L’essor de la cocaïne

Cocaïne : les raisons qui expliquent l’augmentation de la consommation en France

La cocaïne est en plein essor, résultat d’une production en hausse, des prix qui baissent et de la pureté qui augmente. Le point en graphiques. 

Par Lili PatemanPublié le 01 décembre 2025 à 17h00, modifié le 01 décembre 2025 à 18h10 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/12/01/pourquoi-la-consommation-de-cocaine-augmente-t-elle-en-france_6655584_4355770.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=a_la_une&lmd_send_date=undefined&lmd_link=tempsforts-title&M_BT=53496897516380

Des douaniers français découvrent de la cocaïne cachée dans la valise d’un passager à destination de Paris au départ de Cayenne, à l’aéroport international de Cayenne, en Guyane française, le 24 mars 2024.
Des douaniers français découvrent de la cocaïne cachée dans la valise d’un passager à destination de Paris au départ de Cayenne, à l’aéroport international de Cayenne, en Guyane française, le 24 mars 2024.  LUDOVIC MARIN/AFP

Assassinat de Mehdi Kessaci, montée des violences, saisies record… L’actualité ne cesse de replacer le trafic de drogue au cœur du débat public. Après avoir longtemps concentré ses discours sur les moyens policiers, le président, Emmanuel Macron, a déclaré le 18 novembre qu’« acheter de la cocaïne [ou] du cannabis (…) c’est de fait être complice et donner du financement à des réseaux de criminalité organisée ». Une façon d’insister sur la responsabilité des consommateurs, notamment sur la cocaïne, deuxième drogue la plus consommée après le cannabis, et qui est en plein essor dans l’Hexagone.

Voir aussi |  Comment la cocaïne arrive-t-elle jusque dans la poche des consommateurs ?Lire plus tard

Pas moins de 1,1 million de Français ont en effet pris au moins une fois de la cocaïne en 2023, soit quasiment deux fois plus qu’en 2017, selon une enquête de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Cette augmentation se ressent également au travers des quantités de cocaïne interceptées par les autorités, qui ont battu un nouveau record en 2024, avec 53,5 tonnes, selon l’Office antistupéfiants (Ofast). Et la tendance se poursuit en 2025, avec déjà plus de 29 tonnes de poudre blanche saisies sur les quatre premiers mois de l’année, soit deux fois plus que sur la même période l’année dernière.

Entre 2023 et 2024, les saisies de cocaïne ont plus que doublé en France   

Tonnes de cocaïne saisies en France.        

dateTonnes
01/01/202453,5
01/01/202323,249
01/01/202227,7
01/01/202126,5
01/01/202013,145
01/01/201915,761
01/01/201816,357
01/01/201717,5
01/01/20168,532
01/01/201510,869
01/01/20146,876
01/01/20135,612
01/01/20125,602
01/01/201110,834
01/01/20104,125
01/01/20095,211
01/01/20088,214619
01/01/20076,578593
01/01/200610,166323
01/01/20055,186
01/01/20044,484
01/01/20034,172
01/01/20023,651

Pourquoi le marché de la cocaïne est-il si florissant ? Comment rencontre-t-il son public ? Réponse en graphiques.

La production explose

La production mondiale de cocaïne était estimée par l’Ofast à 4 000 tonnes en 2024, soit deux fois plus qu’en 2020. Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT, explique cette hausse par « l’augmentation des surfaces de culture et des rendements » des trois principaux pays producteurs de feuilles de coca, le Pérou, la Bolivie et la Colombie. Rien que dans ce dernier pays, la production a augmenté de 53 %. En parallèle, « le cercle des pays producteurs s’est élargi » avec des pays proches comme « le Honduras, le Venezuela, l’Equateur, le Guatemala, le Mexique ou le Panama », poursuit-elle.

La culture de cocaïer est estimée à plus de 376 000 hectares en 2023

Estimation de la culture illicite mondiale de cocaïer dans les trois principaux pays producteurs (en hectares).        

Colonne 1BolivieColombiePérou
01/01/2012253004800060400
01/01/2013230004800049800
01/01/2014204006900042900
01/01/2015202009600040300
01/01/20162310014600043900
01/01/20172450017100049900
01/01/20182310016900054100
01/01/20192550015400054700
01/01/20202940014280061800
01/01/20213050020430080681
01/01/20222990023000095000
01/01/20233100025260092800

Graphique utilisant des données, utilisez les options d’accessibilité pour voir les données brutes ou renforcer les contrastes.

Avec la saturation du marché américain, les trafiquants ont trouvé « un nouveau débouché » en Europe et en France, avec « une demande solvable », analyse Christian Ben Lakhdar, professeur d’économie à l’université de Lille et spécialiste du marché des stupéfiants. Malgré une offre de cocaïne supérieure à la demande, celle-ci a trouvé son public. Pour Ivana Obradovic, l’offre est désormais si « abondante qu’elle va au-devant des consommateurs et contribue à attirer de nouvelles clientèles ».

