« Interdisons les herbicides en AOC champagne »
Tribune
Collectif
Un collectif de plus 125 vignerons de Champagne s’indigne, dans une tribune au « Monde », de la volte-face du Syndicat général des vignerons de Champagne, qui, après avoir pris position en faveur de l’interdiction des herbicides à l’horizon 2025, est revenu sur sa décision en avril.
Publié le 07 décembre 2022 à 06h00, mis à jour le 08 décembre 2022 à 08h07 Temps de Lecture 2 min.
Il y a quatre ans, en 2018, lors de l’assemblée générale de l’Association viticole champenoise, la Champagne a su prendre collectivement une décision forte pour son avenir, en se fixant pour objectif zéro herbicide en 2025. En 2018, le président de l’Union des maisons de Champagne, Jean-Marie Barillère, s’était exprimé ainsi : « Il n’y a que deux issues possibles, soit nous avançons, soit nous attendons qu’on nous oblige à avancer avec tous les risques que cela comporte en termes écologiques, en termes d’image et, donc, en termes économiques pour notre filière et nos entreprises. Je préfère tracer la route d’une Champagne vertueuse, plutôt que de vivre sur le passé. »
Le président du Syndicat général des vignerons de Champagne, Maxime Toubart, renchérissait : « L’objectif est de pouvoir, dans quelques années, parler d’une Champagne 100 % durable, engagée et exemplaire, et de pouvoir afficher zéro désherbant. » Nous, vigneronnes et vignerons, coopératrices et coopérateurs, maisons de Champagne, signataires de cette tribune, souhaitons protester contre le revirement de l’interprofession champenoise qui abandonne aujourd’hui l’objectif de l’interdiction des herbicides dans le cahier des charges de l’appellation champagne.
En avril 2022, Maxime Toubart, est en effet revenu sur cette décision, l’interdiction des herbicides ne sera pas inscrite dans le cahier des charges de l’AOC champagne. A l’instar de nos prédécesseurs champenois qui ont toujours su prendre leur destin en main, nous avons banni l’utilisation des herbicides sur nos domaines viticoles.
Etre plus que jamais exemplaire
Nous sommes résolument convaincus que la Champagne de demain sera plus propre, plus verte, par notre action concrète plutôt qu’à attendre l’interdiction européenne, sans cesse reportée, du glyphosate sur nos sols champenois. Les alternatives aux herbicides existent. Elles sont présentées depuis quinze ans par les services techniques du Comité Champagne et les chambres d’agriculture.
La montée en compétences technique et la gestion de l’enherbement ont été évaluées, comme les besoins de formation, de main-d’œuvre, d’investissements en matériel agricole ont été chiffrés. Nous discernons précisément la difficulté du changement de pratique dans les zones difficiles d’accès, comme les parcelles à forte pente ou en dévers, qui pourraient bénéficier d’un cadre réglementaire plus adapté.
Ces solutions sont plus aisées à mettre en place dans une AOC à très forte valeur ajoutée comme la nôtre. Dans un contexte économique très favorable, notre appellation se doit aujourd’hui et plus que jamais d’être exemplaire. Actuellement, l’utilisation des herbicides en Champagne reste motivée par la seule facilité d’usage, associée à un manque de connaissances sur l’impact environnemental et sanitaire des molécules utilisées.
Au bénéfice de l’ensemble des acteurs champenois
Nous savons que l’usage des herbicides nuit à la biodiversité et aux bienfaits qu’elle apporte aux cultures. Les herbicides pénalisent la vie microbienne des sols, l’expression de la typicité des terroirs, favorisent le ruissellement et l’érosion des coteaux. Les herbicides nuisent à la santé des travailleurs exposés et à celle des riverains qui vivent sur les mêmes territoires.
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La présence dans les masses d’eau des molécules herbicides et de leurs métabolites oblige dès à présent à fermer des aires de captage dans les communes viticoles, à entreprendre des installations de filtration extrêmement coûteuses pour les collectivités. Nous sommes les acteurs et les garants de l’une des plus prestigieuses appellations viticoles au monde. Quelle Champagne souhaitons-nous laisser à nos jeunes collègues, à nos enfants, aux habitants qui partagent notre territoire ?
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Nous, vigneronnes et vignerons, coopératrices et coopérateurs, maisons de Champagne, appelons de tous nos vœux le Syndicat général des vignerons et l’Union des maisons de Champagne à poursuivre leur plan de progrès en respectant l’échéance fixée du zéro herbicide en 2025, pour un engagement effectif de notre filière dans une voie pérenne, au bénéfice de l’ensemble des acteurs champenois et des citoyens qui habitent notre territoire.
Les premiers signataires de cette tribune sont : Jérôme Bourgeois, président de L’Association des champagnes biologiques ; Aurélien Suenen, coprésident du groupe Terres & Vins, Champagne Suenen ; Frédéric Zeimett,directeur général Champagne Leclerc Briant ; Raphaël Bérèche, Champagne Bérèche et fils ; Charlotte De Sousa,Champagne De Sousa ; Jean-Sébastien Fleury, Champagne Fleury ; Benoît Lahaye, Champagne Benoît Lahaye ; Antoine Paillard, Champagne Pierre Paillard ; Aurélien Gerbais, Champagne Pierre Gerbais ; Jean-Pierre Vazart,Champagne Vazart-Coquart ; Mélanie Tarlant, Champagne Tarlant ; Vincent Laval, Champagne Georges Laval ; Eric Rodez, Champagne Rodez ; Pierre Larmandier, Champagne Larmandier-Bernier ; Jean-Baptiste Geoffroy,Champagne Geoffroy.
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