La France doit se préparer au défi du grand âge
ÉDITORIAL
Le Monde
Alors que les 85 ans et plus vont croître de près de 90 % entre 2030 et 2050, la gériatrie reste le parent pauvre d’un système hospitalier déjà à bout de souffle et le maintien des personnes âgées chez elles réclame toujours une vraie politique nationale de prévention de la perte d’autonomie.
Publié aujourd’hui à 11h00, mis à jour à 11h16 Temps de Lecture 2 min. Read in English
L’horloge démographique de la France est et restera implacable : le vieillissement sans précédent de la population va contraindre le pays à une mise à niveau sanitaire également historique. Qu’on en juge : les 85 ans et plus vont croître de près de 90 % entre 2030 et 2050. La France doit donc se préparer à vivre avec des baby-boomeurs vieillissants. Elle a dix ans pour y parvenir, alors que le premier mandat d’Emmanuel Macron s’est conclu par un renoncement dommageable, celui de répondre au défi justement posé par le grand âge.
Ce défi, qui va concerner très intimement des millions de Français ainsi que leurs proches, est compliqué par la concomitance de la crise qui frappe la gériatrie et de la remise en cause de l’efficacité et de la compétence du secteur privé à la suite du scandale Orpea. La première est connue de longue date : la gériatrie est le parent pauvre d’un système hospitalier déjà à bout de souffle. Elle est donc victime d’une sorte de double peine, un manque de popularité qui s’ajoute aux carences en personnel criantes partout.
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Face au dénuement des unités de soin de longue durée, une partie de la communauté des gériatres, notamment au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, préconise de réserver aux patients âgés qui requièrent un réel suivi médical l’accès à ces services spécialisés dans les maladies liées à l’avancement en âge. Ils plaident que beaucoup de patients actuellement hospitalisés devraient être orientés prioritairement vers des maisons de retraite. Mais cette solution implique de doter les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de davantage de moyens médicaux pour prendre en charge une population croissante dont les troubles physiques et cognitifs vont devenir de plus en plus lourds.
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Le « virage domiciliaire »
Cet impératif a été mis en évidence par le rapport rédigé par deux gériatres, Claude Jeandel et Olivier Guérin, remis il y a un an au ministère de la santé. Ils y soulignaient l’urgence d’un renfort de médecins et d’infirmières dans les Ehpad. Un tiers seulement des établissements disposent actuellement d’un médecin affecté au suivi médical de leurs résidents alors que les besoins vont être croissants. Ils proposaient également une série de mesures pour attirer les médecins dans un secteur qui reste, en l’état, peu attractif. Sans moyens financiers à la clé, cet appel à une présence médicale renforcée dans les Ehpad restera lettre morte, d’autant que les territoires ruraux, ceux où la proportion d’habitants âgés dans la population est plus importante qu’ailleurs, sont aussi des déserts médicaux.
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Depuis des années, les gouvernements successifs vantent le « virage domiciliaire », le maintien le plus longtemps possible des personnes âgées chez elles, pour vieillir mieux dans un environnement familier, susceptible en outre de préserver les liens affectifs. Pourtant, ils hésitent à prendre vraiment ce virage. Son financement est pourtant présenté par beaucoup de responsables politiques comme moins onéreux pour les comptes publics que des autorisations de création de lits d’Ehpad.
Ce maintien à domicile des Français vieillissants implique cependant une autre révolution, celle d’une politique nationale de prévention de la perte d’autonomie. La Cour des comptes y a consacré un rapport en novembre 2021, pour que les Français qui vivent plus longtemps coulent leurs vieux jours en moins mauvaise santé. L’ampleur de ces défis est évidemment redoutable, c’est précisément pour cette raison qu’il est impératif de s’y préparer dès à présent.
Le Monde