Vous avez dit dé diabolisation du RN (ex FN): 2 exemples prouvant le contraire *- Cela n’empêche pas la majorité de voter pour deux vice présidences RN** !

*À Perpignan, l’extrême droite s’offre trois jours de célébration de l’Algérie française

À quelques jours des 60 ans de l’indépendance de l’Algérie, le maire Louis Aliot (RN) met à l’honneur l’Organisation armée secrète (OAS) et les responsables du putsch d’Alger pendant un grand week-end d’hommage à « l’œuvre coloniale ».

Lucie Delaporte

25 juin 2022 à 18h12

https://info.mediapart.fr/optiext/optiextension.dll?ID=iQRiVnWqkRCfb903aDSsQuhBsjNHMiDYsKW36LuITFvD8j4yb3aQSXvZcuY3rPtz4mXqA2OdTf8eSc%2BujplrOb6uhaHqk

Le menu est copieux et pour le moins indigeste. Pendant trois jours, la ville de Perpignan, qui a versé pour l’occasion 100 000 euros au Cercle algérianiste, une association de nostalgiques de l’Algérie française, organise jusqu’au dimanche 26 juin un événement où elle se proclame « capitale des Français d’Algérie ».

Au programme : célébration de l’œuvre colonisatrice et « civilisatrice » de la France,mise à l’honneur des responsables de l’Organisation armée secrète (OAS) et des généraux putschistes… Le tout sous la tutelle du maire Rassemblement national (RN) Louis Aliot. À l’occasion d’un « dîner des 60 ans » [de l’exode des Français d’Algérie – ndlr], l’édile, issu d’une famille de pieds-noirs, « élèvera au rang de citoyen d’honneur de la ville » trois responsables du putsch d’Alger.

Discours de Louis Aliot (RN), le 24 juin, au couvent Sainte-Claire-de-la-Passion, en célébration de l’Algérie française. © Raymond Roig / AFP

Après une exposition relativement modeste l’an dernier sur « les victimes oubliées de la guerre d’Algérie » dans une salle jouxtant la mairie, le maire d’extrême droite a, cette fois, voulu faire les choses en grand. L’événement se déroule au palais des congrès, avec dix-neuf expositions dans cinq lieux de la ville.

Il se terminera, dimanche matin, par une « procession » du palais des Congrès jusqu’à la cathédrale, « en présence des statues de Notre-Dame de Santa Cruz, Notre-Dame d’Afrique », suivie d’une « prière pour les nôtres ».

Après de multiples demandes, Mediapart n’a pas été accrédité pour assister à l’événement. « Nous sommes complets et les dernières places qui restent seront réservées à nos adhérents », nous a répondu une responsable du Cercle algérianiste.

Pendant le week-end, Perpignan réunit tout le ban et l’arrière-ban des défenseurs d’une Algérie éternellement française, les représentants d’une histoire mythifiée de l’œuvre coloniale en Algérie.  

Tout le ban et l’arrière-ban des défenseurs d’une Algérie éternellement française est attendu à Perpignan.

Dans ce monde qui se vit comme assiégé – un an après la publication, par exemple, du rapport Stora –, le journaliste du Figaro Magazine Jean Sévillia, auteur de nombreux articles et ouvrages sur le sujet, viendra débattre avec l’essayiste Jean-Yves Faberon, auteur du nostalgique D’Algérie (L’Harmattan), d’une question qu’on pressent comme de plus en plus brûlante : « Face à la montée de la déconstruction de l’histoire de l’Algérie française, peut-on espérer un jour endiguer le phénomène ou faut-il le voir comme une fatalité ? »

Dans ce cercle fâché avec le travail des historiens qui, année après année, est venu battre en brèche l’histoire mythifiée de la colonisation, avec son éternelle imagerie de « routes, hôpitaux, écoles » construits pour le plus grand bonheur d’une population algérienne, étonnamment ingrate, s’est mise en place une histoire parallèle qui se raccroche aux derniers alliés. La recherche historique les trahit ? Pourquoi ne pas interroger l’armée – ou une partie d’entre elle – sur ce passé en train de s’estomper ?

« En quoi l’armée peut-elle être un outil de transmission de la mémoire de la guerre d’Algérie ? »,interroge ainsi, de manière révélatrice, l’une des tables rondes du week-end. Y ont participé Christophe Assémat, présenté comme un « docteur d’État en science politique ». Ce militaire, auteur d’un roman sous pseudonyme, Frères de solitude (éditions de l’École de guerre), est le fils de Jean Assémat, fondateur avec Roger Trinquier l’Union nationale des parachutistes (UNP), le théoricien de la « contre-subversion » et le défenseur de l’emploi de la torture en Indochine comme en Algérie.À LIRE AUSSILe maire RN Louis Aliot lors de l’inauguration de l’exposition en mémoire « aux victimes oubliés de la guerre d’Algérie, harkis et pieds-noirs assassinés par le FLN », le 19 mars 2021 à Perpignan..A Perpignan, Louis Aliot veut «rééquilibrer les mémoires» de la guerre d’Algérie

22 mars 2021Lire plus tard

À la même table, se trouvait le père Kalka, aumônier du 1errégiment de chasseurs parachutistes. L’homme se livrait en 2016 à une attaque en règle contre l’islam lors d’une cérémonie d’un club de parachutistes organisée aux Invalides en 2016. Selon un compte-rendu de l’association, il aurait expliqué : « Nous avons peur, ne serait-ce que d’émettre une simple critique à l’adresse de l’islam. Vous pouvez insulter les chrétiens, les bouddhistes, les juifs, les hindous… Vous pouvez cracher sur la Madone et Jésus, mais malheur à celui qui critique l’islam. »Avant d’ajouter : « L’action est l’indispensable complément de la prière […]. La piété dans l’inaction s’apparente à une bigoterie de fiotte. »

La soirée de vendredi s’est terminée en musique, avec un concert de Jean-Pax Méfret, le barde de l’OAS, organisation dont le chanteur né en Algérie, adulé de Zemmour, a fait partie, avant de devenir journaliste au journal d’extrême droite Minute, puis au Figaro Magazine. À son répertoire, des chants de l’Algérie perdue, dont « Les Barricades » – « le drapeau taché du sang d’Hernandez, la foule crie : “Algérie française !” » –, qu’a applaudi Louis Aliot, présent au premier rang.

