Directives CSRD et CS3D : ce qui ressort du trilogue européen
Les trois organes décisionnaires de l’Europe se sont entendus sur une révision des directives CSRD et CS3D. Le devoir de vigilance est le principe le plus affecté par ces mesures, présentées comme étant une simplification nécessaire à la compétitivité.
Gouvernance | 09.12.2025 | https://www.actu-environnement.com/ae/news/accord-commission-parlement-etats-revision-directive-CSRD-CS3D-omnibus-47224.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzkwOA%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

© weedezign Le texte définitif réduit les exigences pour les entreprises de l’Union européenne, remettant en question le Pacte vert.
Après plusieurs mois de négociations politiques intenses à rebondissements, la proposition de la Commission européenne de simplifier les directives sur les règles de reporting en matière de durabilité et de devoir de vigilance a été validée. Les États membres, le Parlement et la Commission se sont mis d’accord sur un texte définitif qui réduit les exigences pour les entreprises de l’Union européenne. Il s’agit du premier paquet législatif dit Omnibus qui remet en question les textes constituant le Pacte vert.
Pour la présidence de l’UE, représentée par le ministre danois de l’Industrie, Morten Bødskov, cet accord est un « tour de force », « un énorme pas en avant » pour « rendre l’Union européenne plus compétitive ». Avec cet allègement, qui tenait très à cœur à la présidence danoise, les États membres veulent alléger les contraintes administratives, limiter la bureaucratie, « pour que les entreprises se concentrent sur leur business »,selon Morten Bødskov. Et d’ajouter : « Nous ne remettons pas en question les objectifs verts, mais nous facilitons la manière d’y arriver. »
Même discours du côté du rapporteur du texte au Parlement, le député suédois Jörgen Warborn (PPE) : « Nous sommes parvenus à un excellent compromis. Nous simplifions le respect des règles de durabilité, ce qui permet aux entreprises de réaliser des économies historiques. »
Le pire a été évité pour la CSRD
Selon l’accord négocié, les rapports sociaux et environnementaux ne seront désormais obligatoires que pour les entreprises de l’UE employant en moyenne plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 450 millions d’euros. Les entreprises non membres de l’UE sont aussi concernées : 650 entreprises américaines et chinoises d’ici à 2029, ce qui, pour les observateurs les plus optimistes, constitue une forme de résistance à la pression politique de Donald Trump. Toutefois, l’exclusion des PME cotées et des holdings financières est confirmée. Pour les députés socialistes et démocrates (S&D), il s’agit d’un affaiblissement, puisque « cela signifie qu’environ 80 % des entreprises actuellement couvertes ne seront pas incluses dans le champ d’application des nouvelles règles du CSRD ».“ Nous ne remettons pas en question les objectifs verts, mais nous facilitons la manière d’y arriver ”Morten Bødskov, ministre danois de l’Industrie
On revient donc aux seuils négociés au sein de la commission juridique du Parlement, par les groupes PPE (Parti populaire européen), Renew et S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) en octobre dernier, avant son rejet en plénière. Et on s’éloigne légèrement de la version encore plus dure adoptée par les eurodéputés en novembre grâce à l’association inédite du PPE et de l’extrême droite. « Le retour sur l’assouplissement initial des exigences envoie un signal fort : le Parlement européen est allé trop loin dans la simplification, alors que de nombreuses entreprises de taille moyenne ont besoin des reportings extra-financiers rigoureux dans leurs relations avec les investisseurs, les clients ou encore les salariés », commente Solène Garcin-Charcosset, directrice conseil ESG de Tennaxia, cabinet de conseil.
Les colégislateurs se sont également entendus sur une simplification accrue des obligations de déclaration, ce qui devrait réduire le nombre de données à fournir. Les petites entreprises de moins de 1 000 employés devraient être protégées contre tout transfert de responsabilité et pourront refuser de communiquer des informations allant au-delà de celles prévues par les normes volontaires. La double matérialité est maintenue : les entreprises devront toujours identifier à la fois les risques que font peser les changements climatiques sur leur modèle et les impacts de leurs activités sur le climat.
Le devoir de vigilance, une peau de chagrin
Du côté de la CS3D, l’accord remonte à plus de 5 000 employés et un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 1,5 milliard d’euros les seuils d’éligibilité pour les entreprises européennes et non européennes. Le texte en vigueur jusqu’à maintenant s’appliquait pour celles de plus de 1 000 salariés et de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Là aussi, les entreprises devront identifier uniquement les risques les plus importants dans leur chaîne d’activités et « s’abstenir d’exiger des informations superflues » à leurs partenaires commerciaux (de moins de 5 000 salariés). L’évaluation régulière des activités passe à tous les cinq ans, contre tous les douze mois dans le texte en vigueur.
Les entreprises ne seront plus tenues d’élaborer un plan de transition pour adapter leur modèle économique à l’Accord de Paris. « Il s’agit de la pire mesure de cet accord, estime le député Pascal Canfin (Renew). Nous étions les seuls au monde à avoir ce dispositif. Avec cette suppression, on recule de plusieurs années. » Le député se console toutefois en précisant que l’accord renforce le cadre qui s’applique aux plans de transition réalisés volontairement par les entreprises dans la CSRD : « Si vous avez un plan de manière volontaire, alors il doit répondre à un certain nombre de critères qualitatifs et s’aligner sur l’Accord de Paris. C’est un cadre robuste et crédible. »
L’accord supprime également l’application d’une responsabilité civile harmonisée et obligatoire dans tous les États membres à la demande de la Commission, du Parlement et du Conseil. Désormais, chaque État membre aura le choix d’instaurer ou non un régime de responsabilité civile pour les grandes entreprises. « La primauté du droit européen sur le droit des pays tiers, et la possibilité pour les ONG et syndicats de porter plainte pour faire médiation entre les victimes et le système judiciaire, seront laissées au bon vouloir de chaque État membre », traduit l’association Bloom. Pour l’association, avec ces suppressions, « les multinationales retrouvent leur impunité ».
L’accord négocié doit désormais recevoir l’aval officiel des États et du Parlement. Les groupes politiques sont en train de décider de leur position. Le vote des États est prévu en Coreper, le 10 décembre. La commission des affaires juridiques du Parlement se prononcera le 11 décembre, avant l’examen final en session plénière, à Strasbourg, le 16 décembre.
Florence Roussel, journaliste
Directrice de la rédaction et rédactrice en Chef d’Actu-Environnement
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