La « mission flash » préconise de « réguler les admissions », soit avec un « triage paramédical à l’entrée » des urgences, soit par une « régulation médicale préalable systématique » par le standard téléphonique du Samu. 

Hôpital : ces 41 mesures de « la mission flash » qui doivent limiter les dégâts aux urgences

La cheffe du gouvernement Elisabeth Borne doit maintenant arbitrer parmi les 41 recommandations censées « faciliter la gestion de cette période estivale à haut risque » dans les services d’urgences.
La "mission flash", commandée fin mai 2022 par Emmanuel Macron pour limiter les dégâts aux urgences, a été confiée au président de l'association Samu-Urgences de France, François Braun.

La « mission flash », commandée fin mai 2022 par Emmanuel Macron pour limiter les dégâts aux urgences, a été confiée au président de l’association Samu-Urgences de France, François Braun.

J.C. avec AFP 

Publié le 30/06/2022 à 14:35, mis à jour à 14:48 https://infos.lexpress.fr/optiext/optiextension.dll?ID=nVUnQtRwHnptJZVDB9xoH92%2BmScPllxYX3pY4sblEd6NXE_9eOyQKcxMD1AQG81p9yTg55FEy2D_guPrrcZCFHWCCto1y

Des bras, des budgets, du tri : la « mission flash » sur les soins non programmés a remis ce jeudi 30 juin à la Première ministre Elisabeth Borne ses 41 propositions pour surmonter un été « à haut risque » dans les services d’urgences, en raison de la pénurie de personnel, selon le projet de rapport que l’AFP s’est procuré. Cette mission, commandée fin mai 2022 par Emmanuel Macron pour limiter les dégâts aux urgences, a été confiée au président de l’association Samu-Urgences de France, François Braun. Il avait recensé mi-mai au moins 120 services contraints de limiter leur activité ou s’y préparant.  

L’ordonnance du Dr François Braun est donc désormais dans les mains de la cheffe du gouvernement. Le Dr François Braun a présenté ce document de 60 pages lors d’une « réunion de travail » à Matignon, en présence de la ministre de la Santé en sursis Brigitte Bourguignon, de l’Assurance maladie et de la fédération d’associations de patients France Assos Santé. 

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La cheffe du gouvernement doit maintenant arbitrer parmi ces 41 recommandations censées « faciliter la gestion de cette période estivale à haut risque », qui n’épargne pas les grands CHU comme à Bordeaux, Toulouse et Grenoble. Une grève illimitée « symbolique » a démarré mardi 28 juin parmi les soignants au CHU de Bordeaux, l’un des plus gros de France, pour demander des embauches et des augmentations de salaires.  

« Avant de vous déplacer, appelez » 

Pour sauver ce qui peut l’être, alors que 22 millions de passages aux urgences ont été enregistrés en 2021, la « mission flash » préconise de « réguler les admissions », soit avec un « triage paramédical à l’entrée » des urgences, soit par une « régulation médicale préalable systématique » par le standard téléphonique du Samu. Le rapport suggère même de limiter par endroits l’accès aux seules « urgence vitales », en particulier la nuit, cette « suspension d’activité partielle » devant permettre de « mutualiser les moyens de plusieurs services sur un seul site ».  

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L’embolisation des urgences tient aux entrées nombreuses mais aussi à la difficulté d’en sortir. L’objectif est donc de faciliter la sortie des patients. Pour cela, comme le dévoile Le Figaro, le rapport préconise la mise en place obligatoire de « bed managers » (personnes chargées de rechercher les lits disponibles) dans tous les établissements ayant un service d’urgence et une organisation de la gestion des lits à l’échelle du territoire sous la responsabilité de l’Agence régionale de santé (ARS). Il recommande aussi d’améliorer le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD). Une grande campagne d’information sur le mode « avant de vous déplacer, appelez » est souhaitée en parallèle, de même qu’une « mise à niveau des effectifs » d’assistants de régulation médicale (ARM) pour absorber la hausse à prévoir des appels au 15. 

