Le Jim bien coulant avec pesticides et autres toxiques cancérogènes !

Réautorisation de l’acétamipride : la fabrique de la peur n’a pas de plomb dans l’aile

Aurélie Haroche| 11 Juillet 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/réautorisation-lacétamipride-fabrique-peur-n-pas-2025a1000ifg?ecd=mkm_ret_251227_jim_boq_&uac=368069PV&impID=7988336&sso=true

« Si Dieu n’avait pas souhaité la répétition, le monde n’aurait jamais été créé », avançait le philosophe Soren Kierkegaard. Il en est sans doute de même de la presse en général et des emballements médiatiques en particulier. Que nos lecteurs nous excusent cette confession, peut-être empreinte de la lassitude qui parfois précède les vacances estivales, mais nous sommes parfois étreints du sentiment de réécrire sans cesse le même article. Bien sûr, le nom des substances diffèrent, les protagonistes peuvent parfois (pas toujours) s’interchanger, mais le fil est fidèle à lui-même. nullLISEZ LA SUITE CI-DESSOUS 

Tous les néonicotinoïdes ne se valent pas 

Voyons un peu celui du jour : la ré-autorisation par l’Assemblée nationale de façon encadrée et limitée dans le temps, à la faveur de l’examen de la proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR) de l’acétamipride. L’acétamipride, difficile de l’ignorer, est un insecticide de la famille des néonicotinoïdes (NNi). L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) nous rappelle que les néonicotinoïdes sont « des substances dites systémiques, c’est-à-dire qu’elles se diffusent dans toute la plante pour la protéger des ravageurs. Elles peuvent être utilisées en granulés, en traitements de semences ou en pulvérisation. En agriculture, cinq substances sont répertoriées dans la famille des néonicotinoïdes : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride ». Puissants neurotoxiques, les néonicotinoïdes représentent un danger certain pour les pollinisateurs. Aussi, l’interdiction de la plupart d’entre eux a été décidée par l’Union européenne. L’acétamipride fait exception : elle reste homologuée par l’Agence sanitaire européenne (EFSA) jusqu’au moins 2033. En effet, les travaux reconnus par la plupart des agences sanitaires permettent de conclure que la toxicité de cette substance sur les abeilles est bien plus faible, tandis que sa persistance dans l’environnement est beaucoup plus courte (avec une demi-vie souvent inférieure à huit jours, contre plusieurs centaines de jours pour les autres néonicotinoïdes). 

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Concurrence déloyale 

La France a choisi cependant une position plus stricte que l’Union européenne et a banni l’ensemble des néonicotinoïdes pour les usages agricoles, y compris l’acétamipride (qui reste utilisé dans des insecticides d’usage courant ou des sprays anti-puces destinés aux animaux domestiques, souvent exclus des études de toxicité*). Ce choix a placé certains de nos agriculteurs, notamment les cultivateurs de betterave et de noisette, dans une position de concurrence quasiment impossible à soutenir. Dès lors, depuis plusieurs années, une grande partie de leurs représentants milite pour que la France revienne sur sa position : la loi Duplomb est une réponse à ces revendications. 

Une peste française ? 

Sur de multiples sujets qui peuvent être qualifiés schématiquement et rapidement « d’écologistes », la France semble, depuis quelques décennies, vouloir jouer les parangons de vertu, optant pour des mesures plus drastiques que la grande majorité de ses voisins (et se prenant parfois les pieds dans le nucléaire mais c’est une autre affaire). C’est par exemple le cas concernant les OGM et ça l’est aussi pour les pesticides, quitte à sacrifier des filières qui faisaient jadis la fierté de l’industrie française. Comment expliquer cette spécificité française ? Est-ce une volonté d’éviter que des scandales sanitaires cuisants ne se répètent, comme le retard caractéristique d’interdiction de l’amiante ou du chlordécone ? D’autres y voient plutôt la marque du désir si français de vouloir se démarquer du reste du monde, d’avoir raison avant tous les autres et en dépit de tous les autres. Les analystes suggèrent encore d’autres grilles de lecture (qui cependant ne sont peut-être pas forcément spécifiquement françaises) : un défaut clair de culture scientifique chez les représentants politiques (voir un certain mépris) et un dédain vis-à-vis des agriculteurs. 

