Manifestations du Samedi: « déguiser un refus de vaccination en militantisme pour la défense de l’hôpital public nous semble au mieux de la bêtise, au pire de la mauvaise foi »

Covid-19 : « Déguiser un refus de vaccination en militantisme pour la défense de l’hôpital public nous semble de la mauvaise foi »

TRIBUNE

Collectif

Des médecins, infirmiers, aides-soignants et psychologues des secteurs hospitaliers publics et privés mais aussi de médecine de ville protestent, dans une tribune au « Monde », contre l’instrumentalisation de la crise de l’hôpital public par les manifestants hostiles à la vaccination obligatoire et au passe sanitaire.

Publié aujourd’hui à 04h37, mis à jour à 07h03    Temps de Lecture 5 min. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/13/covid-19-deguiser-un-refus-de-vaccination-en-militantisme-pour-la-defense-de-l-hopital-public-nous-semble-de-la-mauvaise-foi_6091312_3232.html

Tribune.

Ces derniers jours ont été marqués par des manifestations contre la vaccination obligatoire et le passe sanitaire. A cette occasion, nous avons relevé, chez les manifestants, comme sur les réseaux sociaux, ce qui se voudrait être un argument pour appuyer l’idée que se faire vacciner ne servirait à rien : la défense de l’hôpital public.

La justification serait la suivante : les gouvernements successifs détruisent l’hôpital public depuis des années ; le nombre de lits et les moyens se sont effondrés, tout cela au mépris de la santé publique ; commençons donc par réhabiliter l’hôpital et les conditions de soin pour mieux gérer les pandémies avant de forcer à la vaccination, disent les manifestants. Nous, médecins, infirmiers et soignants, nous inscrivons fermement en faux face à cette logique.

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Tout d’abord, nous sommes étonnés de voir que tant de personnes ont subitement à cœur la défense de l’hôpital public. En effet, nombre d’entre nous ont prêché dans le désert durant des années et se sont sentis très seuls lors des mouvements organisés par les professions médicales et paramédicales. Ces opérations n’ont que peu mobilisé en dehors du monde médical, quand il s’est agi de lutter contre de nouvelles mesures d’austérité imposées à l’hôpital ou contre la dépossession des moyens de décisions des soignants − pensons à la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoire) en 2009.

A croire que ce subit intérêt pour la cause de l’hôpital public n’est en réalité là que pour affubler des oripeaux de l’éthique un refus de se vacciner bien difficile à justifier.

« Acte citoyen, éthique et responsable »

Nous, soignants, vivons de l’intérieur, depuis un an et demi maintenant, la crise du Covid-19, qui n’a fait que révéler de façon suraiguë ce que nous savions déjà : trop de lits ont été fermés. Il n’y a plus suffisamment de moyens humains et matériels à l’hôpital et, fondamentalement, la logique de flux tendu ne peut pas s’appliquer à un secteur stratégique comme la santé, qui doit être capable d’absorber rapidement une crise sanitaire d’ampleur.

Les secteurs de soins les plus mobilisés sont à bout de souffle, affectés depuis longtemps par les hémorragies de personnels. En conséquence, la pandémie a éprouvé considérablement ces équipes de soin qui ne demandent qu’une seule chose : sortir de la crise. Nous constatons par ailleurs, trop souvent, les ravages de la pandémie en termes de retard de diagnostic et de prise en charge des autres pathologies. Des retards qui, parfois, grèvent lourdement la survie des patients, en particulier en oncologie.

Lire le reportage : Vaccination contre le Covid-19 : « Pourquoi seulement les soignants ? Sinon, il aurait fallu obliger tout le monde »

C’est pourquoi, indépendamment de la crise déjà existante de l’hôpital et de la santé en France, il devient urgent et vital qu’une solution efficace permette de sortir de la situation que nous connaissons depuis un an et demi. Or, la vaccination est actuellement la seule qui existe et qui permette d’éviter de bloquer le système de soin.

Déguiser un refus de vaccination en militantisme pour la défense de l’hôpital public nous semble au mieux de la bêtise, au pire de la mauvaise foi. Nous refusons que la cause que nombre d’entre nous défendent depuis longtemps − et qui nous tient à cœur − devienne un argument pour refuser un acte qui relève non seulement de la solidarité, mais aussi de la santé publique et du soulagement des équipes de soin.