Comme le rapporte Le Figaro, le document préconise également de créer en ville, que ce soit en cabinet ou en maison de santé, une alternative complète et attractive. Pour cela, il faut optimiser le temps médical et augmenter les capacités de réponse à la demande de soins non programmés en ville. Cela suppose de faciliter l’activité des médecins retraités ou le cumul d’activité titulaire / remplaçant.  

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D’autres efforts budgétaires sont demandés pour mieux payer les médecins libéraux à la régulation (à hauteur de 100 euros brut de l’heure « défiscalisés ») et en consultation (avec une majoration de 15 euros par acte demandé par le Samu). Idem pour les personnels hospitaliers, avec une revalorisation du travail de nuit et des ponts du 14 Juillet et du 15 Août, ainsi qu’une prime pour les équipes des urgences psychiatriques, pédiatriques et gynécologiques. Autant de pistes assorties « d’indicateurs d’impact », afin de décider à la rentrée « de la poursuite ou de l’abandon de ces mesures ». 

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Comme le mentionne Le Figaro, c’est bien une refonte en profondeur que demande le Dr François Braun, mettant en place une collaboration équilibrée entre la ville et l’hôpital . »Notre système de santé doit changer de paradigme, être dédié à la réponse aux besoins de santé et non plus à l’organisation d’une offre de soins concurrentielle, coûteuse et inadaptée », conclut-il.

Régulation de l’accès, majoration des soins non programmés, recours aux infirmières libérales… Les recos de la mission Braun sur les urgences

Par Aveline Marques le 30-06-2022

https://tracker.egora.fr/u/nrd.php?p=XYBlorZBtz_3388_3921494_1_65&ems_l=3895222&i=1&d=S1VOJTJGTUhOSFR1JTJGMEkxdzlxcFZrRjc3cDdlT1NXT05IVVVTU2N3R0d2JTJGMnZQNiUyQmN4UVN3ViUyRmJYQVpQZlZ6dWcyUHd1VkNveWc0U2VpR25kcGRGM3dRJTNEJTNE%7CRW4rQnJlZisyMDIyLTA2LTMwKzE4aA%3D%3D%7CMjAyMg%3D%3D%7CMDY%3D%7CMzA%3D%7CMTMyOTE5OTc0%7CWFlCbG9yWkJ0eg%3D%3D%7CNWQ0NjNjMjI2MDFiYzA0MDE%3D%7C&_esuh=_11_c58e9441b5c74f565e7c35bf2a4387b9e018274d138c2c32ac73e0b8f3a0c425

Alors que la liste des services d’urgences contraints de restreindre leur activité ne cesse de s’allonger, le Dr François Braun a livré mardi 28 juin au Gouvernement la « boîte à outils » qui doit permettre de traverser la crise estivale. Officiellement, les travaux se poursuivent jusqu’à vendredi ou lundi. Mais Egora a d’ores et déjà pu se procurer le rapport en question : voici ce qu’il contient.

L’été commence à peine et les chiffres sont déjà inquiétants : d’après une enquête de la DGOS, datée du 23 juin, sur 446 services d’urgences, « pas moins de 49 sont en situation de fermeture partielle, 34 voient leur accès régulé, et 6 sont totalement fermés », révèle le rapport de la mission « flash » sur les urgences et les soins non programmés, confiée le 1er juin par Emmanuel Macron au Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France. Conformément au souhait du Président de la République, ce rapport de 60 pages, qu’Egora a pu consulter avant sa publication officielle, se veut une « boîte à outils d’urgence pour cet été ».  

41 recommandations 

Si certaines des 41 recommandations qu’il formule sont à portée nationale, « il s’agit bien de permettre aux acteurs d’adapter localement leur réponse pour l’été en recourant aussi librement que possible à cette boîte à outils ». L’été sera l’occasion de tester ces mesures, toutes assorties d’indicateurs à suivre, qui pourraient, si elles se révèlent efficaces, être reprises par la « grande conférence santé des parties prenantes promise à la rentrée ». 