Du sang sur les mains null

Ce qui est certain, c’est que la peur, reste encore et toujours (répétition quand tu nous tiens) l’instrument numéro un pour nourrir des discours politiques, qui ne peuvent être soutenus par les faits et la science. Bien sûr, politiquement, un pays ou un groupe politique peut légitimement défendre une application stricte du principe de précaution, car des doutes sont toujours possibles, face à des substances par définition toxiques. Il s’agit alors de parvenir à expliquer qu’en dépit de la faiblesse des preuves, voire même des risques, on préfère utiliser d’autres voies, potentiellement moins efficaces ou plus coûteuses. Des arguments scientifiques existent certainement. « Dans un cas emblématique, une étude française a estimé qu’une augmentation de 2kg de pesticides par hectare correspondrait à un risque relatif de cancer du pancréas de 1,01 — soit une augmentation de 1%, très faible », citait par exemple récemment dans une interview l’oncologue Jérôme Barrière (cependant préoccupé par la politisation du cancer, nous y reviendrons). Une telle approche peut avoir un écho électoral certain, à une époque où les risques sont de moins en moins tolérés. Cependant, ce n’est pas une telle philosophie qui est développée, ce n’est pas une présentation documentée et sincère des enjeux en présence. Non, c’est bel et bien celle de la peur. L’adoption de la loi Duplomb a ainsi été accompagnée d’un déferlement de messages, notamment sur les réseaux sociaux, condamnant violement ceux qui ont décidé de la réintroduction de l’ acétamipride. « Vous avez du sang sur les mains » peut-on lire sous la plume d’un élu, quand d’autres renchérissent sur les « milliers de cancers pédiatriques » qui ne manqueront pas d’être la conséquence du retour de ce produit. Sur les mêmes réseaux, des influenceurs très célèbres, postent des messages vidéo, la gorge serrée, implorant les parlementaires au sursaut, au nom de la survie des enfants. Difficile de rester insensible face à de tels appels. Et d’ailleurs (et comment ne pas comprendre leurs craintes face à ces messages terrorisants) par dizaine de milliers, des mères, des pères, reprennent sur leur propre compte, ces messages affolés et ne peuvent que se demander si nos représentants politiques, consciemment ou inconsciemment, n’ont pas effectivement décidé d’empoisonner la prunelle de nos yeux. Qui sait. nullnull

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L’ignorance, l’opium du populiste

Personne bien sûr ne sait. Et c’est sur cette ignorance que les cassandres peuvent jouer aisément. « La peur se nourrit de l’ignorance » rappelait Roger Genet qui fut directeur de l’ANSES pendant plus de six ans à la journalistes Géraldine Woessner, qui le cite dans son livre Les Illusionnistes. L’absence de preuve n’est pas une preuve : le refrain est connu. De fait, des zones d’ombre existent, comme celles concernant les effets à longs termes ou les expositions croisées. D’ailleurs, n’y a-t-il pas des scientifiques (parfois isolés) qui soutiennent l’extrême nocivité de ces substances (ou dont les propos sont habilement réorientés). Ou des travaux chez l’animal qui suggèrent une possible augmentation d’un risque de cancer du sein ? Ou encore un papier publié dans la revue (parfois controversée) Environmental Health qui signale la « présence de plusieurs néonicotinoïdes dans le liquide céphalo-rachidien, le plasma et l’urine des enfants ». La justice (en l’absence de toute preuve scientifique) n’a-t-elle pas reconnu le lien entre la mort d’une petite fille et les plantes, dont sa mère fleuriste, s’occupait ? Parallèlement à cette incertitude constitutionnelle, alimentée par des données faiblement consolidées, il y a l’autre part d’ombre : pourquoi certains enfants souffrent de cancer, pourquoi retrouve-t-on parfois des « clusters », pourquoi globalement le nombre de cancer semble augmenter (même si le vieillissement et la progression de la population, ainsi que l’augmentation de l’obésité et de la sédentarité et parallèlement du dépistage ne doivent pas être oubliés comme facteurs déterminants) ? Entre les deux, le lien est facilement établi et salvateur. Rien de pire que de ne pas pouvoir mettre un nom sur cette injustice terrible qui voit un enfant emporté par un cancer. Identifier le mal est forcément salutaire et on ne peut que se féliciter que des politiques courageux osent le faire en défiant le grand capital et le puissant lobby de l’agriculture. Pas question bien sûr de dire seulement « on ne sait pas, alors dans le doute abstenons-nous ». Ce serait s’exposer à tant de discussions. Il faut dire : « Vous avez du sang sur les mains ». La fin (apparaître comme des sauveurs) justifie les moyens. 

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Pas d’effet nocif pour la santé humaine, selon l’ANSES

Mais peut-être que les élus qui semblent prêts à empoisonner nos enfants pour les voix de quelques cultivateurs de betterave ont peut-être tout simplement lu les conclusions de l’ANSES. « Entre 2016 et 2017, l’Anses a également réalisé une expertise (PDF)approfondie sur les effets sur la santé humaine de six substances néonicotinoïdes autorisées dans les produits phytopharmaceutiques, biocides et médicaments vétérinaires (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame et dinotéfurane). Ses travaux ne mettent pas en évidence d’effet nocif pour la santé humaine, dans le respect des conditions d’emploi fixées dans les autorisations de mise sur le marché » résume l’agence. Peut-être ont-ils lu les rapports de la plupart des autres agences sanitaires internationales qui concluent dans le même sens, tout en demeurant vigilantes sur l’évolution des recherches et en revoyant régulièrement les limites maximales de résidus. 