Les putschistes d’Alger vont devenir citoyens d’honneur de la ville

La journée de samedi doit se clore sur une cérémonie où le maire RN déclarera « citoyens d’honneur » Hélie Denoix de Saint Marc et les généraux Edmond Jouhaud et André Zeller, les organisateurs du coup d’État d’Alger de 1961 pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie.

Pour clore cette « OAS-pride », un square de la ville va porter le nom de Mourad Kaouah, député de l’Algérie française, proche de Jean-Marie Le Pen et figure du Front national en Catalogne.  

En protestation, le Collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée a organisé un contre-événement, avec un rassemblement le samedi dont le mot d’ordre était : « Perpignan capitale de la fraternité entre les peuples algérien et français ». 

Pour Josie Boucher, une des responsables du collectif, il s’agit de dénoncer « une propagande qui consiste à glorifier ce qu’a fait la France en Algérie, une insulte au peuple algérien ». 

L’instrumentalisation politique des pieds-noirs est une vieille histoire à Perpignan, que Louis Aliot porte à son paroxysme. Déjà, sous le mandat précédent du maire Les Républicains Jean-Marc Pujol, le collectif s’était battu contre l’inauguration d’une stèle à la gloire de l’OAS dans le cimetière de Perpignan, puis contre la création, avec les subsides de la mairie, du Centre de documentation des Français d’Algérie, qui célèbre, selon le collectif, « le bon temps des colonies »Le journal L’Indépendantrappelait récemment que Louis Aliot a octroyé une aide de 3,7 millions d’euros pour agrandir le couvent où se trouve le centre de documentation.

Jacques Pradel, porte-parole de l’association des Pieds-noirs progressistes, une organisation qui entend empêcher l’extrême droite de confisquer la parole des rapatriés d’Algérie, participera à l’événement. « Le Cercle algérianiste est nostalgique non pas de l’Algérie mais de l’Algérie coloniale. Ils me font l’effet de gens qui ont arrêté de penser dans les années 1960 », regrette-t-il, soulignant que « jusqu’à aujourd’hui, cette association avait pris soin de ne pas trop afficher son soutien à l’OAS. Là, on a le sentiment que plus rien ne les retient ».

« Comment peut-on imaginer parler de l’Algérie sans prendre en compte le travail des historiens ? », s’interroge-t-il encore.

Ce dimanche, l’historien Gilles Manceron donnera une conférence pour démonter « le récit mensonger qui est forgé à Perpignan, notamment sur l’OAS, en présentant comme des résistants à un général traître à la France des factieux, des gens qui désobéissent à la France et à la République ». 

Dans la ville RN, les falsificateurs de l’histoire ont les honneurs de la mairie et occupent le palais des congrès. Les vrais historiens se contenteront de quelques tréteaux sur la place du Castillet.

Lucie Delaporte

*Guerre d’Algérie : « Les victimes de l’OAS sont totalement oubliées »

Les familles endeuillées par l’organisation terroriste sont délaissées dans les commémorations autour de la fin du conflit algérien, déplore Jean-François Gavoury, fils du commissaire central d’Alger assassiné en 1961. 

Propos recueillis par Frédéric BobinPublié le 07 février 2022 à 12h07 – Mis à jour le 07 février 2022 à 12h22  

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/07/guerre-d-algerie-les-victimes-de-l-oas-sont-totalement-oubliees_6112657_3212.html

Temps de Lecture 6 min. 

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Evacuation d’une victime après un attentat de l’OAS contre une pharmacie à Alger, le 17 mars 1962.
Evacuation d’une victime après un attentat de l’OAS contre une pharmacie à Alger, le 17 mars 1962.  – / AFP

Lors d’une rencontre avec les représentants d’associations de rapatriés à l’Elysée, fin janvier, Emmanuel Macron avait qualifié de « massacre impardonnable » la tuerie de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962, dans laquelle ont péri plusieurs dizaines de partisans de l’Algérie française. Ce geste vis-à-vis des pieds-noirs succédait à d’autres manifestations de « reconnaissance » adressées aux harkis et aux familles d’Algériens pro-FLN (Front de libération nationale) victimes de la répression du 17 octobre 1961 à Paris. Un pas de plus dans une séquence mémorielle sensible dominée par le 60e anniversaire des accords d’Evian ayant soldé la guerre d’Algérie, le 18 mars 1962.

Mais toutes les victimes du conflit n’ont pas encore été honorées. Dans un entretien au Monde Afrique, Jean-François Gavoury, fils de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger assassiné par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) le 31 mai 1961, regrette que les morts causés par cette organisation terroriste pro-Algérie française aient jusqu’à présent été « passés sous silence » dans les hommages officiels. Une initiative est attendue ce mardi 8 février de la part de l’Elysée à l’occasion du 60e anniversaire de la répression d’une manifestation organisée par les partis et syndicats de gauche contre « les assassins de l’OAS » et pour la « paix en Algérie » à la station de métro Charonne, à Paris.