Reprenant les données de la Cnam sur la quantité d’actes mensuelle pratiqués par les généralistes (environ 18 millions en août 2019, contre 21 à 26 millions le reste de l’année), la mission relève « le potentiel à exploiter autour d’une meilleure articulation entre urgences hospitalières et soins non programmés de ville, à travers le rapprochement des acteurs et une meilleure structuration du système d’adressage des patients ». Pas question pour autant de rejeter l’entière responsabilité sur la ville. Les 41 recommandations visent notamment à « consolider l’élan collectif de l’ensemble des professionnels de santé, libéraux comme hospitaliers, en reconnaissant mieux les efforts d’organisation qu’ils déploient ». « Notre système de santé doit se reconstruire sur la base d’une collaboration équilibrée entre tous les professionnels de santé, médicaux et non médicaux, libéraux et hospitaliers », insistent les auteurs. Deux autres objectifs sont poursuivis : « fluidifier les organisations par un cadre réglementaire assoupli » et « construire les bons réflexes culturels, chez les acteurs de santé comme au sein de la population ». 

« Avant de vous déplacer, appelez ! » 

La première recommandation vise ainsi à lancer « une campagne nationale sur le bon usage des services d’urgences » : « avant de vous déplacer, appelez! » résume la mission. « L’objectif de cette campagne n’est pas de culpabiliser nos concitoyens mais bien de leur communiquer une information claire, réelle et objective sur la situation actuelle des services d’urgence et le bon usage de ceux-ci. La surcharge de nos services est néfaste pour les patients et aussi pour les soignants », souligne la mission.  

Autre recommandation forte, sur laquelle un consensus s’est dessiné ces dernières semaines : « réguler les admissions en service d’urgence, soit par organisation d’un triage paramédical à l’entrée (avec forfait de réorientation structuré par le SAS), soit par la régulation médicale préalable systématique par le SAMU/SAS ». Cela suppose de « financer la mise à niveau des effectifs d’assistants de régulation médicale (y compris en SAS) » et de renforcer la régulation libérale en reconnaissant en journée (et non plus uniquement en horaires de PDSa) aux généralistes régulateurs le statut de « collaborateurs occasionnels de service public » et de leur « garantir la rémunération forfaitaire brut de 4 G / heure » [soit 100 euros de l’heure, NDLR]. 

Majoration de 15 euros de l’acte 

Cela implique également d' »augmenter les capacités de réponse à la demande de soins non programmés en ville ». La mission recommande d' »attribuer, à titre dérogatoire et temporaire, un supplément de 15 € pour tout acte effectué par un médecin libéral à la demande de la régulation du Samu/SAS pour un patient hors patientèle**, dans la limite d’un plafond hebdomadaire ». Conformément aux demandes des syndicats de médecins libéraux, le samedi matin devrait être intégré aux horaires de PDSa, propose encore le rapport.  

Autres mesures libératrices de temps médical : autoriser le cumul d’activité titulaire/remplaçant au-delà du 1er juillet, pour les généralistes comme les IDEL, favoriser l’activité des médecins retraités… et « mobiliser les infirmier(e)s libéraux volontaires pour assurer une réponse aux SNP à la demande de la régulation médicale du Samu-SAS ». « Puisque ces professions se détournent aujourd’hui un peu plus de l’hôpital, il convient à tout le moins de s’appuyer sur elles pour éviter la concentration d’une activité indue sur les urgences hospitalières », considèrent les membres de la mission.  

Permanence des soins pour les spécialistes 

Le rapport plaide par ailleurs pour la mise à contribution des spécialistes de second recours (gynéco-obstétrique – dont les sages-femmes, radiologie, psychiatrie, chirurgies…). Il s’agit de « répartir réglementairement la pénibilité de la permanence des soins en établissements de santé entre médecins du public et libéraux dans les spécialités sous tension en constituant, pour chaque territoire, une commission PDSE avec convention d’engagement réciproque et effet de mutualisation ». 

Par ailleurs, la mission souhaite permettre aux internes titulaires d’une licence de remplacement de travailler à l’hôpital public et aux docteurs juniors (en particulier les 400 à 450 jeunes urgentistes) de pouvoir faire du temps additionnel. Elle recommande de « contractualiser la participation » des IDE ou médecins sapeurs-pompiers compétents en médecine d’urgence ou en MG au sein des SAU et presse les pouvoirs publics de « prolonger l’autorisation d’exercice des Padhue ». « Les quelque 4.000 médecins étrangers titulaires d’un diplôme hors Union européenne qui exercent actuellement dans les hôpitaux vont devoir quitter le pays si leur dossier n’est pas rapidement traité », insiste le rapport. 

