Incitation à l’installation VS régulation, ces exemples qui montrent que la coercition est efficace
Par Sandy Bonin le 09-12-2021

Alors que les propositions de loi ou amendements défilent à l’Assemblée pour tenter, en vain, de faire adopter un peu plus de coercition à l’installation des médecins dans les zones sous-dotées, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publie un état des lieux des stratégies déployées à l’international pour remédier aux difficultés d’accès aux soins. Bilan : améliorer les conditions d’exercice est plus efficace que l’incitation financière. La régulation à l’installation peut s’avérer efficace.
(https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-12/DD89.pdf)
Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques – Les leçons de la littérature internationale
Les déserts médicaux ne sont pas un problème français. C’est ce qu’il ressort d’une étude de la Drees qui a analysé, à partir de la littérature internationale, les stratégies mises en œuvre pour contrer les difficultés d’accès aux soins. « Un certain nombre d’enseignements peuvent être dégagés des expériences d’autres pays, même si elles s’inscrivent dans des contextes spécifiques différents du nôtre », pointe la Drees.
Ainsi, l’analyse de l’expérience internationale permet de dégager quatre grands registres d’intervention pour tenter d’attirer et de garder des médecins dans les zones sous-dotées. Les pays peuvent agir sur les incitations financières, la formation initiale, la coercition à l’installation ainsi que le soutien professionnel et personnel.
Les incitations financières à l’installation ont très souvent été les premières mesures mises en œuvre pour tenter de corriger les déséquilibres géographiques. Plusieurs pays ont ainsi mis en place des aides financières pour les étudiants en médecine sous diverses formes (paiement des frais de scolarité, bourses, prêts), associées à un engagement d’exercer un certain nombre d’années, à la fin de leurs études, dans des zones sous-médicalisées (souvent le nombre d’années pendant lesquelles l’étudiant a été financé). Selon les cas, l’étudiant a ou non la possibilité de s’exonérer de ses obligations en remboursant les sommes perçues, augmentées des intérêts et éventuellement de pénalité. C’est le cas en France du CESP notamment.
Majorations de revenus
D’autres incitations visent les médecins diplômés. En 2012, les deux tiers des pays de l’OCDE y avaient recours, selon des modalités variées. Il s’agit souvent de majorations de revenus, qui peuvent prendre des formes diverses en fonction du mode de rémunération en vigueur : tarifs plus élevés, bonus, bonifications salariales… Certaines sont limitées dans le temps, tandis que d’autres sont pérennes.
Une évaluation a été conduite en France, où des incitations financières ont été mises en place en 2007 sous la forme de majorations tarifaires dans les zones sous-médicalisées, cite la Drees. Sur les trois premières années d’application, on a pu estimer que cette mesure avait conduit à un apport net d’une soixantaine de médecins, représentant 4% des effectifs exerçant dans les zones déficitaires. Ce résultat a été jugé faible au regard du coût de la mesure (20 millions d’euros par an) par la Cour des comptes, qui a estimé que le dispositif avait essentiellement constitué un effet d’aubaine pour les médecins déjà en place.
Rôle limité des incitations pécuniaires
Au regard des études françaises et étrangères..
la Drees conclut à un rôle limité des incitations purement pécuniaires. Leurs résultats sont « décevants », constate la Drees.
Finalement, les aspects financiers semblent moins importants que d’autres aspects du métier comme le lieu d’exercice. Influer sur les choix des médecins par le biais d’incitations financières nécessiterait des augmentations de revenus très élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavantageuses (nombre d’heures élevé, permanences nombreuses, localisation dans une zone peu dense…). Les politiques visant l’amélioration de la répartition territoriale ne peuvent donc pas se fonder sur le seul levier des incitations financières, mais doivent agir sur l’ensemble des conditions d’exercice des praticiens, estime la Drees.
Equilibre entre vie professionnelle et vie familiale
En effet, les conditions de travail sont un facteur crucial dans le choix du lieu où les médecins s’installent, comme le montrent les enquêtes menées dans tous les pays. Elles font apparaître que l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, la maîtrise des horaires et de la charge de travail, les possibilités d’échanges avec des collègues sont des éléments qui pèsent fortement dans les décisions des étudiants et des jeunes médecins. Les conditions de travail dans les zones sous-médicalisées – isolement, charge de travail importante, mobilisation fréquente pour la permanence des soins, difficultés de remplacement – constituent donc une perspective peu attractive pour des jeunes médecins.

