La bulle de l’IA commence-t-elle à se dégonfler ?

Oracle, symbole du dégonflement de la bulle de l’IA

La valeur de l’entreprise de Larry Ellison s’était envolée après l’annonce de grands investissements dans des data centers. Trois mois plus tard, la baisse est rude : − 50 %, à cause de doutes sérieux sur la concrétisation des promesses. Une désillusion qui commence à se propager à tout le secteur. 

Par  (San Francisco, correspondant)Publié hier à 11h14, modifié hier à 11h33 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/12/18/oracle-symbole-du-degonflement-de-la-bulle-de-l-ia_6658498_3234.html

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Larry Ellison, cofondateur, directeur technique et président exécutif d’Oracle, écoute le président américain, Donald Trump, s’adresser à des journalistes dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 3 février 2025.
Larry Ellison, cofondateur, directeur technique et président exécutif d’Oracle, écoute le président américain, Donald Trump, s’adresser à des journalistes dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 3 février 2025.  ANNA MONEYMAKER / GETTY IMAGES VIA AFP

Lorsque Oracle, la firme de Larry Ellison, avait présenté son carnet de commandes mirobolant, en septembre, et un contrat de 300 milliards de dollars (256 milliards d’euros) pour faire tourner les modèles de la firme d’intelligence artificielle (IA) OpenAI, l’action s’était envolée de près de 40 % et avait fait de M. Ellison, l’espace d’un instant, l’homme le plus riche du monde, devant Elon Musk. Depuis ses plus hauts, l’action a été divisée par deux, perdant encore plus de 5 % mercredi 17 décembre et entraînant dans son sillage l’indice Nasdaq, riche en technologies, qui a fini la séance en recul de 1,8 %.

A chaque jour, sa mauvaise nouvelle, qui suscite le doute quant à l’existence d’une bulle dans l’IA, que le cas d’Oracle semble symboliser. Le 10 décembre, la firme annonce, lors de ses résultats trimestriels, qu’elle va augmenter ses investissements dans l’IA sur l’année de 35 milliards à 50 milliards de dollars. C’est trop, avec pas assez de profits garantis à la clé : l’action dévisse de plus de 10 %.

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Le marché s’inquiète aussi de l’endettement excessif de la firme, qui a un cash-flow négatif de 10 milliards de dollars sur le premier semestre, a levé 18 milliards de dollars d’obligations et a vu sa dette augmenter de 45 % en un an pour atteindre près de 120 milliards de dollars. Résultat : la dette d’Oracle se négocie presque comme si elle appartenait à la catégorie des junk bonds, ces obligations peu certaines d’être remboursées.

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Le 12 décembre, l’agence Bloomberg rapporte que la construction des centres de données (data centers) construits pour OpenAI, la firme de Sam Altman, inventeur de ChatGPT, pourrait être retardée de 2027 à 2028 en raison de manque de main-d’œuvre et de matériel, provoquant un nouveau recul du titre de plus de 4 %, en dépit des dénégations de la firme.

Enfin, mercredi 17 décembre, le Financial Times révèle qu’il existe des doutes sur le financement d’un data center de 10 milliards de dollars à Saline Township, dans le Michigan, les négociations avec la firme financière Blue Owl, partenaire majeur d’Oracle, ayant échoué, provoquant une nouvelle chute. Un commentaire de l’agence Bloomberg résume la situation : « Le pari d’Oracle sur l’intelligence artificielle, d’une valeur de 300 milliards de dollars, est rapidement devenu un indicateur de la bulle spéculative. »

« Les signes s’accumulent »

Trop d’investissements, trop de coûts, trop de retard, trop de dette : la confiance exubérante du début d’année est bien passée, et le moindre écart suscite une défiance des investisseurs qui avaient porté aux nues les leader de l’IA au premier semestre. C’est aussi le cas de CoreWeave, un centre de traitement des bitcoins du New Jersey transformé en centre de traitement de données pour l’IA, partenaire des grands du secteur, qui a perdu les deux tiers de sa valeur depuis les plus hauts et effacé plus de 60 milliards de dollars de capitalisation. L’accélérateur de la chute a été un délai dans la construction d’un data center dans le Texas, affecté, entre autres, par des pluies torrentielles, ainsi qu’une acquisition ratée. Lundi 15 décembre, c’était au tour du fabricant de microprocesseurs Broadcom de reculer de plus de 10 %, après que des doutes avaient émergé quant à l’érosion de ses marges.

« Le secteur de l’intelligence artificielle continue à prendre l’eau, a résumé, mardi 16 décembre, à Bloomberg Jonathan Krinsky, analyste chez BTIG. Bien qu’il soit encore trop tôt pour affirmer qu’il s’agit du sommet pour les actions du secteur de l’IA, les signes s’accumulent, indiquant qu’il ne s’agit pas d’un simple ralentissement temporaire. L’autre question est la suivante : si l’IA est effectivement en train de perdre son leadership, où se situera le nouveau leadership ? » Nulle part, pour l’instant, dans une économie tirée uniquement par l’IA.

Comme on est aux Etats-Unis et que Wall Street n’aime pas les mauvaises nouvelles, les tradeurs ont trouvé de jolis mots pour décrire la situation : « volatilité », euphémisme pour désigner une baisse, et surtout « rotation », pour expliquer que les investisseurs se réfugient vers des valeurs plus sûres. La glissade n’est pas généralisée. Certes, une légère baisse a eu lieu, le Nasdaq étant 5,5 % au-dessous de son record de la fin octobre, tandis que le S&P 500, qui représente les grandes entreprises, est en retrait de moins de 3 %, mais on est loin d’une correction. Surtout, le marché continue de faire ses évaluations entreprise par entreprise.

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Apple, accusé d’avoir raté le virage de l’IA, se porte bien ; Meta est salué pour avoir décidé la réduction de son projet ruineux de métavers, cet univers virtuel en trois dimensions qui est resté très virtuel, tandis qu’Alphabet-Google s’installe en leader de l’IA. Ce discernement empêche pour l’instant toute panique. L’enjeu décisif est de savoir si OpenAI, la firme de Sam Altman, parviendra à réaliser les centaines de milliards de dollars d’investissements qu’il a promis de faire. Beaucoup en doutent, mais l’entreprise et ses actionnaires actuels sont confiants. Selon le média The Information, OpenAI a mené des discussions avec des investisseurs afin de lever des dizaines de milliards de dollars, sur la base d’une valorisation de 750 milliards de dollars. Mais, comme l’entreprise n’est pas cotée en Bourse, le jugement ne viendra pas de Wall Street.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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