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Comment jugez-vous cet acte de « reconnaissance » des « injustices » et des « drames » subis par les pieds-noirs d’Algérie lors de l’accession du pays à l’indépendance ?

Il est légitime que les victimes du 26 mars 1962 soient honorées. Cela ne me choque en rien. Soixante ans après, il est plus que temps de procéder à une reconnaissance générale de ce que fut la guerre d’Algérie. De la même manière, je ne suis pas choqué que les harkis se voient reconnaître les traitements inhumains qu’ils ont eu à endurer au lendemain du cessez-le-feu et obtiennent des compensations.

Ce qui me rend amer, c’est que les victimes de l’OAS soient à ce point délaissées. Déjà, le rapport de Benjamin Stora [remis au président de la République en janvier 2021] était silencieux, étrangement silencieux, sur la date du 8 février 1962, celle de la répression de la manifestation anti-OAS et en faveur de la paix en Algérie, au cours de laquelle neuf personnes ont péri au métro Charonne sous les coups de la police de Maurice Papon. Les victimes de l’OAS sont, au moment où nous parlons, les seules victimes de la guerre d’Algérie totalement oubliées par les pouvoirs publics depuis soixante ans. Je dis bien : les seules. Il n’en est pas d’autres.

La qualification de « massacre impardonnable » vous semble-t-elle convenir à propos de la tuerie de la rue d’Isly ?

Je sais gré au président d’avoir mentionné que la foule de manifestants de la rue d’Isly avait « été attisée par l’OAS ». C’est la première fois qu’au sein de l’Etat on précise que cette manifestation avait répondu à un mot d’ordre de l’OAS. Mais qualifier de « massacre impardonnable pour la République » l’usage de la force face à une manifestation à caractère insurrectionnel et appelée par une organisation criminelle peut placer le chef de l’Etat dans une situation délicate.

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Si l’administration des anciens combattants et les services d’archives avaient été parfaitement transparents vis-à-vis du chef de l’Etat, ils n’auraient pas manqué de lui adresser les pièces relatives à ce dossier du 26 mars 1962. Car les archives existent bel et bien et elles tendent à démontrer de façon incontestable le fait que le 26 mars 1962, les malheureux musulmans composant le 4e Régiment de tirailleurs – où il n’y avait d’ailleurs pas que des musulmans – ont répondu en état de légitime défense à des tirs émanant de balcons et du toit de l’immeuble du 64 rue d’Isly. Les membres de ce régiment ont réagi instinctivement, en imaginant que ces tirs pouvaient provenir de la foule qu’ils avaient en face d’eux. Le président de la République a été tenu dans l’ignorance d’une réalité déjà reconnue comme un fait historique par des services relevant de son autorité.

« Nous attendons un geste mémoriel de la part du président en hommage aux victimes de l’OAS, qui sont au nombre de 2 700 »

Que demandez-vous précisément au chef de l’Etat ?

Les victimes de l’OAS sont représentées par deux associations. La première, Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, est une association vouée à perpétuer le souvenir des six inspecteurs des centres sociaux éducatifs (CSE) en Algérie assassinés collectivement le 15 mars 1962 au CSE de Château-Royal, à Alger. La seconde, plus généraliste, est celle dont je suis le représentant légal : l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo). Nous attendons un geste mémoriel symbolique de la part du président de la République en hommage aux victimes de l’OAS, qui sont au nombre de 2 700 personnes – Européens comme autochtones –, sans compter les blessés.

L’OAS a visé, en Algérie et en France, des fonctionnaires, des magistrats, des élus, des enseignants, des journalistes, tous défenseurs des institutions de la République. Et bien sûr des policiers et des militaires, des gendarmes ou des soldats du contingent, tels ceux qui ont été tirés comme des lapins les 22 et 23 mars 1962 à Bab el-Oued (Alger). Le hasard veut que le procès des assassins de mon père, première victime de l’OAS au sein de la fonction publique, ait débuté le 26 mars 1962, le jour de la tuerie de la rue d’Isly.

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Nous ne demandons pas d’argent pour toutes ces familles, parce que cela ne serait pas sain à nos yeux. Car il faut savoir que des militants de l’OAS ont, eux, réclamé et obtenu, aux frais du contribuable, des indemnités. En vertu de l’article 13 de la loi du 23 février 2005, ces tueurs ayant abattu nos pères et nos mères ont eu accès à des compensations financières du fait qu’ils avaient dû interrompre leur activité professionnelle pour se joindre aux factieux, s’étaient exilés pour échapper à la justice et n’avaient pas pu cotiser pendant ce temps pour leur future retraite civile. Ces indemnités se sont élevées à 1 250 euros par trimestre, soit 5 000 euros par année. Des sommes substantiellement supérieures aux réparations accordées aux harkis qui, eux, s’étaient placés du côté de la République.

« Je ne connais pas les intentions du chef de l’Etat, mais je compte sur lui car il me semble témoigner d’un esprit d’ouverture »

Quelle forme pourrait prendre ce geste mémoriel de la part du président de la République ?

Nous n’attendons pas de lui de la compassion, mais de la compréhension de ce qu’ont été la douleur et les souffrances des familles des victimes de l’OAS, jusque-là complètement passées sous silence. M. Macron peut accomplir ce geste soit le 8 février, à l’occasion du 60e anniversaire de la répression du métro Charonne, soit le 19 mars, lors de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu consécutif aux accords d’Evian. Dans ce deuxième cas, il pourrait se joindre à la cérémonie tenue chaque année au matin de ce même 19 mars devant une stèle érigée en octobre 2011 par la ville de Paris à la demande de notre association en hommage aux victimes de l’OAS. Mais pour l’instant, je ne connais pas les intentions du chef de l’Etat. Je compte sur lui car il me semble témoigner d’un esprit d’ouverture. Je l’ai même trouvé extrêmement courageux d’avoir déclaré en aparté, à la fin de sa rencontre avec les rapatriés le 26 janvier à l’Elysée, qu’il ne reviendrait pas sur ses propos de 2017 à Alger assimilant la colonisation à un « crime contre l’humanité ».