De fait, les données objectives montrent qu’en zone rurale le nombre d’heures de travail est plus élevé, ainsi que la fréquence des gardes et astreintes. Les enquêtes réalisées dans plusieurs pays confirment que la charge de travail, le nombre élevé de patients à traiter, les contraintes qui en découlent sur les durées de consultation sont des sources d’insatisfaction pour les médecins installés.
Impact positif de la régulation
Très contestée en France, la régulation de l’installation permet une distribution plus équilibrée mais n’évite pas…
les pénuries locales, note la Drees. Les exemples internationaux vont toutefois globalement dans le sens d’un impact positif d’une politique de régulation des installations sur l’équité de la distribution géographique. Par exemple, une disposition en vigueur dans plusieurs pays concerne les médecins diplômés à l’étranger, à qui une période de service dans les zones déficitaires est imposée avant qu’ils puissent choisir leur lieu d’installation comme leurs pairs diplômés dans le pays. C’est le cas en Australie, où ils sont assignés à une zone rurale en pénurie dans laquelle ils doivent exercer pendant dix ans. Des mesures similaires existent aux Etats-Unis ou au Canada.
Globalement, toutes ces mesures instaurant une obligation de service font l’objet d’une critique similaire : les médecins qui servent dans ces territoires non attractifs le font de manière contrainte, ils ne restent pas en général après leur période d’engagement, parfois même cette expérience subie les détourne d’un type d’exercice pour lequel ils auraient pu avoir certaines prédispositions. Au final, la population n’a que des médecins inexpérimentés, dont le turnover nuit à la continuité des soins.
Deux cabinets dans un rayon de 15 kilomètres
Il faut noter que la régulation ne va, dans aucun pays, jusqu’à contraindre les professionnels à s’installer dans des zones désignées, sauf de façon temporaire pour certaines catégories de médecins. Lorsqu’il s’agit d’une régulation permanente, elle prend la forme d’une limitation des installations dans des zones considérées comme « surdotées ».
Dans certains pays, au-delà des obligations temporaires, les médecins n’ont pas une entière liberté dans le choix de l’endroit où ils veulent établir leur pratique, ce choix étant soumis à une forme d’autorisation préalable. Ainsi, au Danemark, les médecins généralistes sont libéraux, mais ils doivent passer contrat avec les autorités régionales (au nombre de cinq), qui régulent la distribution géographique des cabinets. Les effectifs nécessaires par zone géographique sont fondés sur la taille des listes de patients inscrits auprès des médecins et les distances d’accès aux cabinets. Les patients doivent avoir le choix entre au moins deux cabinets dans un rayon de 15 kilomètres, et un généraliste peut décider de fermer sa liste à partir du moment où elle atteint 1 600 patients. S’il y a un manque de médecins dans une zone, la région ouvre des postes supplémentaires.
Importance de l’origine rurale du médecin
Former plus de médecins est une autre piste envisagée pour contraindre la désertification médicale. Le raisonnement est simple : en formant de plus en plus de médecins, les zones urbaines favorisées finiront par être saturées. Les praticiens iront…
combler les besoins non couverts dans les zones mal desservies. Ce raisonnement semble néanmoins contredit par la réalité. En revanche, l’influence de l’origine des médecins sur les choix d’installation ont conduit plusieurs pays à augmenter la part d’étudiants en médecine qui sont issus de communautés défavorisées en termes d’accès aux soins. Pour atteindre cet objectif, une démarche de décentralisation des lieux de formation a été mise en œuvre, aux Etats-Unis notamment.
De manière constante, les travaux de recherche concluent que l’origine rurale du médecin est le facteur essentiel et le meilleur prédicteur de l’installation en zone rurale. Être né en milieu rural, y avoir grandi, y avoir fait sa scolarité ressortent, dans tous les pays, comme des déterminants majeurs du choix d’exercer dans cet environnement.
En France, de nombreuses incitations sont déjà mises en œuvre, mais quelques améliorations sont suggérées par la Drees, au regard des études internationales. L’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pourrait être plus diversifiée pour équilibrer à terme leur répartition sur les territoires. En amont de l’entrée en formation médicale, des démarches plus proactives pourraient également être développées en direction des élèves du secondaire.
Améliorer le cadre de travail
L’effort pour proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes pourrait également être accru. En France, la politique de promotion des structures d’exercice collectif est un pilier majeur de la stratégie d’attractivité des territoires.
L’accompagnement des professionnels sur le terrain, par des mesures de soutien visant à améliorer leur cadre de vie et de travail, pourrait certainement être encore développé. Proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes ressort, en France comme dans tous les autres pays, comme un élément essentiel pour attirer les professionnels dans les zones sous-dotées, et aussi pour leur permettre de s’y maintenir.
