Pas de liens organisationnels entre la mouvance islamiste et des mouvements politiques.

Commission d’enquête sur LFI et l’islamisme : tout ça pour ça

18 décembre 2025 | https://info.mediapart.fr/optiext/optiextension.dll?ID=tftqYstJ8Z07MB2DWyH_hyhCxCv_qJEyxpUz0XpViKN9Of1L5VXyTHmfXmH6xF7I15-JqF95A-OwZ7PZ20I

Par Ilyes Ramdani

Malgré des dizaines d’auditions et un battage médiatique d’ampleur, la commission parlementaire lancée par Laurent Wauquiez n’a pas pu documenter le prétendu lien entre le mouvement de Jean-Luc Mélenchon et des organisations islamistes. Le rapport final se contente de compiler des accusations déjà connues.

Même le plateau de CNews a eu du mal à masquer sa déception. Quand Romain Desarbres, l’animateur de la matinale de la chaîne de Vincent Bolloré, a lancé le chroniqueur du Figaro Paul Sugy en évoquant un document « très intéressant », celui-ci a été forcé de le reconnaître : en lisant le rapport de la commission d’enquête sur les liens entre les partis politiques et l’islamisme, « on ne tombe pas de sa chaise ».

« Il n’y a pas de découverte mais au moins, il y a une clarification », a tout de même enjolivé le journaliste, paraphrasant la députée macroniste Caroline Yadan. La formule est effectivement bavarde sur le rapport rendu public mercredi 17 décembre : si son ambition était de donner un vernis d’objectivité aux accusations formulées de longue date par la droite et l’extrême droite sur les prétendues accointances de La France insoumise (LFI), la commission a atteint son but.

Pourtant, cela faisait des mois que Laurent Wauquiez parlait de la commission d’enquête créée par son groupe, Droite républicaine (DR), comme d’un grand moment parlementaire. « Il faut faire tomber le privilège rouge et démontrer les liens de La France insoumise avec l’islamisme et l’antisémitisme », tonnait l’ancien ministre le 3 juin. Sur le réseau social X, quelques jours plus tard, il renchérissait : « Face aux compromissions, il est temps de faire toute la lumière. Les Français ont le droit de savoir ! »

La lecture des 639 pages du rapport offre effectivement la possibilité d’apprendre que le préfet des Hauts-de-Seine, très en pointe dans la lutte contre « l’entrisme islamiste », a dû reconnaître sous serment qu’il ne « dispose pas d’éléments permettant d’affirmer qu’il existe des liens structurels entre les islamistes et ce mouvement politique ». Son collègue de Seine-Saint-Denis a indiqué, juste après, ne « pas [avoir] identifié de liens organisationnels entre la mouvance islamiste et des mouvements politiques ».

Jean-Luc Mélenchon lors de son audition par la commission d’enquête, le 6 décembre 2025, à Paris. © Photo Eric Tschaen / Rea

Le préfet de Haute-Garonne n’a lui non plus « pas établi de lien » entre « des représentants de mouvements politiques » et « des organisations ou réseaux soutenant ou propageant l’idéologie islamiste ». Ce jour-là, le député du Rassemblement national (RN) Jérôme Buisson a pourtant insisté : « Ce n’est pas parce que vous n’avez pas trouvé de liens que de tels liens n’existent pas. Pouvez-vous nous indiquer, même si c’est subjectif, s’il y a un écart entre ce que vous nous relatez et ce que vous ressentez ? »

La réponse n’a pas davantage alimenté la commission dans ses intuitions. Son président, le député du groupe DR Xavier Breton, et son rapporteur Matthieu Bloch, membre du groupe ciottiste Union des droites pour la République (UDR), n’ont pas eu plus de succès avec les chefs des services de renseignement et de sécurité intérieure.

« Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas caractérisé en renseignement le fait que ces organisations fréristes aient théorisé ou défini une stratégie d’approche de tel ou tel parti ou de tel ou tel homme politique », a par exemple indiqué Nicolas Lerner, patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

« Pas de liens structurés démontrables »

L’ensemble de ces auditions donne un rapport frappant par sa vacuité, dépourvu de la moindre révélation. Pour sortir par le haut, le rapporteur de la commission écrit dans sa conclusion que « l’appréhension de l’islamisme politique [est] particulièrement difficile », et que « la compréhension d’ensemble de cette idéologie et de ses manifestations » s’est avérée « particulièrement complexe ». Mais il n’a d’autre choix que de reconnaître, au détour d’une phrase, qu’il « n’y a pas a priori de liens structurés démontrables à ce jour entre les partis politiques et les mouvements islamistes ».

Pas question, pour autant, d’exhiber l’échec de la commission à l’initiative de Laurent Wauquiez. Pour valider une thèse martelée depuis des mois, sinon des années, par la droite et l’extrême droite, le rapport insiste sur les « connivences », les « proximités », l’existence de « contacts directs » entre des élu·es et « des individus proches de mouvements islamistes ».

LFI est évidemment la principale cible des auteurs du rapport ; une focalisation assumée dès sa création, qui avait d’ailleurs justifié, dans un premier temps, le refus par la commission des lois de la lancer. Après avoir changé le nom et fait mine de s’intéresser à l’ensemble des partis politiques, DR a esquivé l’obstacle sans rien renier de ses obsessions. Les travaux de la commission d’enquête « ne laissent place à aucun doute », écrit ainsi le groupe dirigé par Laurent Wauquiez dans sa contribution. Selon lui, il existe une « stratégie délibérée », une « collusion systématique entre des élus, des militants et des cadres de La France insoumise et des organisations islamistes ».

Le mouvement LFI n’hésite pas, en s’inscrivant dans une logique victimaire, à s’en prendre à l’action des services de l’État.

Matthieu Bloch, député UDR, dans son rapport

Il est toutefois difficile de trouver, dans le contenu des auditions et des conclusions, les traces de ces accusations. Le rapport compile des exemples utilisés à l’envi dans les multiples articles de presse et ouvrages sur le sujet : des partages sur les réseaux sociaux, des photos…

« Certains élus nationaux ou européens [LFI] affichent une proximité, voire manifestent un soutien à des personnes connues pour propager l’idéologie islamiste ou condamnées pour apologie du terroriste », accusent les auteurs, citant les exemples de Thomas Portes ou de Rima Hassan.

Un propos tenu par Antoine Guérin, préfet délégué pour la défense et la sécurité de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est cité par les rapporteurs et les médias du groupe Bolloré comme un moment fort des auditions. « Deux députés LFI ont un discours anticolonial visant à victimiser l’islam et les communautés islamiques », y indique le haut fonctionnaire, mentionnant que ces deux élus « s’expriment parfois en arabe » et « instrumentalisent fortement ces sujets ».

De façon plus surprenante, la formation dirigée par Jean-Luc Mélenchon se voit reprocher son opposition à la loi dite « séparatisme » en 2021 ou à l’action de l’État contre certains établissements confessionnels musulmans. « Le mouvement LFI n’hésite pas, en s’inscrivant dans une logique victimaire, à s’en prendre à l’action des services de l’État », peut-on lire dans le rapport. De la même façon, le soutien à la cause palestinienne est associé à une stratégie « clientéliste » et « électoraliste » qui a « conduit certains élus à prendre des positions inquiétantes, sinon dangereuses ».

Des recommandations bien maigres

Pour étayer son jugement, le député UDR Matthieu Bloch s’appuie sur les témoignages de Cédric Brun, un conseiller régional des Hauts-de-France qui a quitté LFI, et des journalistes du Point Erwan Seznec et Nora Bussigny, dont le nom est cité soixante-six fois dans le rapport. C’est cette même journaliste qui a révélémercredi le contenu d’un rapport « saisissant » qui « établit officiellement la proximité entre des élus insoumis et des mouvements islamistes »… sur la base de plusieurs auditions, parmi lesquelles la sienne. La boucle est bouclée.