Alors qu’un « vivier de volontaires » s’est manifesté durant la crise du Covid, la mission souhaite favoriser le recrutement de libéraux (médecins, sages-femmes, kinés, psychiatres, IDE…) à l’hôpital : ils seraient rémunérés « sur la base d’un forfait national à la vacation, modulé selon le zonage et centralisé dans le système de paiement de l’Assurance maladie pour éviter les dérives et bien différencier cet appui libéral de la gestion des ressources humaines médicales hospitalières ». 

Il faut également mieux rémunérer les hospitaliers en majorant dès cet été « l’indemnité de sujétion de nuit et des heures de nuit pour les personnels médicaux et non médicaux », « en attendant l’ouverture d’une négociation sur la reconnaissance globale de la pénibilité à l’issue de la conférence santé ». De même, l’indemnité de sujétion de week-end et des heures de week-end pour les personnels lors des deux ponts estivaux (14 juillet et 15 août) doit être gonflée. 

Smur paramédical 

Autres mesures phares : « autoriser, sur prescription de la régulation médicale, le transport sanitaire vers les cabinets médicaux et maisons médicales de garde », développer des « équipes paramédicales de médecine d’urgence » « avant-coureur » du Smur, « financer le déploiement des unités mobiles de télémédecine intervenant sur demande du Samu/SAS », « imposer à chaque établissement de santé une organisation permettant au généraliste libéral de joindre directement un spécialiste » et mettre en place obligatoirement un bed manager dans chaque hôpital disposant d’un SAU. 

Enfin, pour la mission, il faut « autorisation la suspension d’activité partielle d’un service d’urgence », notamment dans les territoires bien pourvus en offre de soins en nuit profonde, afin de « diminuer la consommation de ressources humaines rares » sur ces horaires. 

Reste à savoir quelles mesures seront retenues par le Gouvernement. Une réunion de travail sur la mission urgences se tenait ce jeudi matin à Matignon, en présence de la ministre de la Santé, du Dr Braun, du directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, et de Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Officiellement, les travaux de la mission sont prolongés jusqu’à vendredi voire lundi. 

*Le Dr Braun a été appuyé par le Pr Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d’urgence, le Dr Antoine Leveneur, président de la Conférence nationale des URPS de médecins libéraux, le Dr Delphine Tortiget, médecin généraliste, et Thomas Deroche, directeur général de l’ARS de Normandie. 

**La majoration MRT n’est actuellement valable que pour les patients médecin traitant.

Ces recommandations sont affligeantes et mettent la population en danger » (Christophe Prudhomme à France Info)

, a affirmé jeudi 30 juin sur franceinfo le docteur Christophe Prudhomme, urgentiste au Samu 93, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et délégué national CGT Santé, alors que le projet de rapport de la « mission flash » sur les soins non programmés a été remis jeudi à Matignon. Le Dr François Braun a fait part de 41 propositions pour surmonter un été « à haut risque » dans les services d’urgences. Selon lui, le docteur Braun, auteur des propositions, est « un relais politique de monsieur Macron ». Christophe Prudhomme appelle notamment à « stopper l’hémorragie de démissions à l’hôpital ». Et il plaide pour « un débat en urgence à l’Assemblée nationale sur l’avenir de notre système de santé. »

>> Crise de l’hôpital public : on vous explique pourquoi autant de services d’urgences sont obligés de fermer avant l’été

franceinfo : Est-ce que les recommandations de la mission Braun vont dans le bon sens ?

Dr Christophe Prudhomme : Ces recommandations sont affligeantes et mettent la population en danger. Avoir un service d’urgence à 30 minutes de chez soi, ouvert 24 heures sur 24, 365 jours par an, ce n’est pas une option. C’est une nécessité absolue pour assurer la sécurité de la population. Il y a déjà des morts et il va y avoir des morts.

