cœur de métier du Samu. Mais d’après Thierry Leraitre, aujourd’hui, 5 à 7 % seulement des appels concernent des Urgences. « Une anomalie », selon le praticien.
Manque de moyens humains et matériels
La direction du CHU de Caen a pris conscience de la situation, relève José Monteiro, également secrétaire Force ouvrière dans l’établissement. Des renforts, ponctuels pour certains, augmentent un peu les effectifs. En journée, 6 assistants de régulation sont généralement sur le pont. Trois à quatre autres prennent le relais la nuit. Eux sont en première ligne. « On établit le dossier médical et on priorise les appels. Jeudi (29 décembre), pendant ma dernière vacation, j’ai passé 70 % de mon temps au téléphone. C’est trois fois plus que ça devrait. On décroche, on écoute, on rappelle, on essaie de trouver des solutions », dit le régulateur.
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Quand le cas est plus urgent, José Monteiro et ses collègues transfèrent les appels aux quatre médecins urgentistes de l’équipe… quand ils sont tous là. « L’autre jour, on a fait une intervention. Deux d’entre eux sont allés sur place. Il n’en restait donc que deux. C’était mission impossible », déplore le syndicaliste, qui n’en finit plus de demander « des moyens pour le Samu ». Humains et… matériels, « car on manque de postes de travail dans notre salle et le logiciel a parfois du mal à suivre avec autant d’appels ».
Trop d’appels de médecine générale
Ces centaines de coups de téléphone relatifs à des questions de médecine générale semblent être le gros nœud du problème. « Il faudrait avoir quatre ou cinq médecins généralistes en journée au Samu », plaide Thierry Leraitre, qui pense que les médecins libéraux ne reviendront pas à la rescousse. « Il faut mettre davantage à contribution les médecins depuis leurs cabinets. Là, il y a des secrétariats de cabinets médicaux qui disent aux gens d’appeler le 15. Nous avons le sentiment d’être devenus un centre d’appels pour tout et n’importe quoi, de faire le secrétariat des uns et des autres. » De quoi aussi altérer l’attractivité de ce métier d’Urgences selon le médecin.
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Alors que « le nombre d’appels ne baissera pas » selon Thierry Leraitre, quid des solutions, ne serait-ce qu’à court terme ? « Il n’y en a pas », répond, le ton las, l’urgentiste, qui estime qu’il faudrait « tout réformer ». José Monteiro aimerait au moins disposer « du numéro de portable des médecins généralistes pour aiguiller leurs patients quand il ne s’agit pas d’un cas grave ».
En attendant d’hypothétiques réformes, Thierry Leraitre prévient : « On dit aux gens qu’il faut appeler le 15. Nous faisons le travail du mieux possible mais ils vont attendre. » Plus d’une heure au téléphone pour certains nous dit-on. Un écho des Urgences du CHU où, « mercredi (28 décembre), le séjour moyen dans le service avant une hospitalisation était de 26 heures, et de 13 heures pour une sortie à l’issue de la consultation ».
« Si un député se cassait une jambe, il verrait comment on traite l’urgence aujourd’hui »
Thierry Leraitre, médecin urgentiste du Samu du Calvados
L’arrivée de l’ancien urgentiste François Braun à la tête du ministère de la Santé a bien suscité quelques espoirs mais, selon le médecin caennais, du haut de ses 26 ans de métier, « il met des pansements sur une jambe de bois. On a par exemple bénéficié d’une revalorisation, seulement provisoire, jusqu’en mars. Je pense que François Braun est limité dans ce qu’il peut faire. Il faudrait que les gouvernants, les parlementaires, vivent tout ça de l’intérieur. Si un député se cassait une jambe, il verrait comment on traite l’urgence aujourd’hui ». Une chose est sûre : il lui faudrait s’armer de patience.