Les incitations financières ne suffisent pas à attirer les médecins dans les déserts médicaux (Etude)
Émis par : Drees
09/12/2021
https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/185387/les-incitations-financieres-ne-suffisent-pas-a-attirer-les-medecins-dans-les-deserts-medicaux-etude/
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie un état des lieux, à partir d’une analyse de la littérature internationale, des stratégies déployées au cours des dernières décennies pour remédier aux difficultés d’accès aux soins dans les zones les moins attractives, plus communément nommées les « déserts médicaux ».
Depuis une vingtaine d’années, la référence de plus en plus fréquente aux « déserts médicaux » dans les médias et le débat public traduit la préoccupation croissante de la population concernant l’accessibilité géographique aux soins de médecins. Dans les prochaines années, alors que le vieillissement de la population entraînera une augmentation des besoins de soins, les projections laissent augurer une diminution de l’offre médicale en médecine de ville, surtout en soins primaires. Ces tendances risquent de dégrader encore l’accessibilité dans les zones les moins attractives.
La situation de la France n’est pas unique. La répartition géographique des effectifs médicaux est inégale dans tous les pays, à des degrés divers. Partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, éloignées ou isolées, ou les zones urbaines défavorisées.
Un certain nombre d’enseignements peuvent cependant être dégagés des expériences d’autres pays, même si elles s’inscrivent dans des contextes spécifiques différents du nôtre. L’objectif de ce Dossier de la DREES est, à partir d’une analyse de la littérature internationale, de décrire les politiques visant à remédier à ces difficultés, de rassembler les éléments d’évaluation de leurs impacts et de dégager quelques réflexions pour alimenter le débat sur la situation française
L’analyse de l’expérience internationale permet de dégager quatre grands registres d’intervention pour attirer et garder des médecins dans les zones mal pourvues :
- les incitations financières,
- la formation initiale,
- la régulation (contraintes sur le choix de localisation),
- le soutien professionnel et personnel.
Les incitations financières, souvent mises en œuvre, ont plutôt des résultats décevants. Ces incitations ont été souvent les premières mesures mises en œuvre pour corriger les déséquilibres géographiques. S’il n’y a pas d’évaluations précises, l’expérience commune d’un certain nombre de pays ou provinces qui ont initié très tôt des politiques reposant sur des incitations financières est que celles-ci n’ont pas eu les résultats escomptés.
Selon des études sur les préférences des médecins, les aspects financiers sont moins importants que d’autres aspects du métier de médecin comme le lieu d’exercice. Influer sur leurs choix par le biais d’incitations financières nécessiterait des augmentations de revenu très élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavantageuses (nombre d’heures élevé, permanences nombreuses, localisation dans une zone peu dense…).
Les politiques visant l’amélioration de la répartition territoriale ne peuvent donc pas se fonder sur le seul levier des incitations financières mais doivent agir sur l’ensemble des conditions d’exercice des médecins.
La formation initiale est un levier puissant mais à long terme. Le raisonnement est simple : en formant de plus en plus de médecins, les zones urbaines favorisées finiront par être saturées. Ils iront combler les besoins non couverts dans les zones mal desservies. Ce raisonnement est néanmoins contredit par la réalité des évolutions constatées.
En revanche, les résultats convergents des études sur l’influence de l’origine des médecins sur les choix d’installation ainsi que le succès de plusieurs expériences, menées notamment aux États-Unis, ont conduit plusieurs pays à augmenter la part d’étudiants en médecine qui sont issus de communautés défavorisées en termes d’accès aux soins.
Pour atteindre cet objectif, une démarche de décentralisation des lieux de formation a été mise en œuvre, complétée par des démarches proactives vis-à-vis des élèves du secondaire et des processus de sélection adaptés pour donner la priorité, à performance égale, aux étudiants issus de zones moins favoriséesou qui souhaitent y exercer. Cette stratégie de sélection est combinée avec des programmes et des modalités de formation qui mettent l’accent sur les situations d’exercice propres à la médecine rurale.
La régulation de l’installation permet une distribution plus équilibrée mais n’évite pas les pénuries locales. Un certain nombre de pays recourent à une forme de régulation de ce type, selon des modalités variables que l’on peut classer en deux grandes catégories :
- Un passage obligé d’exercice dans des zones déficitaires fléchées, pendant une durée déterminée, pour certaines catégories de médecins ;
- Une restriction plus globale de la liberté d’installation, les médecins exerçant leur choix dans le cadre d’un nombre limitatif de places (ou de postes, ou de contrats) défini par zone géographique.