Frédéric Bobin

*José Gonzalez, le doyen de l’Assemblée nationale qui a ouvert la législature en invoquant l’Algérie française

A 79 ans, le doyen a inauguré la 16e législature en évoquant la nostalgie de l’Algérie française. Un discours relu par Marine Le Pen qui cherche pourtant à s’institutionnaliser. 

Par Ivanne Trippenbach

Publié aujourd’hui à 10h29, mis à jour à 10h53  

Temps de Lecture 1 min. 

Le doyen de l’Assemblée, José Gonzalez, du Rassemblement national, le 28 juin 2022, lors de l’éléctions du nouveau president au Palais-Bourbon.
Le doyen de l’Assemblée, José Gonzalez, du Rassemblement national, le 28 juin 2022, lors de l’éléctions du nouveau president au Palais-Bourbon.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Soudain, José Gonzalez s’interrompt. « Excusez-moi, je pense à mes amis laissés là-bas… » L’émotion étrangle le député Rassemblement national (RN) des Bouches-du-Rhône, à la tribune du Palais-Bourbon, mardi 28 juin. A 79 ans, le doyen ouvre la séance inaugurale de la 16e législature en faisant planer sur l’Hémicycle un parfum de nostalgie de l’Algérie française et des rapatriés de 1962. Un temps que les quatre plus jeunes députés désignés secrétaires de séance ne peuvent pas connaître. « J’ai laissé là-bas une partie de ma France. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d’abandon », insiste le pied-noir né à Oran, qui se dit « arraché à sa terre natale par le vent de l’histoire ». Une majorité de députés l’applaudissent en signe d’encouragement.

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Marine Le Pen a relu le discours et donné son feu vert. La présidente du groupe de 89 députés RN tapote son pupitre dans un discret geste de nervosité. Elle écoute ce militant, qui détient sa carte du Front national (FN, l’ancien nom du RN) depuis qu’elle a fêté ses 10 ans, en 1978, louer à deux reprises « l’unité française ». Une allusion interprétée dans les milieux nationalistes comme un clin d’œil au nom originel du FN en 1972, le Front national pour l’unité française.

Après avoir félicité l’ensemble de ses collègues pour leur élection, José Gonzalez a salué le « vénérable parlementaire » Edouard Frédéric-Dupont, partisan des ligues d’extrême droite en 1934, puis défenseur de l’Algérie française. Proche de Jean-Marie Le Pen, ce député élu sur la liste du Front national fut lui-même doyen, en 1986, d’une Assemblée où siégea le groupe des 35 députés d’extrême droite, dont des anciens de l’OAS.

Jean-Marie Le Pen touché

Sous des airs consensuels, José Gonzalez a salué une « Assemblée profondément renouvelée », malgré « la brutalité d’un mode de scrutin qui a parfois donné le sentiment amer à certains Français de ne pas être assez représentés ». Cette configuration a débouché, a-t-il valorisé, sur une « représentation nationale appelée à prendre une place plus centrale ». Référence au rééquilibrage des institutions, mais aussi à la notion de « peuple central » exaltée par Marine Le Pen.

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Plus tard, dans la salle des Quatre-Colonnes, l’élu d’Allauch a insisté devant la presse : « Venez avec moi en Algérie, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire : “quand est-ce que vous revenez, les Français ?” » Avant d’ajouter : « Je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes ou pas. » De quoi scandaliser, de la gauche à La République en marche… et toucher le patriarche de l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen lui a téléphoné pour le féliciter et le convier, la semaine prochaine, afin d’épingler la flamme d’or, le plus haut titre honorifique du parti lepéniste, tout près de son écharpe tricolore.

Ivanne Trippenbach

*La Nupes déplore la référence à l’Algérie française du député RN, José Gonzalez, lors de son discours à l’Assemblée nationale

Lors de son allocution d’ouverture de la seizième législature, le doyen de l’Assemblée a évoqué ses souvenirs de pied-noir. Un moment malvenu, pour les députés de la coalition de gauche. 

Le Monde avec AFPPublié hier à 21h39, mis à jour à 10h29  

Temps de Lecture 2 min. 

La scène promettait d’être historique. Pour la première fois, un élu du Rassemblement national (RN) avait l’opportunité, en tant que doyen de l’Assemblée national, d’ouvrir la nouvelle législature de l’Assemblée nationale, mardi 28 juin. José Gonzalez, député des Bouches-du-Rhône, en a profité pour faire référence à son enfance, qu’il a en partie passée à Oran (Algérie), avant l’indépendance algérienne.

Dans une brève allocution, le pied-noir né à Oran a évoqué sa terre natale à laquelle il a été « arraché »« J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis », à l’indépendance de l’Algérie en 1962, a-t-il affirmé, s’interrompant un instant sous le coup de l’émotion.

Le chef de file du groupe écologiste, Julien Bayou, s’est dit « heurté », même si le doyen a été « prudent et a évoqué son cas personnel »« C’est vraiment problématique. Nous, on n’a pas applaudi. » « Le RN veut montrer patte blanche mais ça explose dès le premier discours », a commenté sa collègue députée EELV Sandrine Rousseau.