Des discours malveillants et qui déforment les faitsnull

Concernant la généralisation affolante des pesticides, peut-être ont-ils eu connaissance de ces analyses qui signalent que la part des substances actives les plus dangereuses, classées CMR a diminué de moitié de 33 à 15 % entre 2009 et 2022. Sur l’explosion des cancers chez les enfants, il n’est pas impossible qu’ils aient entendu parler de cette interview réalisée par Géraldine Woessner du Pr Virginie Gandemer, présidente de la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent, qui dans le Point s’irritait : « Il faut bien comprendre que les cancers de l’enfant n’ont rien à voir avec les cancers de l’adulte. À tous les niveaux : ils n’ont pas la même épidémiologie, pas la même physiopathologie, leurs causes sont différentes, comme leur prise en charge et leurs traitements. Cette façon de parler des cancers, et d’y inclure les cancers de l’enfant pour faire plus de buzz et provoquer l’émotion est insupportable. Non seulement parce que c’est méconnaître la spécificité de ces cancers, mais aussi parce que c’est malveillant pour les parents. Il n’y a rien de plus terrible que d’avoir un enfant atteint d’un cancer, ils portent souvent une culpabilité majeure, que nous essayons justement de faire disparaître, parce qu’ils n’ont rien fait de mal ! Laisser croire que leur cadre de vie serait directement en cause, et qu’il y aurait une sorte de complot national pour dissimuler la nocivité de produits connus présents dans l’environnement et responsables du cancer de leur enfant, est non seulement faux mais cruel » dénonçait-t-elle avant de rappeler qu’il « n’y a pas du tout d’explosion du nombre des cancers de l’enfant ! Sur les vingt dernières années, on note une légère hausse, qu’on sait expliquer : certaines pathologies sont mieux diagnostiquées, et d’autres se sont vues rattachées aux cancers, comme certaines tumeurs cérébrales qui étaient auparavant classifiées comme des anomalies non tumorales. En réalité, l’incidence des cancers pédiatriques est très surveillée et globalement stable ». Et s’ils se sont penchés sur les cancers en général, les élus empoisonneurs auront préféré lire le Dr Jérôme Barrière que les tribunes de Médecins du monde ou l’influenceur Hugo Clément. L’oncologue relevait dans une interview à Nice Matin (déjà citée plus haut) il y a quelques semaines : « Des chiffres sont souvent mis en avant, sans contexte, sans nuance. Par exemple : on entend que les cancers du pancréas ont « triplé », ou que les cancers chez les jeunes ont « doublé ». Mais ces affirmations ignorent des facteurs démographiques essentiels comme le vieillissement ou l’augmentation de la population. Si une population double en 30 ans, le nombre brut de cancers double aussi, sans qu’il y ait forcément une explosion du risque individuel. Le bon indicateur, c’est le taux d’incidence ajusté pour 100.000 habitants — rarement cité ». 

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Danger démocratique ou répétition systématique ? 

Le Professeur Virginie Gandemer, comme le Dr Jérôme Barrière s’irritent et s’inquiètent de cette manipulation de l’émotion, de cette politisation du cancer. Le populisme et l’idéologie sont très certainement à l’œuvre dans cette entreprise de désinformation. Concernant spécifiquement la loi Duplomb, d’autres s’émeuvent également, comme le scientifique Guillaume Limousin, très investi dans la transmission de l’information scientifique qui observe : « C’est une déferlante de tweets de désinformation par de nombreux députés après l’autorisation d’un néonicotinoïde. Débattre de l’opportunité de son utilisation : OK. Mais l’instrumentalisation des cancers des enfants à des fins électoralistes, ça c’est impardonnable ». Pour Géraldine Woessner, qui a consacré de multiples articles et ouvrages à ces sujets (dont l’excellent Les Illusionnistes, avec son confrère Erwan Seznec) le niveau de désinformation atteint est tel que l’heure est grave. « Il y a des jours où la lutte déontologique pour une information juste et sourcée vous semble totalement perdue. Des jours où l’on comprend que, la plupart des médias, ayant cédé face à la violence, la démocratie n’est plus assurée. Ce 8 juillet est un de ces jours. Il y en a eu beaucoup depuis deux ans. Mais là… Ce 8 juillet, des médias publics ont affirmé que le gouvernement « empoisonnait » le peuple. Ce 8 juillet, des médias publics ont soutenu que les élus de la République étaient corrompus. Ce 8 juillet, élus et médias ont accusé la représentation nationale d’avoir sciemment planifié l’assassinat de milliers d’enfants, en votant une loi, réautorisant l’acétamipride, utilisé partout dans le monde », dénonce-t-elle. Rarement en effet, les messages n’avaient autant attisé la défiance vis-à-vis de la classe politique ou encore porté aussi clairement un message hostile vis-à-vis du progrès et des instances de régulation. Mais, on l’a dit cette séquence n’est qu’une répétition de tant d’autres, aussi a-t-on le droit d’en avoir peur ou faut-il ne la considérer que comme l’écho d’un spectacle désarmant, désespérant mais sans surprise ? 

*Edit du 22 juillet – Cependant, l’acétamipride n’est pas présent dans les colliers anti-puces contrairement à ce qui est parfois entendu et ce que nous avions pu suggérer dans une première version en parlant de « produits vétérinaires ». Les produits anti-puces contiennent cependant des substances dont le profil de toxicité semble bien plus préoccupant que le néonicotinoïde. 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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