« La population est mise en danger par ce rapport. »porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France

à franceinfo

Monsieur Braun, ce n’est plus un médecin. C’est un relais politique de monsieur Macron. On a gagné du temps. On a passé les législatives. Il a pondu un rapport avec des propositions de gestionnaires de lits. Cela n’a rien de nouveau. C’est une invention de madame Bachelot quand elle était ministre de la Santé et cela s’est avéré complétement inefficace depuis 10 ans. On n’a pas besoin de gestionnaires de lits. On a besoin de lits ouverts. On est dans une impasse. Et cela concerne aussi les maternités. Il y a des maternités qui vont fermer cet été. La femme qui pensait accoucher à 10 km de chez elle, on risque de lui dire, la maternité est fermée, il faut aller à 50 km. Et elle risque d’accoucher sur la route. C’est cela la réalité. C’est catastrophique.

Que faut-il faire pour répondre à l’urgence de cet été ?

Il faut stopper l’hémorragie de démissions à l’hôpital. Parce que les personnels n’ayant aucun espoir d’amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération quittent massivement l’hôpital. Nous étions déjà en déficit de personnel. Mais là, on assiste à ce qu’on appelle la grande démission, tout personnel confondu. Il faut remettre à plat le système. En Allemagne et en Autriche, tous les médecins participent à ce qu’on appelle la permanence des soins. Ils prennent des gardes. Si on avait demandé à l’ensemble des médecins de faire un effort – qu’ils soient soit généralistes, spécialistes en ville, qu’ils travaillent en clinique, à l’hôpital – de faire des gardes de nuit, de week-ends et jours fériés, on aurait pu trouver une solution. Là, la solution c’est : il n’y a pas de médecin, on ferme. Et pire que tout. Imaginez que dans les véhicules du Samu, vous n’aurez plus de médecin, vous aurez une infirmière. Tout retard à la prise en charge d’un patient, c’est ce qu’on appelle pudiquement une perte de chance par défaut de moyens. Ce sont des morts évitables.

Comment éviter ces démissions de soignants ?

Il faut arrêter d’être dans le déni sur la réalité de la situation. On continue à nous proposer des restructurations d’hôpitaux avec des fermetures de lits alors qu’on manque de lits. Le Ségur de la santé devait soi-disant tout résoudre. Mais malgré l’augmentation de 183 euros, qui est une prime, les infirmières françaises gagnent toujours moins en parité de pouvoir d’achat que leurs collègues mexicaines. C’est ça la réalité. Rien n’a été fait depuis trois ans. Quand en 2019 il y avait une crise dans les urgences, nous demandions un plan de formation et d’embauches massives à l’hôpital.

« Beaucoup de services sont fermés parce qu’ils manquent de personnel soignant. Il faut remettre à plat l’organisation du système. Là, on ne change rien au système. »Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France

On continue à ne pas réguler l’installation des médecins, on continue à les rémunérer à l’acte, on continue à avoir des hôpitaux ou il y a des services de spécialités qui ne correspondent plus aux malades. Il va bien falloir, à un moment donné, arrêter de bricoler. Les mesures qui sont proposées par le rapport Braun, c’est du bricolage. Les conséquences, c’est qu’à la rentrée on aura encore des démissions. Et l’hiver prochain sera pire que cet été. C’est une question politique. Je demande un débat en urgence à l’Assemblée nationale sur l’avenir de notre système de santé. Est-ce que le système de santé relève du service public ? Ou est-ce qu’on continue à bricoler avec du public, du privé ? Si on veut aller vers un système à l’américaine, que monsieur Macron nous le disent. Mais le système à l’américaine, ce sont des inégalités massives avec des conséquences pour la population qui sont catastrophiques.

Mission Flash sur les Urgences et Soins non programmés

http://amuf.fr/2022/06/30/mission-flash-sur-les-urgences-et-soins-non-programmes/

Interview Dr PELLOUX sur le quotidien

https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/urgences/en-voulant-reguler-lacces-aux-urgences-est-en-train-de-detruire-le-service-public-tonne-le-dr

En voulant réguler l’accès aux urgences, « on est en train de détruire le service public », tonne le Dr Patrick Pelloux

Source et crédit : Le Quotidien du médecin

Demander aux patients d’appeler le 15 avant de se rendre aux urgences provoquerait un « engorgement des standards qui sont déjà surchargés », alerte le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Dans un entretien au « Quotidien », l’urgentiste tire à boulets rouges sur la mission flash du Dr François Braun, mais aussi sur ses confrères (libéraux et hospitaliers) qui réclament une régulation médicale de l’accès aux urgences.

