En marge de la fronde agricole, la Coordination rurale intimide à tour de bras
18 décembre 2025 | https://info.mediapart.fr/optiext/optiextension.dll?ID=qFN1lfF-BOqRT4EU7SFlNxny-0hW7WK_4J6LSG-k4V7aYK7yHMDS4M4yCcPHuFEk9alkIMkqQKHJbbXxTMM
Par Marion Briswalter
Dans les Deux-Sèvres, les députés Delphine Batho et Jean-Marie Fiévet ainsi que le maire de la ville de Melle ont essuyé des actions valant « mises en garde » de la part du syndicat d’extrême droite. Depuis une semaine, de Rochefort à Poitiers, cinq élus et des naturalistes sont victimes d’opérations d’intimidation.
Niort (Deux-Sèvres).– Du fumier, des ballots de paille et des bâches éventrées. Des pneus et des palettes devant des bâtiments ciblés et ce message indélébile inscrit à la bombe sur la chaussée : « On reviendra ne TKT [t’inquiète – ndlr] pas, bisous. »
Les images, consultées par Mediapart, captées depuis le début de la semaine par des riverain·es et les journalistes sur place dans les rues de Melle et de Bressuire, traduisent l’ambiance délétère qui imprègne ces derniers jours la campagne des Deux-Sèvres. Ces actions d’intimidation ont eu lieu en marge de l’appel national à mobilisation lancé par la Coordination rurale (CR) et la Confédération paysanne contre la « gestion » par le gouvernement de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et contre l’accord UE-Mercosur dont la signature pourrait intervenir samedi.

Dans la ville de Melle, dans les Deux-Sèvres, les actions menées par la Coordination rurale à l’attention des députés Delphine Batho et Jean-Marie Fiévet. © Photomontage Mediapart avec Anne Texier
Plusieurs opérations ont été menées conjointement depuis une semaine dans ce territoire rural. Elles ont valeur de « mises en garde » à l’adresse d’un certain nombre de figures politiques et militantes, comme l’assume pleinement Philippe Germond, chef de la CR des Deux-Sèvres, joint jeudi 18 décembre par téléphone par Mediapart.
Gendarmes passifs
Mercredi 17 décembre, à Melle, la devanture de la permanence de la députée écologiste Delphine Batho ainsi que celle de la mairie dirigée depuis 2020 par l’élu antibassine Sylvain Griffault ont été les cibles de déversement de déchets agricoles en tout genre. Ni l’une ni l’autre n’ont répondu aux questions de Mediapart.
Toutes ces opérations se sont déroulées sous l’œil de « gendarmes positionnés aux différents lieux de déversement des déchets » et qui ne seraient « pas intervenus, laissant faire », dénonce Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci, et présent sur place au moment des faits, dit-il à Mediapart. Sollicitée, la préfecture des Deux-Sèvres n’a pas réagi.
Des têtes de sangliers, des pneus, de la paille et des inscriptions « Nous sommes tous B. Venteau ».
Un scénario répété à l’identique de celui mis sur pied lundi soir devant le local du député macroniste Jean-Marie Fiévet installé dans la sous-préfecture du département, à Bressuire. Le parlementaire a annoncé dans la presse qu’il porterait plainte.
La section régionale du syndicat agricole a ratissé large et en toute tranquillité comme l’énumère son président Philippe Germond : « On a fait comprendre à monsieur le maire [de Melle] qu’on n’était pas contents de ce qu’il avait fait il y a deux ans aux agriculteurs », c’est-à-dire en accueillant en juillet 2024 le « village de l’eau », rendez-vous commémoratif des antibassines décidé en réponse à la répression sanglante de la mobilisation de Sainte-Soline par les forces de l’ordre en mars 2023.
Pour Delphine Batho ? « Elle, elle était pour les bassines au démarrage et elle a retourné sa veste. » Jean-Marie Fiévet ? « Pour ne pas avoir signé la loi Duplomb qui est favorable pour nous et qui nous aide à avoir moins de contraintes. » Le siège de la chambre d’agriculture à Bressuire ? « Pour leur faire comprendre qu’il faut qu’ils choisissent leur camp. S’ils sont pour les agriculteurs ou s’ils vont suivre le système : si un abattage a lieu dans les Deux-Sèvres, qu’est-ce qu’ils feront ? Car Denis Mousseau [président de la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres – ndlr] a dit qu’il suivrait le protocole sanitaire [dans les élevages bovins – ndlr] et ça ne nous plaît pas trop non plus. » Le Crédit agricole ? « Pour ne pas avoir été impartial lors des élections de la chambre d’agriculture et avoir voté pour la FNSEA. »À lire aussiColère agricole : le gouvernement voit le pire arriver
Philippe Germond conclut sa liste en expliquant que le largage de fumier et autres joyeusetés paysannes sur la chaussée visait aussi « Julien Le Guet », militant médiatisé de Bassines non merci. Au soir du jeudi 18 décembre, le préfet des Deux-Sèvres, Simon Fetet, n’avait toujours pas réagi à ces actes répétés ciblant en particulier des élu·es de la République.
Cette série d’actions s’est déroulée plusieurs jours après une vague d’opérations simultanées menée en Charente-Maritime et revendiquée par la section locale de la CR selon Le Monde. Le bureau du député écologiste Benoît Biteau à Rochefort avait été la cible des paysans et des tracteurs. Dans le même temps, des têtes de sangliers, des pneus, de la paille et des inscriptions « Nous sommes tous B. Venteau », du nom du président de la Coordination rurale et président de la chambre d’agriculture de la Haute-Vienne, avaient été installés devant le siège de l’Office français de la biodiversité (OFB) de Charente-Maritime, le siège national de la Ligue pour la protection des oiseaux à Rochefort-sur-Mer ainsi que face aux bureaux de l’association Nature environnement 17 à Surgères.
En Vienne aussi, en début de semaine, la députée écologiste, Lisa Belluco, avait essuyé les mêmes actes d’intimidation. « Cette attaque n’est autre qu’une première application de l’appel “à faire la peau aux écolos” lancé par le nouveau président de la Coordination rurale à la mi-novembre », avait réagi par communiqué de presse la parlementaire.