Dyskinésie scapulaire : près d’un nageur de haut niveau sur 2 touché

Dr Marie-Martine Lefevre-colau| 18 Décembre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/dyskinésie-scapulaire-près-d-nageur-haut-niveau-2-2025a1000zl5?ecd=wnl_all_251218_jim_daily-doctor_etid7966178&uac=368069PV&impID=7966178&sso=true

Avec 16 000 rotations d’épaule par semaine, les nageurs de haut niveau développent souvent une dyskinésie scapulaire. Une étude sur 50 athlètes coréens montre que 46 % d’entre eux sont touchés.

La natation impose des mouvements répétitifs des membres supérieurs au-dessus de la tête, générant d’importantes contraintes sur l’épaule. Les athlètes de haut niveau parcourent quotidiennement 14 000 mètres, effectuant environ 2 500 rotations d’épaule par séance, soit près de 16 000 par semaine.

Cette sollicitation intense fatigue les muscles de la coiffe des rotateurs et les stabilisateurs scapulaires, provoquant une instabilité pouvant altérer le rythme scapulohuméral. Ces anomalies positionnelles et cinématiques constituent la « dyskinésie scapulaire (DS) », c’est-à-dire un mouvement anormal, asymétrique ou altéré de la scapula lors de l’élévation du bras, pathologie la plus fréquente chez les nageurs.

La DS réduit l’efficacité fonctionnelle de l’épaule et s’associe à diverses pathologies : lésions du complexe biceps-labrum, atteintes de la poulie du biceps avec lésions partielles articulaires du supra-épineux (PASTA), syndrome sous-acromial, et instabilité gléno-humérale. Elle coexiste cliniquement avec le déficit de rotation interne (GIRD) et le SICK syndrome (anomalies positionnelles scapulaires, saillie du bord inféro-interne, douleur coracoïdienne).null

Sa prévalence atteint 54,5 % chez les athlètes pratiquant des sports « overhead », 33,3 % dans les autres disciplines, et varie de 8,5 à 69 % chez les nageurs. Cependant, elle a été identifiée chez 8,5 % de 694 nageurs asymptomatiques dans une étude transversale, suggérant l’influence de facteurs non pathologiques (anatomie, caractéristiques fonctionnelles)

46% des nageurs d’élite concernés : une étude sur 50 athlètes

Cette étude transversale analyse la prévalence de la DS chez 50 nageurs d’élite (38 hommes, 12 femmes, âge moyen 23,96 ± 3,14 ans, expérience 13,60 ± 3,74 ans), tous membres de l’équipe nationale coréenne 2024. Tous suivaient des programmes d’entraînement annuels, intensifs et structurés.

Le Scapular Dyskinesis Test* (SDT) a permis d’évaluer la DS : debout, haltères de 1,5-2 kg en mains, les participants effectuaient 5 antépulsions à 180° en 3 secondes. L’examinateur classait le mouvement scapulaire comme « normal », « modéré » ou « évident ».null

Les facteurs extrinsèques (côté dominant, respiration, expérience, nage principale) et intrinsèques (Lateral Scapular Slide Test**, longueur du petit pectoral, amplitude de rotation interne, douleur, fonction) ont été analysés. 

Une DS touchait au moins une épaule chez 23 nageurs (46 %), totalisant 35 dyskinésies sur 100 épaules évaluées (9 évidentes, 26 modérées).

Petit pectoral raccourci et rotation interne limitée : les facteurs déterminants

Facteurs extrinsèques : Aucune association significative avec le côté dominant, les années d’expérience ou la nage principale. Chez les droitiers (n=47), la DS était majoritairement bilatérale (50 %). Les nageurs respirant d’un seul côté développaient davantage une DS controlatérale, alors qu’elle était toujours bilatérale chez les nageurs respirant des deux côtés. Cependant, une DS évidente était constatée uniquement chez les spécialistes de papillon et crawl.LISEZ LA SUITE CI-DESSOUS 

Facteurs intrinsèques : La sévérité de la DS corrélait avec un raccourcissement du petit pectoral (F=13,283 ; p<0,001 ; η²p=0,215) et une diminution de rotation interne (F=4,561 ; p=0,013 ; η²p=0,090), mais pas avec la distance LSST. Sans lien avec la douleur (χ²=1,193 ; p=0,275), elle s’associait néanmoins à une fonction altérée au Penn Shoulder Score (p=0,039).

Implication clinique : analyser la scapula pour prévenir et traiter

La spécialisation précoce et l’entraînement intensif prépubertaire pourraient induire progressivement des schémas anormaux de mouvement scapulaire. Cependant, l’absence d’études longitudinales ne permet pas de déterminer si la DS résulte de la pratique intensive ni si elle constitue une cause ou une conséquence des douleurs d’épaule.

Cette étude souligne la fréquence de la DS chez les nageurs d’élite et son association avec le raccourcissement du petit pectoral, la limitation de rotation interne et l’altération fonctionnelle. L’analyse des mouvements scapulaires et du geste sportif s’avère donc essentielle lors de toute consultation pour épaule douloureuse, orientant si nécessaire vers des spécialistes de la rééducation.

Pour en savoir plus : 

* Scapular Dyskinesis Test (SDT) : test visant à détecter une dyskinésie scapulaire ; les participants tenant des haltères de 1,5 kg ou 2 kg dans chaque main debout, les pouces pointant vers le haut, doivent effectuer des mouvements d’antépulsion à 180° en 3 secondes cinq fois de suite. L’examinateur observe le mouvement de la scapula et le classe comme « normal », « DS modérée » ou « DS évidente ».

**Lateral Scapular Slide Test (LSST) : test clinique mesurant la position de la scapula au repos et lors de différentes positions du bras 

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References 

Joo SY, Kim YK. Scapular Dyskinesis and Associated Factors in Adult Elite Swimmers. Medicina (Kaunas). 2025 Oct 21;61(10):1885. doi: 10.3390/medicina61101885. 

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