Ci-après le document.

LE QUOTIDIEN : L’idée de réguler l’accès aux urgences fait son chemin. Selon vous, quelles seront les conséquences si on demande aux patients d’appeler le 15 avant de se rendre aux urgences ?

Dr PATRICK PELLOUX : Il y aura d’abord 24 millions d’appels supplémentaires sur les plateformes de régulation des Centres 15, donc il faudra doubler au minimum le nombre de permanenciers et des médecins qui y travaillent ! D’autre part, la seule alternative que l’on aura, ce sera de dire aux gens d’aller… aux urgences, voire d’appeler les pompiers. Cela ne changera rien. Il est en effet devenu extrêmement difficile de faire des visites à domicile ou d’avoir des rendez-vous chez les médecins de ville qui sont eux-mêmes déjà débordés.

Si la régulation préalable est mise en place, y a-t-il un risque d’assister à un effondrement des Centres 15 ?

Tout à fait, cet été, on aura beaucoup de mal à trouver suffisamment de médecins pour faire de la régulation. On va doubler la fréquence des appels… pour savoir si les personnes peuvent aller aux urgences. On est en train de mettre en place une barrière kafkaïenne…

Mais une vingtaine de syndicats de médecins libéraux et hospitaliers viennent de signer un communiqué commun pour étendre une régulation médicale préalable à l’accès aux urgences… Ils ont tous tort ?

Ils ont écrit un communiqué commun pour dire : « c’est formidable, il faut casser les urgences ! Il faut réguler, fermer la nuit ! La solution est d’arrêter les choses ! ». Mais on n’arrête pas les urgences… Où va-t-on hospitaliser les gens ? La mission Braun ne répond pas à la question de fond. Ils disent : « Il y a un problème, donc on annule le problème ». Vous avez faim ? Bon, on ferme les restaurants !

La réalité, c’est qu’on est en train de détruire le service public. C’est gravissime. Quand une personne décédera d’un infarctus car il n’a pas réussi à joindre le Samu ou qu’il n’y a aura des erreurs d’orientation, il faudra réinterroger les signataires de ce communiqué qui ont appelé à la fermeture des services d’urgences.

Êtes-vous contre toute forme de régulation de l’accès aux urgences ?

Mais elle existe déjà ! En 2003, après la canicule, le Pr Pierre Carli et Jean-François Mattei proposaient déjà de réguler et on avait donné du pognon pour le faire. Résultat : on a flambé avec 10 millions de passages supplémentaires et le système s’est cassé la figure ! Or, plus vous cassez les services publics, moins vous fournissez d’aide aux personnes fragiles et plus vous favorisez l’extrême droite.

Vous n’attendez donc rien de cette mission flash ?

Je suis en plein cauchemar. Qu’est-ce que vous voulez attendre quand vous êtes en plein cauchemar ? Je suis très déçu par mon ami François Braun, je ne pensais pas qu’il pensait à ce type de solution.

Il n’a pas officiellement rendu ses propositions à Matignon…

Mais c’est déjà vendu ! Vous avez le silence sépulcral de la classe politique, ils n’en ont rien à faire. Ils en auront quelque chose à faire quand ils appelleront des urgentistes pour que leurs enfants ou leurs proches malades soient pris en charge.

Êtes-vous partisan du retour de l’obligation des gardes en médecine de ville ?

Je suis pour l’obligation de permanence des soins pour tout le monde, pas seulement pour la médecine de ville ! Je suis pour que des médecins soient de permanence d’appel dans les Ehpad, pour que l’on puisse joindre un chirurgien orthopédiste quand les cliniques privées deviennent hégémoniques sur l’orthopédie. Aujourd’hui, plus personne ne veut travailler la nuit. Et l’enquête du Snphare l’a rappelé : les trois quarts des PH sont prêts à quitter l’hôpital dans les cinq ans.

