Hospitalisation sans consentement: le contrôle juridictionnel ne contribue que « très imparfaitement » à la protection des patients.

Psychiatrie : bilan mitigé pour le contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sans consentement

Quentin Haroche| 23 Décembre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/psychiatrie-bilan-mitigé-contrôle-juridictionnel-2025a1001050?ecd=wnl_all_251224_jim_daily-doctor_etid7979863&uac=368069PV&impID=7979863&sso=true

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté estime que le contrôle juridictionnel ne contribue que « très imparfaitement » à la protection des patients.

Chaque année, un peu plus de 75 000 personnes sont hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement. Si cette hospitalisation forcée a longtemps été laissée à la libre appréciation des psychiatres (ce qui n’a pas manqué de susciter de vives critiques contre le système psychiatrique), le temps de l’arbitraire est désormais révolu. Depuis 2011, toute décision d’hospitalisation sous contrainte est soumise à un contrôle du juge dans les douze jours.

Il en est de même depuis 2021 pour les mesures d’isolement, qui doivent être soumises à un juge dans un délai de 72 heures et pour les mesures de contention, dans un délai de 48 heures.

La mise en place de ces contrôles juridictionnels, outre qu’elle répondait à des exigences constitutionnelles, avait pour but de mieux faire respecter les droits des patients psychiatriques hospitalisés sans consentement, personnes particulièrement vulnérables. Un objectif qui n’a été que partiellement rempli estime la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Dominique Simonnot, dans son dernier rapport sur la question, publié le 11 décembre dernier. Elle estime ainsi que « le contrôle juridictionnel ne contribue que très imparfaitement à la protection des patients ».

Le juge ne suffit pas

La CGLPL regrette tout d’abord que le juge, dans son office de contrôle des décisions d’hospitalisation, ne puisse pas porter d’appréciation de nature médicale. En pratique, un juge ne peut ainsi prononcer la levée de l’hospitalisation que si la procédure n’a pas été respectée. « Dès lors que les garanties procédurales sont respectées et les certificats médicaux motivés, le juge ne pourra prononcer la mainlevée de mesures qui pourraient être considérées comme ne relevant pas du dernier recours : on peut regretter que la possibilité de recourir à une expertise ne soit que très virtuelle » note la CGLPL.null

Autre difficulté liée à ce contrôle juridictionnel : « la vulnérabilité des patients ne favorise pas leur défense» analyse la CGLPL. Sans compter les cas où les patients sont incapables de comprendre la teneur de ce contrôle juridictionnel, « la formation des soignants en matière de droits des patients est très limitée et il en résulte que l’information des patients est souvent très incomplète » observe la CGLPL. Le rapport relève également que la formation des avocats dans ce contentieux est « très variable » et que du côté des juges, « des témoignages attestent d’un sentiment de perte de sens quant au contrôle effectué ».

La CGLPL porte également un regard sévère sur la mise en place, toute récente, d’un contrôle juridictionnel des mesures d’isolement et de contention. « Cette voie apparaît largement insuffisante » pour faire respecter les droits des patients analyse la CGLPL. Si « la généralisation du contrôle juridictionnel des mesures d’isolement et de contention a pu contribuer à mettre fin à certaines pratiques abusives » concède-t-elle, la CGLPL regrette la manière dont cette réforme a été mise en place, sans concertation avec les acteurs de terrain. 

Des mesures concrètes pour faire reculer la contention et l’isolement

« Aucun outil permettant de calculer avec simplicité les différents délais s’appliquant aux mesures d’isolement et de contention n’a été fourni aux établissements » constate notamment l’institutions. Au final, la CGLPL rejoint le constat qui a été fait par de nombreux psychiatres au moment de la réforme : ce qui permettra de faire reculer les placements à l’isolement et la contention n’est pas tant le contrôle juridictionnel, mais une amélioration des conditions de travail et le renforcement des effectifs. « La culture du service est particulièrement déterminante de l’évolution vers un moindre recours à la contrainte » analyse ainsi la CGLPL. 

La CGLPL note enfin qu’il existe plusieurs angles morts du contrôle juridictionnel, ces situations où les patients ne disposent d’aucun outil procédural pour défendre leurs droits. C’est le cas aux urgences, où les patients psychiatriques peuvent parfois être placés en isolement ou mis sous contention sans aucun recours possible, mais aussi pour les mineurs qui, même lorsqu’ils sont hospitalisés en soins libres peuvent parfois être l’objet de telles mesures contraignantes. 

Au final, la CGLPL recommande, outre de mieux former les professionnels de santé à la question du respect des droits des patients, de mener une véritable politique publique volontariste visant à réduire le recours aux mesures d’isolement et de contention. Cette politique « ne devrait plus être orientée vers la seule prise en compte des effets de la juridictionnalisation des mesures d’isolement et de contention, mais vers la réduction de ces mesures ». En bref, les autorités ne doivent plus se réfugier derrière le seul contrôle du juge, mais engager des mesures concrètes. Mais cela passe nécessairement par un renforcement des moyens et des effectifs de la psychiatrie hospitalière, qui ne semble pas à l’ordre du jour. 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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