Lire aussi |  Article réservé à nos abonnés  Eradiquer ou légaliser la cocaïne, le dialogue de sourds entre la France et la ColombieLire plus tard

La France, disposant du deuxième plus grand domaine maritime mondial, est particulièrement exposée à la hausse du trafic de cocaïne. Ses régions d’outre-mer, dont certaines se situent à proximité des zones de production, agissent comme zones de transit vers le marché hexagonal. Selon l’OFDT, les trois quarts du trafic transitent par la mer, tandis que le quart restant passe par voie aérienne.

La cocaïne, c’est quoi ? 

Extraite des feuilles de cocaïer — petit arbuste cultivé en Amérique du Sud —, la cocaïne est un puissant stimulant présenté sous forme de poudre blanche. La cocaïne base — communément appelée « crack » — est un dérivé de la cocaïne qui prend la forme de cristaux ou petits cailloux. Sa consommation, quelle qu’en soit la manière, peut entraîner des complications sévères pouvant provoquer la mort.

Les prix baissent, la pureté augmente

Alors que le prix moyen du gramme de cocaïne oscillait entre 65 et 70 euros depuis 2014, il est tombé à 58 euros en 2024. « Pour la première fois, on est passé en dessous de la barre symbolique des 60 euros, même si de fortes variations persistent entre les régions », relève Ivana Obradovic.

Si ce rabais de quelques euros peut sembler anodin, il se conjugue à une augmentation du taux moyen de pureté de la cocaïne, qui a grimpé de 22 % en dix ans, atteignant 75 % en 2024, selon les chiffres du Service national de police scientifique. « Il y a une telle surproduction que les revendeurs ne prennent même plus la peine de la couper », explique Christian Ben Lakhdar. Par ailleurs, « la concurrence conduit à proposer un produit de plus en plus pur pour se différencier », complète Ivana Obradovic. Le prix de la cocaïne « pure » devient donc une aubaine pour les consommateurs. Davantage concentrée en principes actifs, celle-ci devient toutefois mécaniquement plus dangereuse.

 

 Dans le même temps, le développement des ventes fractionnées (selon la quantité souhaitée) rend la cocaïne accessible à une plus large clientèle, qui n’a pas forcément les moyens d’acheter un gramme entier ou qui souhaite consommer occasionnellement. « On peut désormais acheter le volume que l’on souhaite avec, en plus, des tarifs dégressifs », détaille Mme Obradovic. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte où les pratiques de vente facilitent l’accessibilité de la cocaïne.

Les pratiques de vente se perfectionnent

Avec la généralisation de l’utilisation des réseaux sociaux, s’approvisionner en cocaïne est devenu beaucoup plus simple qu’auparavant. Nul besoin de se déplacer, il suffit de quelques clics pour se faire livrer à domicile. Ces livraisons,« extrêmement difficiles à contrôler »« ont pris le pas sur l’achat en points de deal et contribuent à expliquer l’élargissement du bassin de consommateurs, y compris dans les territoires ruraux et semi-ruraux », constate Ivana Obradovic.

En plus de faciliter l’accessibilité à la poudre blanche, le recours au numérique limite les risques d’intervention policière en point de deal et permet de promouvoir son produit « dans un contexte fortement concurrentiel où le maintien de la relation avec la clientèle constitue un enjeu central », pointe un rapport de l’OFDT sorti le 27 novembre.

La vente de cocaïne s’est aussi démocratisée en points de deal, où les vendeurs restaient auparavant cantonnés à la vente de cannabis. Pour Ivana Obradovic, les vendeurs déploient des « stratégies d’adaptation » leur permettant de « contourner les mesures de contrôle et de sécurité ».

Lire aussi |  s  Comment le marché de la drogue se transforme pour trouver de nouveaux clients

Les profils d’usagers se diversifient

En parallèle de l’évolution de la représentation de la cocaïne auprès des consommateurs, souvent vue comme présentant « des risques minimisés » selon l’OFDT, les contextes de consommation se sont aussi étendus.

Auparavant cantonnée à une clientèle issue de milieux sociaux favorisés et dans un cadre plutôt festif, la cocaïne est désormais consommée « au sein de nombreuses catégories de la population active (occupée ou non) »note un rapport de l’OFDT. Outre la recherche de plaisir, Ivana Obradovic désigne « une série de motivations alternatives assimilables à du dopage, consistant à booster ses performances en misant sur les effets psychostimulants ». Ce dernier motif d’usage concerne particulièrement les secteurs professionnels exposés à des conditions de travail difficiles, comme la restauration et les métiers de la mer.

La série « En graphiques » des Décodeurs éclaire l’actualité sous forme visuelle. Retrouvez tous les articles dans notre rubrique.

Lili Pateman

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire