« Marseille n’a pas seulement besoin d’ordre, elle a besoin de justice. »

BILLET DE BLOG 17 DÉCEMBRE 2025 https://blogs.mediapart.fr/nassurdine-haidari/blog/171225/ancien-elu-de-marseille-si-je-vivais-dans-un-quartier-pauvre-de-marseille-j-aurais-choisi-d?utm_source=quotidienne-20251217-181232&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-%5BQUOTIDIENNE%5D-quotidienne-20251217-181232&M_BT=115359655566

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Ancien élu de Marseille : si je vivais dans un quartier pauvre de Marseille, j’aurais choisi d’être guetteur

Nassurdine Haidari

Mititant Politique et associatif

Si je vivais dans un de ces quartiers populaires de Marseille, j’aurais sans doute choisi d’être guetteur. Non par fascination pour le crime, mais parce qu’à hauteur d’enfant, le monde se donne à voir sans fard. Marseille n’a pas seulement besoin d’ordre, elle a besoin de justice. Tant que l’État regardera cette ville comme un problème à gérer plutôt que comme une promesse à tenir, il continuera de fabriquer, malgré lui, ce qu’il prétend combattre.

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Monsieur le Président,

Si je vivais dans un de ces quartiers populaires de Marseille, j’aurais sans doute choisi d’être guetteur. Non par fascination pour le crime, encore moins par goût de la violence, mais parce qu’à hauteur d’enfant, le monde se donne à voir sans fard.

À mes yeux d’enfant, j’aurais vu cet homme armé au-dessus de nos têtes dans ma petite cour de récréation et compris instinctivement qu’il était plus fort que tous les artifices de votre République. Plus fort que vos discours, plus fort que vos promesses, plus fort que cette égalité proclamée qui ne descend jamais jusqu’à nos rues.

J’aurais compris que mon école ressemblait davantage à une prison où l’on enferme nos rêves sous couvert de bienveillance, où l’on discipline nos espoirs tout en nous apprenant à rester à notre place. Une école où mon grand frère, revenu avec un bac plus cinq, se retrouve à squatter sur le canapé du salon, rongé par la stigmatisation et meurtri par le regard aimant d’une mère incapable de lui donner une réponse.

Dans mon quartier, j’aurais vite compris que ces hommes détenaient le pouvoir de changer nos vies, et qu’un instant de bonheur acheté à coups de billets de banque pouvait sembler un horizon. Certains pourraient objecter que la vie pouvait être courte pour moi. Mais que vaut une vie sans la possibilité de la vivre ?

J’aurais appris à mes dépens que ma vie ne vaut rien, que moi, je n’aurais jamais le luxe de la vivre dignement. J’aurais compris que je n’étais qu’un dommage collatéral, un sujet parmi d’autres dans vos salons parisiens, une donnée dans vos discussions feutrées, jamais regardé, jamais entendu. On ne traverse pas l’enfer de la précarité sans y laisser quelque chose : on y perd une part de son enfance trop tôt, et l’on y sacrifie, trop souvent, une part essentielle de son humanité.

Si l’État a su produire des diagnostics, des chiffres et des plans successifs, il a peut-être aussi les clés pour créer de nouvelles solutions : investir l’école comme un lieu d’émancipation réelle, rendre la dignité matérielle possible avant de l’exiger moralement, traiter la précarité comme une urgence politique.

Marseille n’a pas seulement besoin d’ordre, elle a besoin de justice. Tant que l’État regardera cette ville comme un problème à gérer plutôt que comme une promesse à tenir, il continuera de fabriquer, malgré lui, ce qu’il prétend combattre.

Il est temps d’agir avec courage : déclarer un état d’urgence social à Marseille, investir massivement dans l’éducation, le logement, l’emploi et la prévention, et montrer enfin que la République ne laisse pas ses enfants au bord du chemin. Il ne s’agit plus de promesses ni de diagnostics, mais d’actions concrètes, visibles et immédiates, pour que Marseille redevienne une ville où chacun peut espérer vivre DIGNEMENT. 

Haidari Nassurdine 
Ancien Élu de Marseille, Président du Conseil représentatif des associations noires de France 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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