Qu’auriez-vous proposé ?

Nos propositions sont connues : doublement de l’indemnité de garde de nuit pour les PH, sacraliser l’organisation des urgences 24h/24, appliquer l’indicateur de besoin minimal journalier en lits dans tous les hôpitaux où il y a des services d’urgence…

Il faudrait aussi trouver un accord organisationnel, territoire par territoire, pour que les urgences ne soient plus la seule variable d’ajustement, pour que les médecins de ville, ceux des cliniques privées et les Ehpad fassent leur part du travail. Enfin, il faut faire le lien avec les services sociaux de la ville pour trouver des solutions pour la grande pauvreté 24h/24.

41 recommandations:

pour préserver notre réponse aux soins urgents et/ou non programmés cet été
PROPOSER, EN AMONT, DES PARCOURS DE SOINS ADAPTÉS
SANS RECOURIR AUX URGENCES.
ORIENTER LES PATIENTS DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ
Recommandation n*1: Informer la population avec une campagne nationale sur le bon usage des Services d’urgence
Recommandation n°2: Faciliter le recrutement d’ARM en repoussant l’échéance de certification de décembre 2023
Recommandation n°3: Financer la mise à niveau des effectifs ARM (y compris en SAS)
Recommandation n°4: Permettre aux médecins régulateurs généralistes en journée d’être
collaborateurs occasionnels du service public
Recommandation n°5: Ouvrir le SAS à l’ensemble des professionnels de santé afin de développer des filières directes de prise en charge sans passer par les urgences
Recommandation n°6: Garantir la rémunération forfaitaire « brut » de 4G/heure aux médecins régulateurs généraliste!
Recommandation n°7: Accompagner de façon pragmatique le déploiement d’ici l’automne 2022 de l’utilisation de la plateforme numérique du SAS sur tout le territoire national
OPTIMISER LE TEMPS MÉDICAL ET AUGMENTER LES CAPACITÉS DE RÉPONSE À LA
DEMANDE DE SOINS NON PROGRAMMÉS EN VILLE
Recommandation n°8: Prolonger et faciliter, en lien avec les ordres professionnels, l’autorisation de cumul d’activité titulaire/remplaçant au-delà du 1er juillet (MG et IDEL)
Recommandation n°9: Favoriser l’activité des médecins retraités
Recommandation n’10: Attribuer, à titre dérogatoire et temporaire, un supplément de 15 € pour tout acte effectué par un médecin libéral à la demande de la régulation du SAMU/SAS pour un patient hors patientèle, dans la limite d’un plafond hebdomadaire.
Recommandation n°11: Élargir le principe de POSA au samedi matin dans le cadre d’une réponse organisée et formalisée
Recommandation n°12: Financer le déploiement des unités mobiles de télémédecine intervenant sur demande du SAMU/SAS
Recommandation n°13: Maintien de la prise en charge à 100% des téléconsultations sur l’été
Recommandation n°14: Autoriser, sur prescription de la régulation médicale, le transport sanitaire vers les cabinets médicaux et MMG
Recommandation n°15: Revoir à la hausse le plafond d’heures TSU envisagées dans le modèle de simulation, considérés comme trop justes au regard des travaux de projection territoriale en cours