Sans entrer ici dans le débat autour du caractère obligatoire, se faire vacciner contre le SARS-CoV-2 est un acte citoyen, éthique et responsable. L’un n’empêche pas l’autre : défendre l’hôpital et, plus largement, un accès à des soins de qualité pour tous n’empêche en rien de se faire vacciner contre le SARS-CoV-2. Au contraire, les deux s’inscrivent dans une logique de protection des plus précaires et des plus fragiles.

Temps de passer à l’action

La défense de l’hôpital ne peut donc être un argument contre la vaccination : c’est tout l’inverse. Comment refuser de participer à une campagne qui aurait comme premier effet de soulager les équipes de soin, tout en prétendant défendre leurs conditions d’exercice − en particulier quand la nouvelle perspective d’un plan blanc, et donc d’un autre renoncement aux congés pour les soignants, menace ? Cela n’a aucun sens. Vous avez été nombreux, en 2020, à nous manifester votre soutien et à nous applaudir chaque soir. Il est aujourd’hui dans vos moyens de faire quelque chose de concret et de simple pour nous soulager : vous faire vacciner. Après les mots et les encouragements, il est temps pour vous tous de passer à l’action.

Les quelques soignants en refus de vaccination qui le manifestent à grand bruit ne sont pas représentatifs, loin de là, de l’ensemble du corps soignant majoritairement vacciné. La plupart d’entre eux, quels que soient leurs rangs et fonctions, n’ont pas de compétence particulière dans les domaines de l’infectiologie, de l’immunologie ou de la santé publique et s’y opposent sur des considérations non médicales. Dans ce domaine précis, leurs arguments ne tiennent, en effet, pas un instant.

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A ceux d’entre eux qui se cachent derrière l’idée que l’on a détruit leurs conditions d’exercice depuis des années, pour aujourd’hui les pousser, sous prétexte de santé publique, à une vaccination dont ils ne veulent pas, nous répondons ceci : si sortir de la pandémie n’est pas une condition suffisante pour reconstruire l’hôpital public, elle n’en est pas moins une condition nécessaire.

Nous n’avons aucune chance de défendre correctement nos conditions de travail et des soins de qualité accessibles à tous entre confinements, surcharge de travail plus importante que d’habitude, crise économique, burn-out et cascades d’arrêts de travail. Nous, signataires, espérons que, quelle que soit la façon dont nous sortirons de cette crise pandémique, toutes les personnes prêtes aujourd’hui à défiler et à se mobiliser contre la vaccination – slogans pour la défense de l’hôpital public à l’appui – seront bientôt présentes à nos côtés quand il s’agira de se mobiliser à nouveau pour réclamer des moyens matériels et humains et une politique d’investissement pour les hôpitaux publics.

C’est ensemble que, par le vaccin, nous vaincrons la pandémie ; ensemble aussi que nous ferons advenir le temps de la reconquête du service public hospitalier.

Premiers signataires : Jean Carlet, médecin, ancien président de la société européenne de réanimation (Paris) ; Jean-Daniel Flaysakier,médecin (Tours) ; Sarah Kilani, médecin (Lannion)…

Retrouvez ici la liste complète des signatairesPasse sanitaire : retrouvez les tribunes parues dans « Le Monde »

Collectif

Dr Jean SCHEFFER:

En ce qui me concerne, le principe d’un pass en période de pandémie ne me choque pas tant que l’immunité collective n’est pas suffisante. (Il suffit de voir le nombre d’hospitalisations et de décès dans les Antilles, au Brésil… régions ou le taux de vaccination est très faible)

Ce qui me choque :                                                                                                                         -c’est qu’il ne soit pas négocié et débattu avant son application avec les élus, syndicats et associations…Il y a une absence complète de dialogue par un pouvoir autocratique, mais pas dictatorial.                                                                                                                                      -c’est qu’il est en contradiction avec des données scientifiques: vaccination des jeunes < 12 ans (les données bénéfice risque ne sont pas favorables), pas de port de masque en milieu clos)…                                                                                                                                            -c’est que sur le plan éthique on ne peut empêcher patients et familles de pénétrer dans les établissements de santé et dans les EHPAD                                                                                       -c’est qu’il oblige insidieusement les anti vaccins à se faire vacciner, alors que la persuasion est préférable.                                                                                                                                Pour autant je ne suis pas prêt à manifester le Samedi derrière Florian Filippot et tous ces citoyens d’extrême droite qui se présentent comme défenseurs de la Liberté.