Les exemples internationaux vont globalement, dans le sens d’un impact positif d’une politique de régulation des installations sur l’équité de la distribution géographique, celle-ci étant appréciée à un niveau assez agrégé, le niveau régional en général. S’agissant de savoir si, en tout point du territoire (à un niveau infrarégional), l’accès au médecin est assuré de façon satisfaisante, et si la régulation des installations permet d’éviter les pénuries localisées dans les zones peu attractives, la réponse est moins affirmative.
Des mesures de soutien aux professionnels comme l’organisation et le financement de remplacements, les facilités pour la formation, etc. ont également été déployées, mais peu de ces mesures sont évaluées.
En France, de nombreuses incitations sont déjà mises en œuvre, mais quelques améliorations sont suggérées par l’analyse de la littérature internationale.
- L’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pourrait être plus diversifiée pour équilibrer à terme leur répartition sur les territoires. Quelques démarches ponctuelles de délocalisation de lieux de formation ont été mises en œuvre. Toutefois, elles peuvent entrer en contradiction avec les orientations nationales qui poussent fortement les établissements d’enseignement et de recherche, au contraire, à se rapprocher et à concentrer leurs moyens. En amont de l’entrée en formation médicale, des démarches plus proactives pourraient également être développées en direction des élèves du secondaire, à l’instar des initiatives prises par quelques collectivités territoriales.
- L’effort pour proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes pourrait être accru. La politique de promotion des structures d’exercice collectif mise en place en France depuis une dizaine d’années est un pilier majeur de la stratégie d’attractivité des territoires. L’expérience montre cependant que, s’il est facile de rejoindre une équipe déjà existante, la création d’une structure reste compliquée. L’accompagnement des professionnels sur le terrain, par des mesures de soutien visant à améliorer leur cadre de vie et de travail, pourrait certainement être encore développé. Il serait sans doute utile, de ce point de vue, d’analyser de manière plus approfondie le contenu et les modalités de mise en œuvre des démarches décrites dans la littérature internationale, mais aussi des nombreuses initiatives mises en œuvre localement en France.
- Globalement, l’expérience internationale montre l’efficacité limitée de mesures isolées, et l’on constate dans plusieurs pays une évolution vers des stratégies plus globales, combinant différents leviers.
Publié le 10/12/2021
Déserts médicaux : les solutions au banc d’essai

Paris, le 10 décembre 2021
– Les « déserts » médicaux sont loin d’être une question franco-française et sans évoquer des situations extrêmes dans des pays en voie de développement, la plupart des états à haut niveau de revenu connaissent des phénomènes comparables.
Fort de ce constat, la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), s’est livrée à une revue de la littérature qui apporte une contribution au débat (sans fin) sur les zones sous-denses.
Mais dès le préambule, l’institution statistique du ministère de la santé prévient : « le niveau de preuve sur l’efficacité des politiques est modeste, faute d’évaluations robustes (par exemple avec des expérimentations « randomisées »). Il faut donc se garder de transpositions hâtives ».
D’abord comprendre les déterminants du choix d’un lieu d’installation
Des études ont été menées dans six pays, dont cinq Européens, visant à préciser l’importance que les médecins accordent à différents aspects de leur vie professionnelle (essentiellement le niveau de revenu, l’environnement rural ou urbain, la durée de travail, les permanences de soins).
Il en ressort « que le niveau de revenu est un aspect qui importe certes, mais que d’autres aspects non pécuniaires de l’exercice professionnel revêtent une valeur encore plus importante à leurs yeux. En conséquence, influer sur leurs choix par le biais d’incitations financières nécessiterait des augmentations de revenu extrêmement élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavantageuses » souligne la DREES.
Alors quelles interventions possibles ?
La DREES rapporte également les données internationales sur les quatre grands types d’intervention qui ont été menés à travers le monde (et en France).
Outre les incitations financières, dont a vu le faible niveau d’efficacité, la DREES évoque l’augmentation du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de médecine. Mais ici aussi, cette seule mesure ne semble pas permettre de corriger les disparités de densité médicale.
Pourquoi pas une « discrimination positive » en faveur des étudiants des départements mal desservis ?
En revanche, des expériences, menées notamment aux États-Unis, ont conduit plusieurs pays à établir des quotas en faveur d’étudiants venues de communes défavorisées en termes d’accès aux soins. Ainsi, pour la France, aider des étudiants de la Creuse moins bien notés, à passer en deuxième année de médecine, pourrait permettre à terme d’augmenter le nombre de médecins dans ce département sinistré en termes d’accès aux soins…Mais faudrait-il encore que ces étudiants creusois puissent étudier en Creuse, «une démarche de décentralisation des lieux de formation devrait être mise en œuvre » pour que cette mesure de « discrimination positive » soit pleinement efficace souligne ainsi la DREES.
