L’Etat a lancé la mobilisation générale pour parvenir à vacciner au plus vite 750 000 bovins dans le Sud-Ouest

Dermatose nodulaire : une opération de vaccination des bovins à grande échelle dans un climat de tension

L’Etat a lancé la mobilisation générale pour parvenir à vacciner au plus vite 750 000 bovins dans le Sud-Ouest afin de les protéger contre l’épizootie de DNC. Mais la défiance des agriculteurs envers les vétérinaires complique cet immense défi logistique. 

Par Publié le 18 décembre 2025 à 05h30, modifié le 18 décembre 2025 à 17h00 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/12/18/dermatose-des-bovins-une-operation-vaccination-xxl-sur-fond-d-hostilite-des-eleveurs-envers-les-veterinaires_6658461_3234.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=larevuedumonde&lmd_send_date=20251219&lmd_email_link=la-revue-du-monde_les-essentiels_lien-lire-la-suite_titre_4&M_BT=53496897516380

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Le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Marie Girier (à gauche), lors d’une vaccination de bovins contre la dermatose nodulaire contagieuse, à Riupeyrous, le 17 décembre 2025.
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Marie Girier (à gauche), lors d’une vaccination de bovins contre la dermatose nodulaire contagieuse, à Riupeyrous, le 17 décembre 2025.  PHILIPPE LOPEZ/AFP

Face aux manifestations d’éleveurs dénonçant la gestion de la crise sanitaire provoquée par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) – une maladie non transmissible à l’humain –, le gouvernement mise tout sur la vaccination. Il s’agit d’une « urgence absolue », selon le premier ministre, Sébastien Lecornu, qui s’exprimait, mardi 16 décembre, devant l’Assemblée nationale.

Sa Les objectifs fixés sont ambitieux : vacciner sur les 1 000 exploitations d’Ariège d’ici au 31 décembre ; au total, dans le Sud-Ouest, 750 000 bêtes doivent recevoir une injection le plus vite possible. Un défi à la fois logistique et humain, dans un contexte de tensions grandissantes entre vétérinaires chargés d’abattre comme de vacciner, et des éleveurs qui s’opposent à l’abattage systématique des élevages contaminés.

Actuellement, les 113 foyers déclarés dans 79 élevages ont tous été « éteints », selon les termes du ministère de l’agriculture, ce qui signifie que les bovins au contact d’un animal identifié comme positif au virus de la DNC ont tous été abattus et les lieux désinfectés. Au total, cela concerne 3 300 bêtes sur un cheptel national de 17 millions de bovins. Mais des suspicions perdurent dans plusieurs départements.

« Cordon sanitaire »

L’objectif est donc désormais de finir de vacciner au plus vite les élevages dans les départements où des cas ont été identifiés de juin à octobre (Jura, Ain, Rhône, Doubs, Pyrénées-Orientales), où la couverture vaccinale est désormais de 60 % à 80 % du cheptel. Mais aussi et surtout de vacciner 750 000 bovins dans une dizaine de départements du Sud-Ouest, en priorité en Ariège, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne et Aude, où des foyers ont éclaté en décembre, ainsi que des départements voisins servant de « cordon sanitaire » (Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hérault et Tarn).

Le ministère de l’agriculture a fait savoir que 400 000 doses du vaccin Bovilis Lumpyvax, produit aux Pays-Bas par le laboratoire MSD, devaient arriver, jeudi 18 décembre, dans les cabinets vétérinaires grâce notamment à la mobilisation du ministère de l’armée. Par ailleurs, un stock de 500 000 doses supplémentaires est en cours d’acheminement dans les Pyrénées. Elles seront distribuées gratuitement à tous les éleveurs.

Le vaccin étant mis à disposition dans des flacons contenant de 20 à 100 doses, une perte de produit est inévitable en fin de journée quand tout le flacon n’a pas pu être utilisé et justifie en partie les volumes commandés. Il s’agit d’un vaccin vivant atténué jugé très efficace et offrant une protection contre la maladie de douze à dix-huit mois grâce à une dose unique. Le coût total de cette vaccination dans le Sud-Ouest est estimé à 20 millions d’euros, vaccin et injection compris, soit autant que ce qui a été dépensé entre juin et décembre pour vacciner 1 million de bêtes.