Publié le 16/08/2021

La vaccination massive, condition sine qua non pour espérer soigner l’hôpital public ? 

Paris, le lundi 16 août 2021

https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/la_vaccination_massive_condition_sine_qua_non_pour_esperer_soigner_lhopital_public__188778/document_actu_pro.phtml

– Les arguments présentés par les opposants à la vaccination contre la Covid, dont certains défilent parmi les réfractaires au passe sanitaire (qui ne sont cependant pas tous hostiles au vaccin), sont très divers. Les théories complotistes ne sont pas seules à servir d’arguments pour repousser l’injection. Certains utilisent la situation de l’hôpital public pour justifier leur position. Ils expliquent en effet que c’est le manque de lits et la dégradation des conditions de travail des soignants qui ont contraint la France à prendre des mesures parfois drastiques pour réduire la circulation de SARS-CoV-2. Or, la vaccination à marche forcée de toute la population et obligatoire des soignants tendrait à occulter cet état de fait et à rendre responsable les non vaccinés de la fragilité de notre système de santé. Les protestataires défendent ainsi un ordre des priorités différent qui verraient les réformes de l’hôpital public s’imposer, plutôt que la vaccination systématique.

Aucune chance de soigner l’hôpital, sans vaccination massive

Pour ceux qui n’ont pas attendu l’épidémie de Covid pour alerter sur les difficultés de l’hôpital public, la fermeture des lits et le manque de moyens, le raisonnement est pour le moins spécieux. Dans une tribune publiée en fin de semaine par Le Monde, plusieurs médecins et infirmiers, dont certains responsables syndicaux, refusent cette logique et n’hésitent pas à condamner : « Déguiser un refus de vaccination en militantisme pour la défense de l’hôpital public nous semble au mieux de la bêtise, au pire de la mauvaise foi». Surtout, ils insistent sur le fait qu’il sera impossible de transformer l’hôpital public durablement sans sortir de la crise actuelle. Or, cela passe aujourd’hui en grande partie par la vaccination. « Nous refusons que la cause que nombre d’entre nous défendent depuis longtemps − et qui nous tient à cœur − devienne un argument pour refuser un acte qui relève non seulement de la solidarité, mais aussi de la santé publique et du soulagement des équipes de soin. (…) La défense de l’hôpital ne peut donc être un argument contre la vaccination : c’est tout l’inverse. Comment refuser de participer à une campagne qui aurait comme premier effet de soulager les équipes de soin, tout en prétendant défendre leurs conditions d’exercice − en particulier quand la nouvelle perspective d’un plan blanc, et donc d’un autre renoncement aux congés pour les soignants, menace ? Cela n’a aucun sens » martèlent les signataires du texte. Ces derniers s’adressent par ailleurs plus particulièrement aux professionnels de santé qui aujourd’hui militent contre l’obligation vaccinale qui doit bientôt s’appliquer. « A ceux d’entre eux qui se cachent derrière l’idée que l’on a détruit leurs conditions d’exercice depuis des années, pour aujourd’hui les pousser, sous prétexte de santé publique, à une vaccination dont ils ne veulent pas, nous répondons ceci : si sortir de la pandémie n’est pas une condition suffisante pour reconstruire l’hôpital public, elle n’en est pas moins une condition nécessaire. Nous n’avons aucune chance de défendre correctement nos conditions de travail et des soins de qualité accessibles à tous entre confinements, surcharge de travail plus importante que d’habitude, crise économique, burn-out et cascades d’arrêts de travail. (…) C’est ensemble que, par le vaccin, nous vaincrons la pandémie ; ensemble aussi que nous ferons advenir le temps de la reconquête du service public hospitalier », concluent-ils.

L.C. 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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