Restreindre la liberté d’installation, ça marche, mais…
Passons aux stratégies plus contraignantes qui consistent à restreindre la liberté de choix du lieu d’exercice. Un certain nombre de pays recourent à cette forme de régulation selon des modalités variables que l’on peut classer en deux catégories : un passage obligatoire d’exercice dans des zones déficitaires pendant une durée déterminée ; une restriction plus globale de la liberté d’installation, les médecins exerçant leur choix dans le cadre d’un nombre limitatif de places (ou de postes, ou de contrats) défini par zone géographique.
Sans surprise, ces options « liberticides » (pour certains syndicats professionnels) permettent bien d’accroitre le nombre de praticiens dans les zones sous denses.
Mais d’une part, les résultats ne sont pas probants au niveau « infrarégional » (pour reprendre l’exemple de la Creuse, tous les médecins contraints à y exercer, s’installeraient à Guéret) et d’autre part, rien n’est dit sur l’influence d’une telle mesure sur les vocations à l’installation.
Quoi qu’il en soit, « l’expérience internationale montre l’efficacité limitée de mesures isolées, et l’on constate dans plusieurs pays une évolution vers des stratégies plus globales, combinant différents leviers » souligne la DREES, sans se mouiller.
Espérons que ces travaux seront scrutés avec intérêt par les candidats à la magistrature suprême.
F.H.
Voir aussi:
Déserts médicaux: les propositions des jeunes médecins de ReAGJIR ne déclenchent pas mon enthousiasme (Dr Jean SCHEFFER) !https://environnementsantepolitique.fr/2021/12/02/25737/
https://environnementsantepolitique.fr/2021/12/02/deserts-medicaux-certains-deputes–enfin-agissent-mais-les-deserts-sont-partout-dans-les-hopitaux-pmi-sante-scolaire-cmp-medecine-du-travail/
Encore une proposition de loi pour solutionner les déserts médicaux à coté de la plaque https://environnementsantepolitique.fr/2021/11/23/25057/
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/10/28/encore-une-proposition-pour-les-deserts-medicaux-mais-insuffisante-a-nos-yeux/
Rapport sur la ruralité: Jean-Pierre Cubertafon (Modem) propose un tarif plus élevé pour la consultation dans les déserts medicaux https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/10/13/21767/
Commentaires Dr Jean SCHEFFER:
Enfin des experts sortent d’un silence assourdissant ! Comment a-t-on pu laisser dire pendants des années des contre-vérités à des médecins défendant contre vents et marées la liberté d’installation.
Pourtant dès 2015, au début de l’expérience allemande, on savait déjà qu’au moins pour les zones rurales les décisions allemandes étaient bénéfiques (https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sCmi7hijLkIv-KDN?e=74UaFv ). Rapport DREES 2021: « En Allemagne, des experts estiment que la situation s’est améliorée avec la mise en œuvre du dispositif de limitation du conventionnement par zone géographique, même si des pénuries subsistent, notamment dans les Länder de l’Est. Il y a cependant peu de publications permettant d’appréhender l’impact global de ce dispositif ».
. Tout récemment le think tank Economie&Santé du groupe « Les Échos », nous décrivait un système Danois très efficient sans liberté d’installation (https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sCpzstoSeg8xEGCZ?e=tVmgdj).
Concernant ces problèmes de démographie médicale er de déserts médicaux, je précise que créer une régulation des installations, et augmenter le « Numerus Clausus », sont des mesures indispensables, mais non suffisantes. En effet le manque de médecins n’est pas que dans les zones rurales et dans les quartiers. Il ne concerne pas que les généralistes, mais concerne aussi toutes les spécialités, toutes les formes et lieux d’exercice (Hôpitaux CHU-CHG- psychiatriques, PMI, crèches, CMP, médecine scolaire- universitaire- pénitentiaire, medicine du travail, santé publique…).
C’est pour cette raison que dans l’urgence et pour quelques années (2040 au moins), j’ai proposé un « Clinicat-Assistanat pour tous », d’une durée de 3 ans en fin d’internat, obligatoire pour tous les futurs généralistes et spécialistes: « Vision Globale -Solution globale » – https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj
Un avis sur « Non les expériences étrangères n’invalident pas le principe de la régulation de l’installation des médecins, l’échec de l’Allemagne c’est de l’intox par ceux qui veulent maintenir « contre vents et marées » la liberté d’installation »