En conclusion, le document dresse trente-deux recommandations dont la majorité n’a pas grand-chose à voir avec le sujet de son enquête, mais ressemble plutôt à un des innombrables rapports sur le séparatisme : l’une d’entre elles porte sur l’autorisation donnée par les préfets et préfètes de construire des mosquées, d’autres sur la dissolution des associations, le contrôle de leurs subventions, le gel des avoirs pour apologie du terrorisme, ou encore le port du voile lors des compétitions sportives…À lire aussiLe « LFI-bashing », nouveau filon de l’édition française

Sur le sujet du lien entre politiques et islamisme, quelques propositions émergent, dont l’applicabilité pose question : donner une existence juridique aux notions de séparatisme et d’entrisme islamiste, interdire aux ministres du culte de donner des consignes électorales dans un lieu de culte, encadrer les investitures données dans les partis politiques…

Dans sa contribution ajoutée en annexe au rapport, LFI dénonce une commission d’enquête qui a atteint « des sommets d’absurdités inégalées », pensée comme « une commission d’inquisition politique » et« d’instrumentalisation grossière ». Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon ironise sur l’audition de son chef de file, qui a tourné à l’avantage de ce dernier le 6 décembre : « Cette audition a cumulé plus de 30 millions de vues : l’un des meilleurs meetings que nous ait offert Laurent Wauquiez ! »

Voir aussi:

Commission d’enquête : « Des islamistes utilisent LFI comme cheval de Troie pour entrer à l’Assemblée »

Tribune

Par  Omar Youssef Souleimane

Publié le 18/12/2025 à 18:32 https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/commission-d-enquete-des-islamistes-utilisent-lfi-comme-cheval-de-troie-pour-entrer-a-l-assemblee?at_medium=Email_marketing&at_campaign=NL_La_Quotidienne&at_format=jours_ouvres&_ope=eyJndWlkIjoiOGFhNDgzMzIwMWE0MDhlOGE1ZDc3NmFjMGI4NDRiYmMifQ%3D%3D

Notre collaborateur Omar Youssef Souleimane, auteur d’un livre remarqué sur LFI et les réseaux islamistes, « Les Complices du Mal », avait été entendu comme témoin par la commission d’enquête parlementaire sur les liens entre islamisme et parti politique. Dans cette tribune, en exclusivité pour « Marianne », il livre son analyse du rapport de 650 pages, rendu public par l’Assemblée nationale.

Le 16 octobre 2025, j’avais le choix : mon audition pouvait se dérouler à huis clos ou être diffusée en direct sur le site de l’Assemblée nationale et puis sur la chaîne LCP. J’ai choisi la seconde option. Je savais que cela m’exposerait à de nombreuses agressions et menaces, mais cette diffusion publique allait créer un débat, libérer la parole, et peut-être révéler d’autres preuves. Je m’étais préparé à la présence des députés de La France Insoumise (LFI), parti sur lequel mon livre Les Complices du mal se concentre, et sur lequel Matthieu Bloch, rapporteur de la commission, pouvait s’appuyer pour me poser ses questions. Or, aucun député LFI n’était présent.

J’ai néanmoins abordé les faits les plus accablants : le garde du corps de Rima Hassan, députée européenne, est également militant à Urgence Palestine, association islamiste et antisémite, dont le fondateur, Omar Al-Soumi, avait appelé à l’intifada à la fin de plusieurs manifestations et salué le « déluge d’Al-Aqsa », nom donné par le Hamas au massacre du 7 octobre, le 5 octobre 2024. Le député LFI Thomas Portes a rencontré, lors de sa visite au Liban en octobre 2025, Haitham Abdo, chef du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), considéré comme organisation terroriste par l’Union européenne.