S’APPUYER SUR L’ENSEMBLE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LIBÉRAUX D’UN
TERRITOIRE
Recommandation n°16: Mobiliser les infirmier(e)s libéraux volontaires pour assurer une réponse aux SNP à la demande de la régulation médicale du SAMU-SAS.
Recommandation n°17: Simplifier radicalement pour l’été la mise en application des protocoles de coopération entre professions de santé sous coordination médicale dans les territoires fragiles volontaires
2.
MAINTENIR LA RÉPONSE AUX URGENCES VITALES ET/
OU GRAVES DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET EN
PRÉHOSPITALIER
MAINTENIR LE MAILLAGE TERRITORIAL DES SMUR
Recommandation n°18 : Prioriser le maintien d’une ligne de SMUR mutualisée avec les urgences en organisant parallèlement la continuité des soins au sein de l’établissement.
Recommandation n°19 : Elargir à H24 les horaires de permanence pour les HéliSMUR en H12/14 dans les zones en difficulté
Recommandation n°20: Renforcer les liens et développer les médecins correspondants du SAMU (MCS) dans les zones sous-denses
Recommandation n°21: Redéployer les VLI sapeurs-pompiers en fonction des besoins de la population (zones « blanches »)
Recommandation n°22: Équipe paramédicale de médecine d’urgence (EPMU)
3.
SOUTENIR ET PRÉSERVER LES ÉQUIPES DES STRUCTURES DE
MÉDECINE D’URGENCE
LIMITER L’ACTIVITÉ DES SERVICES D’URGENCE EN LA CONCENTRANT SUR LEUR
PLUS-VALUE
Recommandation n°23: Réguler les admissions en service d’urgence, soit par organisation d’un triage paramédical à l’entrée (avec forfait de réorientation structuré par le SAS), soit par la régulation médicale préalable systématique par le SAMU/SAS
Recommandation n°24: Autoriser la suspension d’activité partielle d’un SU dans une logique territoriale
8
RENFORCER LES EFFECTIFS
Recommandation n°25: Organiser la PDSES à l’échelle d’un territoire en associant les spécialistes privés et publics sous la coordination de l’ARS
Recommandation n°26: Autoriser les DES avec licence de remplacement à travailler à l’hôpital public
Recommandation n°27: Contractualiser la participation des membres du 3SM à l’activité des urgences hospitalières
Recommandation n°28: Prolonger l’autorisation d’exercice des PADHUE

Recommandation n°29: Autoriser le TTA pour les docteurs juniors (DES)
Recommandation n°30: Favoriser le recrutement de professionnels de santé libéraux qui acceptent de participer à l’activité hospitalière en plus de leur activité libérale
Recommandation n°31: Fluidifier les parcours de soins non programmés relevant de la psychiatrie en incitant à l’organisation de lieux d’accueil non programmés intersectoriels d’aval du SAMU et des urgences.
Recommandation n°32: Accélérer dans le cadre des accords locaux Ségur les titularisations des personnels NM en poste qui donnent satisfaction
RECONNAÎTRE LA PÉNIBILITÉ DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL
Recommandation n°33: Majoration, pour l’été, de l’indemnité de sujétion de nuit et des heures de nuit pour les personnels médicaux et non médicaux, en attendant l’ouverture d’une négociation sur la reconnaissance globale de la pénibilité à l’issue de la conférence santé
Recommandation n°34: Majoration de l’indemnité de sujétion de week-end et des heures de week- end pour les personnels lors des deux ponts estivaux (14 juillet et 15 août)
Recommandation n°35: Soutenir les équipes de psychiatrie, de pédiatrie et de maternité de la chaîne urgences/SNP en accordant le bénéfice de la prime de risque aux centres d’accueil et de crise (anciennement urgences psychiatriques), aux urgences pédiatriques et aux urgences gynéco-obstétricales.
Recommandation n°36: Prendre une position nationale sur attribution du budget PDSES aux urgences des établissements de santé privés
4.
FLUIDIFIER LES PARCOURS DE SOINS À PARTIR DES
URGENCES (AVAL)
Recommandation n°37: Imposer à chaque ETS une organisation permettant au MGL de joindre directement un spécialiste de l’ETS
Recommandation n°38 : Mise en place obligatoire de la fonction de « bed manager » dans tous les ETS siège de SU
Recommandation n°39: Mise en place d’une gestion territoriale des lits d’aval sous la responsabilité de l’ARS
Recommandation n°40: Libéraliser l’hébergement d’urgence en EHPAD en proposant que les 15
premiers jours post-hospitalisation puissent être sous le régime de l’hébergement temporaire en sortie d’hospitalisation
Recommandation n°41: Améliorer le recours à l’hospitalisation à domicile, notamment par l’évaluation HAD systématique à l’entrée en EHPAD et le développement de I’HAD comme alternative à l’UHCD (implantation d’un personnel de liaison HAD au SU)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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