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Les vétérinaires chargés des exploitations sont mobilisés et vont devoir reporter leurs congés. La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a également fait savoir, mardi soir, que seront mobilisés « de façon tout à fait exceptionnelle, outre les vétérinaires des services de l’Etat, des vétérinaires volontaires, libéraux, retraités, en activité, de toute la France, des vétérinaires militaires (…) et également des élèves des écoles vétérinaires ».

Réussite en Savoie

Durant l’été en Savoie, les élèves vétérinaires de l’école de Lyon avaient déjà été mobilisés, contribuant à la réussite de la campagne : tous les élevages de Savoie et Haute-Savoie, premiers départements touchés par la maladie, sont désormais vaccinés ; la zone réglementée a été levée dans ces départements. Pour organiser la répartition des tâches, un ancien préfet, Pascal Sanjuan, a été nommé à la tête d’une cellule interministérielle d’accélération de la vaccination.

« Le facteur limitant, ce ne sont pas les vétérinaires, le défi logistique est surtout dans les élevages pour que les bêtes soient déjà parquées et contenues à l’arrivée des vétérinaires », estime Jacques Guérin, président du Conseil national de l’ordre des vétérinaires. L’enjeu est d’autant plus de taille dans le Sud-Ouest, où les bêtes sont encore en pâture, en raison des températures favorables en cette fin d’automne. Dans la région, les élevages sont essentiellement extensifs et accueillent des vaches allaitantes, c’est-à-dire reproductrices et non laitières, qui n’ont pas l’habitude de revenir régulièrement à l’étable et sont plus difficiles à attraper.

Une fois les bêtes contenues, acte à la charge des éleveurs, les vétérinaires doivent fournir les seringues, une par bête pour éviter toute contagion. Des tensions d’approvisionnement se font déjà sentir au niveau des centrales d’achat sur ces produits, mais également sur les équipements de protection jetables. Chaque bête doit ensuite être identifiée afin d’être bien certifiée comme étant vaccinée. Un travail administratif nécessitant souvent l’aide d’auxiliaires spécialisés vétérinaires.

Une autre inconnue reste le niveau d’adhésion des éleveurs à un produit qui peut entraîner des effets secondaires transitoires, comme tous les vaccins. « Un challenge aujourd’hui va être de déployer cette vaccination obligatoire auprès des éleveurs mais on devrait y arriver en Occitanie. Si par contre la vaccination devait être étendue sur tout le territoire, dans un passé récent pour d’autres maladies comme la FCO [fièvre catarrhale ovine], malgré des stocks de vaccin mis à disposition gratuitement, le caractère obligatoire n’a pas été retenu par la filière », avertit Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France.

« Droit de retrait »

Plus que tout, c’est le climat délétère entre éleveurs et vétérinaires qui pèse déjà sur la campagne vaccinale. Lundi 15 décembre, Jean-Yves Gauchot a reçu une menace – « Dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d’une pique »– après s’être exprimé dans les médias. Il a porté plainte et une enquête a été ouverte mardi par le parquet de Bergerac pour menaces de mort.

« Les éleveurs, ce sont nos partenaires, on les connaît ; ce qu’ils vivent ne nous laisse pas indifférents, bien au contraire, mais c’est inacceptable qu’on nous menace ou qu’on nous moleste », avertit David Quint, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral, en ajoutant : « Cela risque de laisser des traces indélébiles, j’ai peur que cela fracture l’union qu’il y avait entre les éleveurs et les vétérinaires. » Les conséquences de cette relation abîmée entre éleveurs et vétérinaires, qui travaillent quotidiennement ensemble à la bonne santé des élevages, risquent d’être d’autant plus néfastes que certains territoires ruraux manquent déjà de praticiens, les autorités réfléchissant à des dispositifs pour rendre ce métier plus attractif.

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« On n’a jamais vu un tel niveau de tensions, même lors de la crise de la fièvre catarrhale ovine en 2008 », déplore Jacques Guérin, qui appelle les « vétérinaires qui se sentent en situation de danger pour l’abattage ou la vaccination à faire valoir leur droit de retrait ». Le vétérinaire met en avant les dégâts faits par la caisse de résonance des réseaux sociaux, où les milieux complotistes viennent s’agglomérer à la colère des éleveurs. « Notre crainte, c’est que la contestation de la vaccination devienne le nouvel angle d’attaque des prochains jours, après la contestation de l’abattage », souligne-t-il.

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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