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L’élue LFI Ersilia Soudais a rendu, quant à elle, visite à Elias d’Imzalène, que j’avais filmé le 8 septembre 2024 alors qu’il saluait, lors d’une manifestation, ceux qui renversaient les chars Merkava à Gaza : le Hamas. Ramy Shaath, islamiste palestinien soutenu par La France Insoumise, avait déclaré le 27 septembre 2024, place de la République : « Les seuls porte-parole légitimes du peuple palestinien sont ceux qui existent dans les tunnels de Gaza ».

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Plusieurs imams extrémistes ont appelé à voter LFI ou pour le Nouveau Front populaire. Il m’était impossible de tout aborder : le temps était limité à une heure, même si l’audition a finalement duré 1 h 20. En sortant de la salle, je me suis rappelé que certains éléments n’avaient pas été révélés, comme le nombre de fois où le terme « génocide » a été répété sur les comptes X des députés LFI avant les élections européennes en 2024, puis a quasiment disparu.

CE QUE LE RAPPORT RÉVÈLE

Le rapport parlementaire publié cette semainepointe La France insoumise comme le parti le plus exposé à l’entrisme islamiste. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a employé une « stratégie électoraliste » ayant conduit certains élus à des « signes de complaisance, voire de soutien actif à des individus proches des mouvements islamistes ». Le tout doublé d’une stratégie clientéliste auprès de l’électorat musulman, une cible privilégiée pour LFI. Plusieurs éléments que j’avais révélés lors de mon audition sont publiés dans le rapport, notamment l’appel de prédicateurs islamistes faisant l’apologie du terrorisme (Hani Ramadan, Vincent Souleymane) à voter LFI, ainsi que l’investiture aux législatives d’un ancien responsable des Jeunes musulmans, association considérée comme branche des Frères musulmans en France : Mohamed Awad.

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Le rapport émet 32 recommandations destinées à nourrir une future proposition de loi pour renforcer la lutte contre l’islamisme politique. Il préconise un contrôle accru des subventions associatives et une meilleure information des parlementaires. Il insiste également sur le soutien aux élus locaux. Ce soutien passerait par la formation, l’information et un dialogue institutionnalisé avec le préfet. Enfin, un effort particulier de sensibilisation est prévu dans les secteurs les plus exposés : l’éducation, le monde associatif, le sport et les réseaux sociaux.

LE MANQUE D’ÉCHANGE PUBLIC

L’absence des députés LFI lors de mon audition a démontré que La France Insoumise évite le débat public. Pendant ce temps, ses militants pratiquent l’intimidation et les insultes sur les réseaux sociaux. L’audition de Jean-Luc Mélenchon le prouve.Aucun élément abordé lors des auditions précédentes ne lui a été posé par les députés. Il a parlé de la laïcité, du voile, de l’islamisme et de l’islamophobie. Mais il n’a jamais abordé le clientélisme pratiqué par les députés son parti. Surtout pendant les élections européennes de 2024. À cette époque, certains d’entre eux, comme David Guiraud, ont massivement utilisé le terme de « génocide » à Gaza pour mobiliser l’électorat.

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Cette absence révèle le manque d’un débat national sur ce sujet. Aujourd’hui, nous avons un long rapport et une proposition de loi. Mais un échange public plus large reste essentiel et encore non mené à ce jour. Rappelons ce qui fut le fondement de la laïcité : avant 1905, il a fallu des décennies de réflexion collective pour aboutir à la phrase de Jean Jaurès : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne veut pas faire la loi ».

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Mais cette construction concernait une religion que nous connaissions bien : le christianisme. Désormais, nous sommes face à l’islam, religion bien plus complexe à appréhender, liée en France à l’immigration et au colonialisme, dans un contexte international explosif. Un parti politique l’instrumentalise pour ses intérêts électoraux. Des islamistes utilisent ce parti comme cheval de Troie pour entrer à l’Assemblée nationale. La confrontation d’idées doit donc porter sur l’islam, l’islam politique, les Frères musulmans et le texte coranique. Donner la parole aux Français

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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