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« Nous sommes de vrais patriotes », affirme José Gonzalez

La présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot, a accusé le RN de faire « l’apologie de l’Algérie française et des crimes de la colonisation ». L’« insoumis » Thomas Portes a fait part de son « dégoût »« C’était assez gênant », a aussi jugé le numéro un du parti socialiste, Olivier Faure, devant la presse.

« Nous, les rapatriés d’Algérie (…), on a laissé là-bas une partie de la France qu’on aimait. C’était important de dire qu’on a aimé la France de là-bas et qu’on aime la France d’ici. Nous sommes de vrais patriotes », a justifié José Gonzalez, 79 ans, au micro de La Chaîne parlementaire, dans la salle des quatre colonnes. « Je ne suis pas là pour juger si l’OAS [Organisation de l’armée secrète] a commis des crimes ou pas », a-t-il également fait savoir auprès des journalistes.

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Dans le reste de son discours, plus classique, José Gonzalez avait salué un « symbole d’unité française » dans le rassemblement de tous les députés au Palais-Bourbon, « un lieu d’histoire » et « d’espoir ».

Le président du RN par intérim, Jordan Bardella, a salué globalement un « discours émouvant et rassembleur (…). Quel contraste avec le zadiste débraillé de LFI qui refuse de serrer la main de ses adversaires ». L’ancien chef du Front national, devenu Rassemblement national, Jean-Marie Le Pen, compte appeler M. Gonzalez pour le féliciter et le rencontrer, a fait savoir son conseiller Lorrain de Saint-Affrique, qui salue un discours « d’un équilibre et d’une finesse remarquables ».

Le règlement prévoit que le doyen d’âge préside la première séance. Bien que ce soit une première pour le Front national et le Rassemblement national, un élu d’extrême droite avait déjà présidé la première séance d’une législature. En 1986, un allié du Front national, Edouard Frédéric-Dupont, avait ouvert la 8e législature à la place de Marcel Dassault, plus âgé mais malade. José Gonzalez a d’ailleurs rendu hommage à ces deux responsables politiques.

Le Monde avec AFP

**A l’Assemblée, le Rassemblement national obtient deux des six vice-présidences, la Nupes dénonce un arrangement avec la majorité présidentielle

Les députés Sébastien Chenu et Hélène Laporte ont notamment bénéficié des voix de la majorité pour accéder au bureau de l’Assemblée nationale, au détriment de l’alliance de gauche. 

Le Monde avec AFP

Publié hier à 21h26, mis à jour hier à 21h40  

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/29/a-l-assemblee-le-rassemblement-national-obtient-deux-des-six-vice-presidences-la-nupes-denonce-un-arrangement-avec-la-majorite-presidentielle_6132619_823448.html

Temps de Lecture 2 min. 

Les deux députés du Rassemblement national élus à la vice-présidence de l'Assemblée nationale, Hélène Laporte et Sébastien Chenu, peu après leur élection, mercredi 29 juin 2022.
Les deux députés du Rassemblement national élus à la vice-présidence de l’Assemblée nationale, Hélène Laporte et Sébastien Chenu, peu après leur élection, mercredi 29 juin 2022.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Les députés de la nouvelle Assemblée nationale ont procédé à l’élection du bureau du Palais-Bourbon, mercredi 29 juin, au lendemain de l’arrivée de la députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’institution. Six postes de vice-présidents, trois postes de questeurs et douze places de secrétaires étaient à pourvoir pour permettre aux parlementaires de commencer leur travail législatif – l’élection des bureaux des huit commissions permanentes, jeudi, en constituera l’ultime étape.

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Après une polémique en 2017 sur l’attribution d’un poste de questeur à l’opposition, la majorité avait revu les règles, établissant un système par points en fonction du poste à pourvoir. A l’épreuve pour la première fois, les nouvelles règles n’ont pas débouché sur un accord. Malgré une réunion de trois heures de la conférence des présidents dans la matinée, la situation équivalait en début d’après-midi « à une désorganisation la plus complète alors qu’ils auraient pu aboutir tranquillement à un partage équilibré », a déploré Bertrand Pancher, coprésident du groupe indépendant Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires.

L’ensemble des postes ont dû faire l’objet d’un scrutin en séance publique, à partir de 15 heures, le nombre de candidats étant supérieur aux nombres de places disponibles. Les députés Sandrine Rousseau et Benjamin Lucas ont, en effet, ajouté leur candidature à la vice-présidence in extremis, « pour faire barrage à l’extrême droite », ont-ils justifié. Les deux candidats n’ont finalement récolté qu’une trentaine de suffrages.

Eric Ciotti réélu à la questure, Eric Woerth y fait son entrée

Ainsi, six vice-présidents ont été élus et auront pour mission de relayer la présidente pour diriger les séances : Valérie Rabault (Parti socialiste), Caroline Fiat (La France insoumise), Elodie Jacquier-Laforge (Démocrate), Naïma Moutchou (Horizons), Sébastien Chenu et Hélène Laporte (Rassemblement national). L’élue socialiste va occuper le poste de première vice-présidente. « Tambouille »« déni de démocratie »« sordides combines » : les députés de la Nouvelle Union populaire et sociale ont dénoncé, après les résultats, un accord qui, selon eux, aurait eu pour objectif de marginaliser la gauche.

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Elus à la vice-présidence avec 290 voix pour M. Chenu et 284 voix pour MmeLaporte, les candidats du RN ont mathématiquement bénéficié des voix de la majorité présidentielle et de la droite puisque le groupe RN ne compte que 89 membres. Benjamin Lucas a ainsi évoqué « un jour triste pour la République et ses valeurs » au micro de La Chaîne parlementaire.

