Taxe Zucman : Ces deux pistes pour taxer davantage les plus hauts patrimoines, préconisées par le Conseil des prélèvements obligatoires
Au grand dam de la gauche, lors de l’examen du projet de loi de finances 2026, l’Assemblée nationale a rejeté la taxe Zucman. Cela veut-il dire que le débat sur la taxation des plus fortunés a été enterré ? Loin de là. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), un organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes, a justement publié ce lundi un rapport fouillé sur l’imposition du patrimoine. En son cœur : deux scénarios pour davantage taxer ceux qui possèdent le plus.

2 DÉCEMBRE 2025 À 13H24
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Au grand dam de la gauche, lors de l’examen du projet de loi de finances 2026, l’Assemblée nationale a rejeté la taxe Zucman. Cela veut-il dire que le débat sur la taxation des plus fortunés a été enterré ? Loin de là. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), un organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes, a justement publié ce lundi un rapport fouillé sur l’imposition du patrimoine. En son cœur : deux scénarios pour davantage taxer ceux qui possèdent le plus.
Les experts du CPO partent d’un constat, déjà largement documenté par la littérature économique, mais qu’ils tiennent à rappeler : le patrimoine progresse plus rapidement que les revenus, et il se concentre entre les mains de peu d’individus. Ainsi, les 10 % les plus riches détiennent 60 % du patrimoine total. Pire, 1 % de la population jouit de 27 % de cette richesse.
En réponse, les experts de l’institution rattachée aux Sages de la rue Cambon proposent une refonte globale de l’imposition du patrimoine, dont le montant total a atteint 113,2 milliards d’euros en 2024, l’un des plus élevés des pays membres de l’OCDE. Il ne s’agit pas tant d’en modifier les recettes totales que d’en ajuster la structure, afin de corriger les « distorsions économiques », responsables d’importantes concentrations de richesses. Qui pourraient d’autant plus être renforcées par le mouvement massif de transmissions (9 000 milliards d’euros) qui touchera la société française d’ici à 2040, selon la Fondation Jean-Jaurès.
Deux scénarios pour mieux taxer les hauts patrimoines
Cette refonte doit impérativement passer par une amélioration de l’équité et de l’acceptabilité de l’impôt, note d’emblée le CPO. Il propose ainsi de mieux taxer les très hauts patrimoines. Pour ce faire, deux scénarios sont proposés. Un premier consiste à taxer les holdings et les liquidités qui s’y trouvent lorsqu’elles sont restées longtemps intouchées. Une idée similaire au projet de taxe sur les actifs « non affectés à une activité opérationnelle » présenté dans le PLF 2026. Un ciblage efficace permettrait de rapporter un milliard d’euros.
De plus, le CPO propose de toucher aux bien professionnels des individus les plus fortunés au moment de leur transmission. Car il rappelle que, contrairement à certaines idées reçues, le Conseil constitutionnel n’interdit pas d’imposer les biens professionnels, mais que la limite réside dans l’ampleur de cette taxation. Elle pourrait en effet être jugée comme « confiscatoire » si son taux est trop élevé, faisant planer un risque d’inconstitutionnalité sur la taxe Zucman qui fixe un taux à 2 % sur le total du patrimoine détenu.
Ainsi, les experts du rapport se tournent vers une décision de la Cour de cassation qui avait établi qu’une taxation à 60 % d’une transmission n’avait pas posé de problème de liquidité aux héritiers pour s’acquitter de leur dû. Et en déduisent que « le risque de voir censurer un impôt différentiel sur le patrimoine transmis au titre d’un taux considéré comme confiscatoire apparaît plus limité que pour les impôts sur le patrimoine détenu ». La note propose ainsi de s’attaquer à la transmission de biens professionnels à travers une contribution différentielle sur les transmissions les plus élevées – supérieures à 2,667 millions d’euros -, en y imposant un taux minimal de 7,5 %.
Refonte du « pacte Dutreil »
Dans son deuxième scénario, décrit comme plus« ambitieux », le CPO propose, dans un premier temps, de créer un impôt différentiel sur la fortune personnelle, s’inspirant du principe de l’impôt plancher défendu par Gabriel Zucman, mais qui exclurait les biens professionnels. Une sorte de nouvel ISF (impôt sur la fortune) dont l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) serait déductible. Les auteurs du texte jugent judicieux d’imposer à 0,5 % les détenteurs de plus de 5 millions d’euros de patrimoine pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité. Gain potentiel : 1,4 milliard.
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Ce dispositif serait couplé à une refonte du pacte Dutreil, qui permet de transmettre son entreprise en s’acquittant de peu d’impôts. Le coût de cette niche fiscale pour les finances publiques a été évalué à 5,3 milliards d’euros en novembre dernier par le Cour des comptes et à 4 milliards dans le PLF 2026. Concrètement, il s’agirait de restreindre le dispositif aux seuls actifs professionnels tout en allongeant de deux ans la durée d’engagement pour bénéficier de son exonération, dont le montant serait également abaissé de 75 à 50 %. Ce sérieux coup de rabot rapporterait 1,3 milliard d’euros.
Si ces réformes permettraient à l’Etat de renflouer ses caisses (jusqu’à 2,7 milliards dans le deuxième scénario), le CPO les a imaginées pour être couplées à un allègement des droits à payer sur les successions ou les donations (DMTG), en ligne directe et indirecte. Sauf que cet ajustement entraînerait un coût d’un milliard pour les finances publiques dans le premier scénario et de 2,5 milliards dans le second. Malgré le renforcement de l’imposition sur les plus hauts patrimoines, l’impact budgétaire de l’ensemble de la réforme serait donc neutre. Mais elle devrait, en partie, permettre de corriger les « distorsions » qui minent la transmission.
Voir aussi:
https://environnementsantepolitique.fr/2025/12/02/le-patrimoine-au-coeur-du-debat-fiscal/