Pour « Terra Nova » taxer les riches et réduire les dépenses ne suffiront pas à redresser les comptes

Terra Nova suggère de relever la TVA pour éviter une crise de la dette

Taxer les riches et réduire les dépenses ne suffiront pas à redresser les comptes, souligne le think tank dans un rapport publié lundi 8 décembre. Face à l’ampleur du déficit, « il faudra augmenter un des impôts que tout le monde paie ». 

Par Denis Cosnard

Publié aujourd’hui à 05h00, modifié à 07h17 https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/12/08/terra-nova-suggere-de-relever-la-tva-pour-eviter-une-crise-de-la-dette_6656418_823448.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=a_la_une&lmd_send_date=20251208&lmd_link&&M_BT=53496897516380#x3D;tempsforts-title-_titre_5

Un magasin de vêtements à Montpellier, en septembre 2025.
Un magasin de vêtements à Montpellier, en septembre 2025.  GABRIEL BOUYS/AFP

Taxer les riches ? A gauche, la formule est devenue un mantra, la solution miracle qui permet de résoudre les problèmes budgétaires. Mais cela ne suffira pas, loin de là. C’est ce qu’affirme Terra Nova dans un rapport publié lundi 8 décembre. Face à l’ampleur du déficit et à la menace d’une crise de la dette, des mesures beaucoup plus douloureuses vont s’imposer, et « il faudra augmenter un des impôts que tout le monde paie », comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou la contribution sociale généralisée (CSG), estime le cercle de réflexion, proche de l’aile droite du Parti socialiste. Une position assez décalée, qui montre que les convulsions autour des finances publiques commencent à faire bouger certaines lignes politiques.

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Sur plusieurs points, l’analyse signée par Guillaume Hannezo, ancien conseiller économique de François Mitterrand, membre fondateur des Gracques et actuel professeur à l’Ecole normale supérieure, se rapproche d’ailleurs de celle présentée le 26 novembre par l’Institut Montaigne, un think tank libéral financé par de grandes entreprises. Les deux rapports insistent sur la gravité de la situation budgétaire française, et le risque financier qui pèse sur le pays.

La France peut-elle faire faillite ? Longtemps considérée comme une signature en or par les investisseurs, elle paie déjà plus cher pour s’endetter que l’Espagne, la Grèce et le Portugal. « Ce début de crise de confiance nous a fait atteindre un point de bascule assez vertigineux, où il semble que, de façon durable, et contrairement à tous les enseignements de la théorie financière, les grandes multinationales françaises paient leur dette moins cher que l’Etat, souligne Guillaume Hannezo. Même si ce sont des entreprises commerciales, donc mortelles, on les considère comme moins en risque de faire faillite. » Ce n’est qu’un début. Ces prochaines années, la charge de la dette pourrait doubler ou tripler par rapport à 2020, pour devenir le premier poste de dépenses de l’Etat. Un poids difficilement supportable.

Effort inédit

Selon Terra Nova, le seul moyen d’éviter un emballement de la dette et une crise majeure consiste à mener sans tarder un effort de redressement inédit de 120 milliards d’euros par an. Une évaluation un peu inférieure à celle de l’Institut Montaigne, qui juge nécessaire de réduire le déficit public de 140 milliards d’euros d’ici à 2029.

Mais même ainsi, l’ajustement s’annonce, en proportion de la richesse nationale, « supérieur à celui du “tournant de la rigueur” de 1983, et proche de celui qui a dû être réalisé entre 1958 et 1960 », écrit Guillaume Hannezo. Il représenterait un effort de 3 000 à 4 000 euros par ménage et par an, et induirait un renversement fondamental : hors intérêts versés aux prêteurs, l’Etat « devra prélever sur les Français ordinaires un peu plus qu’il ne leur redistribue », alors que c’est aujourd’hui l’inverse.

Où trouver ces 120 milliards d’euros ? Ici, les propositions de l’Institut Montaigne et de Terra Nova s’écartent. Pour le cercle libéral, les impôts atteignent déjà de tels sommets qu’il est impossible de les alourdir, même pour les plus riches, ce qui oblige à effectuer tout le redressement en taillant dans les dépenses. Pour Terra Nova, au contraire, « réduire le train de vie de l’Etat, même en procédant à des plans sociaux et des privatisations massives, rapporterait moins de 5 % des milliards recherchés », sauf à sabrer dans les missions de l’Etat. De même, faire payer les entreprises et revenir sur la politique de l’offre ne pourrait couvrir que 10 % à 15 % de l’effort. Et « travailler plus », comme le suggère le gouvernement en souhaitant retarder les départs en retraite, rapporterait au maximum « 5 % à 10 % du programme ».

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Selon Guillaume Hannezo, il faudra donc se résoudre à accroître les prélèvements obligatoires. En mettant à contribution des hauts revenus : « tous les plans de rigueur passés n’ont pu être acceptés par l’opinion » qu’en procédant ainsi, plaide-t-il. Mais surtout en mettant en place « des hausses d’impôts payés par le plus grand nombre », « qu’il s’agisse de la TVA – nettement plus basse en France qu’ailleurs en Europe – ou de la CSG ». Le taux normal de TVA pourrait par exemple être relevé de 20 % à 23 % voire 25 %, quitte à maintenir les taux réduits, afin de ne pas trop pénaliser les consommateurs les moins aisés.

« Boucle absurde »

L’autre grande piste consisterait à baisser les énormes dépenses publiques consacrées aux retraites. A l’heure actuelle, « la France s’endette pour offrir aux retraités des revenus plus élevés qu’ailleurs, et leur garantir ainsi le même niveau de vie que les actifs », relève Guillaume Hannezo. Or, « ayant moins de besoins, les retraités épargnent ces surretraites, jusqu’à transmettre à leurs héritiers, et ce d’autant plus qu’ils sont aisés, poursuit-il. Cela revient à endetter tout le pays pour accroître l’héritage des classes bourgeoises ».

Pour mettre fin à cette « boucle absurde », l’auteur propose d’amputer de 10 % à 12 % les revenus des retraités, en commençant par exemple par supprimer l’abattement pour « frais professionnels » dont ils bénéficient pour l’impôt sur le revenu. Cette lourde ponction pourrait amener les retraités à épargner deux fois moins, « et la France resterait sur un niveau de pensions plus généreux que la plupart de ses voisins ».

Augmenter la TVA ou la CSG, tailler dans les retraites. Ces deux mesures pourraient représenter ensemble les deux tiers de l’effort nécessaire d’ici à 2029, estime Guillaume Hannezo. Elles ne peuvent qu’être impopulaires, autant que les coupes budgétaires drastiques proposées par l’Institut Montaigne. Mais les deux think tanks se rejoignent sur une conclusion : puisqu’un « ajustement d’ampleur » paraît « inévitable », il devient urgent de sortir du déni. Et mieux vaut que le plan d’austérité soit décidé démocratiquement qu’imposé en urgence par des créanciers étrangers.

Denis Cosnard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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