Marie Guévenoux et Eric Woerth (Renaissance), ainsi qu’Eric Ciotti (Les Républicains) ont ensuite été élus questeurs, en charge des finances de l’Assemblée. Ce dernier récupère le poste réservé à l’opposition, au grand dam de la députée Annie Genevard, qui souhaitait que Les Républicains bénéficient plutôt d’une vice-présidence comme poste-clé et qu’elle puisse ainsi continuer à présider des débats comme ce fut le cas lors de la législature précédente. L’élue a fait savoir son mécontentement via Twitter, jugeant que « l’arithmétique a bon dos » et que « la majorité est seule face à la Nupes et au RN »

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Face aux accusations de tractations entre Renaissance, LR et RN pour se répartir les postes, Aurore Bergé, présidente du groupe majoritaire à l’Assemblée, a renvoyé la balle dans le camp de la Nupes. « Ils ont souhaité présenter deux candidats écologiques qui n’ont même pas retenu les votes de l’intégralité de leur intergroupe, ils n’ont même pas voté pour leurs propres candidats, c’est plutôt étonnant », a-t-elle réagi.

En fin de journée, le bureau de l’Assemblée nationale a été complété avec l’élection des douze secrétaires du bureau. Sept députés de la majorité et trois députés de la Nupes ont été élus, aux côtés d’un élu Les Républicains et d’un élu du groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires.Lire aussi :  Article réservé à nos abonnésYaël Braun-Pivet entre dans l’histoire comme la première femme élue à la présidence de l’Assemblée nationale

Le Monde avec AFP

**Assemblée nationale, la majorité présidentielle accusée de ne plus faire barrage à l’extrême droite

Le camp macroniste justifie l’élection de deux vice-présidents de l’Assemblée issus du RN par « le respect de la volonté des Français » exprimée lors des élections législatives. 

Par Claire GatinoisPublié aujourd’hui à 10h13, mis à jour à 14h41  https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/30/a-l-assemblee-nationale-la-majorite-presidentielle-accusee-de-ne-plus-faire-barrage-contre-l-extreme-droite_6132700_823448.html

Temps de Lecture 3 min. 

Le front républicain était donné pour mort après l’élection présidentielle. Le voici enterré. Mercredi 29 juin, deux députés du Rassemblement national (RN) ont obtenu deux postes de vice-président de l’Assemblée nationale dès le premier tour du scrutin. A la majorité absolue, donc, et avec les voix d’une partie du camp présidentiel. Un nouveau fait historique, au lendemain de l’élection de la première femme à la tête du « perchoir », Yaël Braun-Pivet, membre du parti présidentiel La République en marche (LRM, rebaptisé « Renaissance »).

L’accession des deux élus d’extrême droite, Sébastien Chenu, député du Nord, et Helène Laporte, du Lot-et-Garonne, à ces postes prestigieux du Palais-Bourbon, est la conséquence directe de l’arrivée massive de parlementaires du parti de Marine Le Pen. Avec 89 représentants, ils devancent la droite des Républicains (62 députés) comme la gauche socialiste (28), intégrée dans la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), emmenée par Jean-Luc Mélenchon.

Mais, après tout, que deux membres de l’extrême droite fassent partie du « conseil de l’Assemblée » n’est pas le plus choquant. Cela « illustre la nouvelle Assemblée choisie par les Français lors des scrutins des 12 et 19 juin », a commenté, mercredi, la majorité présidentielle formée par Renaissance, le MoDem et Horizons. Aux côtés des deux élus RN figurent aussi les représentants des autres grandes forces politiques : Horizons, le MoDem, le Parti socialiste et La France insoumise (LFI). « Il ne nous appartient pas de choisir nos oppositions, mais bien de faire respecter la volonté des Français telle qu’exprimée lors des élections législatives. Nos combats seront politiques, mais nous refusons de tordre nos institutions », a souligné la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, mercredi.

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Reste le malaise. S’il est des règles tacites et explicites au sein de l’Assemblée, qui veulent que les postes-clés de l’institution reflètent sa coloration politique, l’élection des élus RN par des membres de la majorité présidentielle interpelle, y compris chez les « marcheurs ». Les premiers à s’insurger sont les écologistes qui, en présentant deux candidats, imaginaient barrer la route à l’extrême droite.

« Ce jour, LRM a fait voter FN [Front national ancien nom du RN] pour faciliter l’accession de députés d’extrême droite à la vice-présidence de l’Assemblée nationale. Les masques tombent : LRM se prétendait rempart et se fait marchepied », s’est étranglé, dans un tweet, Julien Bayou, député de Paris et coprésident du groupe Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à l’Assemblée. « Ce séisme politique aura des répliques désastreuses pendant de longues années, et probablement jusqu’en 2027. La faute politique et morale de LRM est historique », a abondé Nicolas Thierry, député (EELV) de la Gironde.

« Scandaleux et indigne »

A l’arrivée, les candidats écologistes n’ont eu que quelques dizaines de voix, quand ceux du RN en ont récolté entre 290 et 284. Une simple règle arithmétique permet de déduire que les députés du camp présidentiel ont voté, dès le premier tour, pour ces derniers. Pour les macronistes, la faute incombe aux écologistes. « Je me battrai toujours contre le RN, mais il faut reconnaître les règles de l’Assemblée ! S’il n’y avait pas eu ces deux candidats écologistes, personne n’aurait eu besoin des votes de personne », défend Roland Lescure, député (Renaissance) des Français de l’étranger.

Cet argument ne tient pas la route, aux yeux des socialistes.  « Personne n’était obligé de se salir les mains en votant RN. Il suffisait d’attendre. Nous, nous avons établi une digue étanche face au RN », fait valoir Arthur Delaporte, élu du Calvados et porte-parole du groupe PS à l’Assemblée. Si, aux deux premiers tours, une majorité absolue était nécessaire pour l’emporter, la majorité relative requise pour le troisième tour assurait une victoire aux candidats du RN, avec ou sans la présence des écologistes.  « Voilà où mène leur “tout sauf la Nupes” : à la compromission avec l’extrême droite. Scandaleux et indigne », accuse Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée, qui suspecte la « Macronie » d’avoir noué un accord « en catimini » avec le RN et LR pour la répartition des postes à l’Assemblée.

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Accord ou pas, l’attitude des troupes macronistes accentue le trouble semé lors de la campagne des législatives. Après avoir tenté de ressusciter le front républicain pour se faire élire lors des élections présidentielles de 2017 et 2022, où il affrontait Marine Le Pen, Emmanuel Macron a semblé amalgamer gauche radicale et extrême droite en se refusant de donner des consignes de vote claires pour faire barrage au RN, lors du second tour des législatives.

Un comportement ambigu qui a permis la victoire de députés d’extrême droite lors de duels face à la Nupes« Je ne confonds pas les extrêmes, mais, par leur expression, leur positionnement – j’ai toujours été clair sur le sujet –, ces formations ne s’inscrivent pas comme des partis de gouvernement », a tenté de clarifier le chef de l’Etat, samedi 25 juin, dans un entretien à l’AFP. Une nuance insuffisante pour que ses soutiens érigent un barrage face à l’extrême droite.

Claire Gatinois

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/30/a-l-assemblee-nationale-l-inexorable-normalisation-du-rassemblement-national-apres-l-obtention-de-deux-vice-presidences_6132649_823448.html

**A l’Assemblée nationale, l’inexorable normalisation du Rassemblement national après l’obtention de deux vice-présidences

Après une journée mouvementée dans tous les groupes politiques, mercredi, les députés d’extrême droite Sébastien Chenu et Hélène Laporte ont été élus dans le collège des six vice-présidents. 

Par Jérémie LamotheMariama Darame et Sarah BelouezzanePublié aujourd’hui à 05h18, mis à jour à 10h25  

Temps de Lecture 5 min. https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/30/a-l-assemblee-nationale-l-inexorable-normalisation-du-rassemblement-national-apres-l-obtention-de-deux-vice-presidences_6132649_823448.html

Les députés RN Hélène Laporte et Sébastien Chenu, élus vice-présidents de l’Assemblée nationale, répondent à des journalistes dans la salle des Quatre-Colonnes, à Paris, le 29 juin 2022.
Les députés RN Hélène Laporte et Sébastien Chenu, élus vice-présidents de l’Assemblée nationale, répondent à des journalistes dans la salle des Quatre-Colonnes, à Paris, le 29 juin 2022.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Un condensé de tous les dilemmes politiques du quinquennat. Dans la bataille pour les postes stratégiques du bureau de l’Assemblée nationale, la deuxième journée de la 16e législature, mercredi 29 juin, a préfiguré la teneur des affrontements à venir dans un Hémicycle fragmenté en dix groupes.

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Au terme de cette séance, le Rassemblement national (RN) a obtenu pour la première fois de son histoire deux vice-présidences à l’Assemblée, pourvues par le député du Nord Sébastien Chenu et l’élue de Lot-et-Garonne Hélène Laporte. En récoltant respectivement 290 et 284 voix, les députés d’extrême droite ont été élus dès le premier tour grâce à des votes de la majorité et de la droite, dans un scrutin à bulletin secret. Un nouveau succès.

Les nouveaux députés de la 16ᵉ législature élisent les membres du bureau de l’Assemblée nationale, à Paris, le 29 juin 2022.
Les nouveaux députés de la 16ᵉ législature élisent les membres du bureau de l’Assemblée nationale, à Paris, le 29 juin 2022.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Après l’élection de 89 députés – et la constitution du plus important groupe d’opposition –, cette élection à la vice-présidence de deux députés RN valide le processus de normalisation quasi achevée du parti de Marine Le Pen. Un scénario que redoutaient les parlementaires de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), qui n’ont cessé d’accuser, toute la journée, les membres de la coalition présidentielle d’être « le marchepied » dans cette accession des élus RN à des postes à forte symbolique politique.

Au lendemain de l’élection de la députée La République en marche (LRM) des Yvelines Yaël Braun-Pivet au « perchoir », la répartition des postes du bureau de l’Assemblée était donc au menu du jour : six vice-présidences, trois postes de questeurs, chargés du budget du Palais-Bourbon, et douze secrétaires. Comme le stipule le règlement, Mme Braun-Pivet a réuni à 9 heures tous les présidents des groupes parlementaires pour négocier la répartition des postes, sur la base d’un système à points mis en place en 2017 par la majorité, censé garantir une juste représentation des équilibres politiques.

Or, très vite, les négociations ont déraillé. Un accord a pourtant bien existé dans la matinée : deux vice-présidences pour la majorité, deux pour la Nupes et deux pour le RN. Mais au moment d’attribuer les postes de la questure, la majorité a défendu la candidature du questeur sortant de l’opposition, le député Les Républicains (LR) Eric Ciotti (Alpes-Maritimes), contre le candidat plébiscité à gauche, le député La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud (Seine-Saint-Denis).

