Publié le 23/09/2022
Restriction à l’installation : pour les infirmiers, ça marche !

Paris, le vendredi 23 septembre 2022 – Les pouvoirs publics ont mis en place un « zonage infirmier » sur l’ensemble du territoire en 2012* (après une expérimentation commencée en 2008) qui correspond à des mesures restrictives à l’installation dans les zones les mieux dotées et incitatives à l’installation dans les zones déficitaires.
Dix ans après la mise en place de ce dispositif, que certains aimeraient voir également appliqué aux médecins, l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) en tire un bilan.
Pour analyser l’implantation des infirmières libérales puis plus particulièrement des nouvelles générations, Fanny Duchaine et ses collaborateurs ont étudié l’évolution de la densité infirmière dans les zones à faible densité, les zones riches et celles « intermédiaires » (ou aucune disposition n’est prise).
« La densité d’infirmières libérales pour 100 000 habitants sur la période 2006 -2016 reste supérieure dans les territoires sur-dotés, mais décroît depuis 2012 et la mise en place des restrictions d’installations » notent les auteurs.
A l’inverse, dans les aires où le nombre d’infirmières était très limité, la croissance s’est accélérée depuis 2010. Dans les zones intermédiaires, la densité connaît également une progression constante.
Croisement des courbes chez les jeunes
Le phénomène est particulièrement visible concernant la densité d’infirmiers de moins de 40 ans pour 100 000 habitants pour lesquels « l’amorce d’un croisement des courbes peut s’observer ».

L’étude conclut : « Ces éléments, riches d’enseignements, peuvent contribuer au débat sur les mesures à adopter pour réduire les disparités territoriales d’offre de soins pour les autres professionnels de santé. Si les restrictions d’installations ont un effet rapide, elles font l’objet de contournement avec l’utilisation du remplacement ou d’installations à leurs marges, profitant alors plutôt aux zones intermédiaires. Les mesures incitatives, quant à elles, semblent ne répondre qu’à une partie des déterminants d’installation et il pourrait être pertinent de les compléter avec d’autres dispositifs plus axés sur les conditions de vie et d’exercice, voire la sélection des étudiants selon leur origine socio-géographique ».
De là à conseiller à la majorité de calquer ce système sur les médecins, il n’y a qu’un pas…
*le zonage infirmier a été révisé en 2019 mais sans en modifier la nature
Marlène Augustin
Extraits de l’étude de l’IRDES utiles concernant une éventuelle régulation pour les médecins:
Infirmières libérales : quel impact des restrictions à l’installation en zones sur-denses et des incitations financières en zones sous-denses ?
Duchaine F., Chevillard G., Mousquès J. (Irdes)
Questions d’économie de la santé n° 270 – Juillet-août 2022
« Le « zonage infirmier », introduit depuis 2012, a permis d’améliorer la répartition territoriale des infirmières libérales. Son impact est particulièrement marqué dans les territoires sur- dotés, soumis à des restrictions d’installation, dans lesquels l’offre a stagné, voire diminué. Conjugué à une hausse dans les autres territoires, notamment ceux très sous-dotés où des mesures incitatives s’appliquent, on observe alors une réduction des inégalités territoriales. La convergence des densités de jeunes infirmières en fin de période suggère une convergence des compor- tements d’installations, et laisse espé- rer le prolongement dans le temps de la réduction des inégalités territoriales.
Le nombre d’AMI par habitant tend à être plus important et à progres- ser plus rapidement lorsque la densité augmente dans les territoires les moins dotés, signe d’une meilleure réponse au besoin. Cependant, le niveau se maintient dans les zones sur-dotées, alors même que la densité diminue. A l’inverse, la forte proportion d’AIS dans les zones sur-dotées illustre la possibilité pour les infirmières d’adapter leur activité face à une demande en AMI satisfaite. Au-delà de l’effet sur la répartition territoriale des effectifs d’infirmières libérales, ces résultats confirment d’autres travaux qui montraient que les infirmières modifient la structure de leur activité en fonction de la demande, mais aussi de l’offre dis- ponible, selon que les actes soient plus (AIS) ou moins (AMI) substituables. Ainsi, le zonage a un impact significatif plus important sur les AMI, particulièrement sensibles à l’équilibre entre l’offre et la demande. Son effet sur les AIS est plus faible, sachant que leur évolution est plus sensible à la concurrence entre les infirmières, mais aussi avec les autres services et professionnels du soin à domicile non concernés par le zonage.
Ces éléments, riches d’enseignements, peuvent contribuer au débat sur les mesures à adopter pour réduire les disparités territoriales d’offre de soins pour les autres professionnels de santé. Si les restrictions d’installations ont un effet rapide, elles font l’objet de contournement avec l’utilisation du remplacement ou d’installations à leurs marges, profitant alors plutôt aux zones intermédiaires. Les mesures incitatives, quant à elles, semblent ne répondre qu’à une partie des déterminants d’installation et il pourrait être pertinent de les compléter avec d’autres dispositifs plus axés sur les conditions de vie et d’exercice, voire la sélection des étudiants selon leur origine socio-géographique. Il demeure ainsi nécessaire de poursuivre une réflexion sur la réorganisation des soins et les missions des différents professionnels de santé pour améliorer davantage l’accessibilité aux soins dans un contexte de raréfaction de l’offre médicale et d’une demande de soins croissante.
Enfin, un nouveau zonage a été mis en place depuis 2019 pour les infirmières libérales. Ce dernier inclut une rénovation de la méthode de définition des zones ainsi qu’une revalorisation des contrats incitatifs et des mesures visant à éviter les effets de contournements observés. Il sera intéressant de renouveler les analyses présentées afin d’observer les évolutions en tenant compte de ces modifications.
RÉSUMÉ
À l’instar d’autres professions de santé de premiers recours, et en dépit d’une forte progression de leurs effectifs, les infirmières libérales restent inégalement réparties sur le territoire. Afin de réduire les disparités de ces professionnelles, occupant une place particulière dans l’offre de soins de proximité, les pouvoirs publics ont mis en place un « zonage infirmier » sur l’ensemble du territoire depuis 2012. Ce dernier sert de cadre d’application à des mesures restrictives à l’installation dans les zones mieux dotées et incitatives dans les zones déficitaires.
L’objectif est ici d’estimer les effets de la mise en œuvre de ce zonage infirmier, et des dispositifs associés, sur la répartition territoriale et l’activité des infirmières libérales. À partir d’une analyse de l’évolution d’indicateurs d’offre de soins et de l’estimation de l’impact de ces mesures, nos résultats montrent un effet positif mais la nécessité d’y adjoindre des mesures complémentaires pour attirer les infirmières libérales dans les territoires les moins bien dotés.
Voir aussi:
https://environnementsantepolitique.fr/2022/09/19/conseil-national-de-la-refondation-et-la-sante/