Peu avant 14 heures, les « insoumis » ont dénoncé à l’unisson « un accord passé entre LRM, LR et le RN ». « Ils ont exclu la Nupes de la questure alors que nous sommes la première force d’opposition et qu’un poste de questeur revient à l’opposition. Pourquoi se mettent-ils d’accord pour sauver Eric Ciotti ? », s’interroge M. Lachaud. La Nupes – LFI, le Parti socialiste, les écologistes et les communistes – pâtit de son organisation, qui ne résiste pas à la réalité du règlement de l’Assemblée nationale, où seuls existent les groupes parlementaires. Or, LFI et ses 75 députés pèsent moins que le RN. Ce que n’a pas manqué de souligner Marine Le Pen, mercredi soir : « Ils ont un fonctionnement qui consiste à se considérer comme un intergroupe quand ça les arrange, tout en réclamant pour chacun des quatre groupes qui le composent les droits qui sont ceux d’un groupe. »

« Le front républicain continue de se fissurer »

En début d’après-midi, les élus écologistes ont troublé le jeu en présentant deux noms à la vice-présidence – Sandrine Rousseau (Paris) et Benjamin Lucas (Yvelines) – une minute avant la fin du dépôt des candidatures, fixé à 14 h 30, provoquant ainsi l’obligation pour les députés de soumettre au vote l’attribution de l’ensemble des fonctions du bureau, faute d’accord. Une initiative solitaire, sans l’approbation de leurs alliés de la Nupes. L’objectif était d’opérer « une clarification » sur le positionnement de la majorité vis-à-vis du RN, assure le coprésident du groupe écologiste, Julien Bayou.

S’ils n’ont pas obtenu le soutien de leurs partenaires à gauche, cette stratégie leur a permis de dénoncer les votes de la majorité en faveur du RN. « Le front républicain continue de se fissurer, estime la coprésidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain (Isère). On est dans une déflagration politique et dans une recomposition extrêmement grave. » « On peut s’honorer de n’exclure personne, défend le député MoDem des Pyrénées-Atlantiques Vincent Bru. C’est le reflet de la composition de l’Assemblée nationale aujourd’hui. »

Pour les élus macronistes, tout l’enjeu était de parvenir à préserver leur prééminence au sein du bureau de l’Assemblée nationale malgré leur majorité relative. « Si vous n’avez pas de majorité au sein du bureau, c’est impossible de fonctionner, justifie le député MoDem du Finistère Erwan Balanant. On a beau avoir une majorité relative, à un moment donné elle doit forcément devenir absolue. »

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A l’issue des votes, la coalition présidentielle et ses 250 députés sont parvenus à garder leurs postes, à l’exception d’une vice-présidence, grâce au système à points, qui favorise la première force de l’Hémicycle. Les deux questeurs de la majorité sont issus de LRM, Eric Woerth (Oise) et Marie Guévenoux (Essonne). En outre, LRM a dû concéder ses vice-présidences à ses partenaires de la majorité, une pour le MoDem (Elodie Jacquier-Laforge) et l’autre pour Horizons (Naïma Moutchou). Comme à la fin de la précédente mandature, la majorité obtient sept postes de secrétaire.

En attendant le vote pour la commission des finances

A droite, les réactions étaient mitigées mercredi. Si LR parvient à conserver son poste à la questure avec M. Ciotti – qui a recueilli 367 voix, dont celles de la majorité et d’une partie du RN, conformément à l’accord de la matinée –, le parti a perdu la vice-présidence qui était occupée par la députée du Doubs Annie Genevard, qu’elle briguait de nouveau. « Malheureusement, nous ne sommes plus que le troisième groupe d’opposition et on n’a pas eu le droit de conserver toutes ces fonctions », explique le président du groupe LR, Olivier Marleix.

Il n’empêche, une fois le résultat connu, Mme Genevard avait du mal à cacher son agacement. « Je déplore cette situation, confie-t-elle. Je pense que c’est regrettable politiquement, car ça participe à la perte de visibilité de LR. » Au sein du groupe, ils étaient nombreux à fustiger ce choix, certains se disant même « furieux »,« décontenancés », estimant que politiquement, il aurait été plus judicieux d’opter pour la vice-présidence, qui donne un rôle central dans l’animation des séances et la détermination de l’ordre du jour. A droite comme dans la majorité, l’idée de laisser à un questeur « insoumis » la gestion d’une partie des 540 millions d’euros de budget de fonctionnement annuel de l’Assemblée nationale a également pesé.

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Au-delà de ce scrutin mouvementé, une autre échéance était dans toutes les têtes : l’élection, jeudi, de la présidence de la commission des finances. Ce poste, réservé à un membre de l’opposition, est convoité par Véronique Louwagie (LR, Orne), Jean-Philippe Tanguy (RN, Somme) et Eric Coquerel (LFI, Seine-Saint-Denis). Face aux attaques venant de la droite et de la majorité, ce dernier a tenté de rassurer ses homologues. « Je ne bloquerai pas l’institution », tout en prévenant qu’ils devront « s’habituer à avoir un président de la commission des finances réellement dans l’opposition ».

M. Tanguy a lancé un appel aux députés LR, dont les voix pourraient être décisives. « En votant pour moi, ils vont réaffirmer à leur électorat qu’ils sont toujours de droite. » Mme Louwagie renvoie, pour sa part, la balle aux députés de la majorité, « qui détiennent les clés » d’un scrutin dont ils ont acté leur retrait, comme le veut la tradition : « Ce sont eux qui porteront la responsabilité de l’issue du vote », prévient-elle, à la veille d’une journée qui s’annonce houleuse.

ECOUTEZ L’ÉPISODE DU 30 JUIN 2022 https://open.spotify.com/episode/0VzaRs42f0DfO64qJq7IdT?si=s-m0BUh4QTGpBZRuMIem3A

Jérémie Lamothe,  Mariama Darame et  Sarah Belouezzane

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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