« Faut-il rendre la vaccination contre la grippe obligatoire pour les résidents en établissement (Ehpad) et pour certains soignants ? », dont ceux qui les encadrent.

La piste de la vaccination obligatoire contre la grippe dans les Ehpad divise parlementaires et soignants

Un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit l’obligation de vaccination des résidents de maison de retraite et de certains professionnels de santé. La Haute Autorité de santé a été saisie. 

Par  et Publié le 21 novembre 2025 à 06h00, modifié le 21 novembre 2025 à 08h32

Temps de Lecture 4 min.

Vaccination à l’Ehpad des Amandiers, appartenant au groupe Korian, le 7 janvier 2021, à Paris (20ᵉ).
Vaccination à l’Ehpad des Amandiers, appartenant au groupe Korian, le 7 janvier 2021, à Paris (20ᵉ).  SIMON LAMBERT / SIMON LAMBERT/DIVERGENCE

C’est un débat qui résonne au-delà des murs du Parlement. Alors que la campagne de vaccination contre la grippe a démarré il y a un mois, à la question « doit-on se faire vacciner ? » s’en est greffée une autre : « Faut-il rendre cette vaccination obligatoire pour les résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et pour certains soignants ? », dont ceux qui les encadrent.

La mesure, inscrite à l’article 20 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), en cours d’examen au Sénat, a connu un parcours parlementaire chaotique : approuvée en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, elle a ensuite été rejetée, lors de l’examen dans l’Hémicycle, à quelques voix près (108 contre, 95 pour). La disposition, sensible, doit désormais être discutée par les sénateurs qui planchent depuis mercredi 19 novembre, à leur tour, sur le texte.

Un an après une épidémie de grippe particulièrement sévère (avec une surmortalité estimée à 17 600 personnes) qui a mis sous tension les hôpitaux, le gouvernement a, dès l’été, commencé à préparer les esprits, par la voix de l’ancienne ministre de la santé, Catherine Vautrin. « Les résidents d’Ehpad sont aujourd’hui vaccinés à 85 % [82,8 % en moyenne, selon l’agence Santé publique France]. Il reste au moins 10 points supplémentaires de taux de vaccination que nous devons atteindre »affirmait-elle dans Le Monde, le 26 juillet. Et d’ajouter : « Pour cela je souhaite que celle-ci devienne obligatoire pour les personnes âgées en établissements. » Sans aller jusqu’à assumer, alors, la mesure sensible d’une obligation faite aux professionnels, dont la couverture contre la grippe est, elle, estimée à 21 % dans les Ehpad (56,3 % chez les médecins, 34,2 % des infirmiers ou encore 19,3 % des aides-soignants).

« Pas des sous-citoyens »

Le principe figure désormais dans le projet de texte budgétaire pour 2026 : celui-ci prévoit « d’actualiser les obligations vaccinales des professionnels des secteurs sanitaire et médico‑social ». Pour eux, comme pour les résidents d’Ehpad, l’obligation interviendrait sous réserve d’une recommandation en ce sens de la Haute Autorité de santé (HAS).

Dans l’Hémicycle, l’article a fait renaître des divisions apparues lors de la crise due au Covid-19, avec du côté des opposants à la contrainte, les députés Rassemblement national en première ligne, ainsi qu’une large partie de ceux de La France insoumise. Sur le terrain, des clivages se font aussi entendre. Avec, chez les associations de patients, une levée de boucliers. « Les résidents en Ehpad ne sont pas des sous-citoyens, s’indigne Gérard Raymond, président de la principale fédération de patients, France Assos Santé. Il n’est pas question de les infantiliser, ou de les traiter de manière autoritaire. Il faut les convaincre que la vaccination est une bonne chose, mais pas les contraindre. »

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Quatre organisations impliquées auprès des personnes âgées (AD-PA, AVEC, Citoyennage, FNAQPA) ont, fin octobre, sollicité l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Elles l’interrogent notamment sur le respect du « principe de consentement libre et éclairé ».

Dans les rangs associatifs, ils sont nombreux à souligner, en miroir, la faible vaccination des soignants en Ehpad. « Ces professionnels ont fait le choix de protéger et de soigner des personnes vulnérables, eux devraient être obligatoirement vaccinés », reprend M. Raymond, dénonçant une « tendance à la baisse du taux chez les soignants, qui interpelle ». Tendance confirmée par une enquête auprès des établissements sociaux et médicaux-sociaux menée par Santé publique France et diffusée le 18 juillet : cette couverture contre la grippe en Ehpad (un tiers d’entre eux ont participé à l’étude) est, pour la saison 2024-2025, « faible et en diminution par rapport aux saisons antérieures » (– 1,4 point par rapport à 2023-2024, – 3,7 par rapport à 2022-2023, et même – 16,2 par rapport à 2007-2008).

« Consentement »

D’autres voix, plutôt dans le secteur des établissements privés, tranchent néanmoins, face à la large opposition à toute obligation vaccinale pour les résidents d’Ehpad : « Nous soutenons cet article 20 [du PLFSS], on nous confie des personnes extrêmement fragiles, toutes les atteintes extérieures, en matière de virus, peuvent être fatales, il est de notre devoir de les en protéger », estime Jean-Christophe Amarantinis, président du Syndicat national des établissements, résidences et services d’aide à domicile privés pour personnes âgées.

Chez les médecins coordonnateurs d’Ehpad, les avis ne sont pas tout à fait unanimes, entre certains praticiens qui voient de l’intérêt à « pousser la logique de la vaccination jusqu’à l’obligation » et d’autres, nombreux, qui défendent la « pédagogie avant tout », le « respect du consentement » des résidents. Et le rôle à jouer par le médecin traitant : « Lui est à même d’identifier, dans cette marge de 15 % de résidents non vaccinés, ceux dont l’état de santé, parfois simplement la situation en toute fin de vie, ne justifie pas la vaccination », rapporte Florence Lapica, vice-présidente du syndicat de généralistes MG France. Si plus de huit sur dix d’entre eux sont vaccinés contre la grippe, la tendance est, pour eux, stable sur un an, mais à la baisse si l’on remonte plus loin dans le temps, avec un écart atteignant – 10,7 points entre la dernière saison et celle de l’hiver 2020-2021.

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« Depuis la crise sanitaire et le choc de la fermeture de nos établissements, c’est vrai qu’on entend une plus forte réticence de la part de certaines familles », rapporte Gaël Durel, vice-président de l’Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social. A l’échelle des Ehpad où ce gériatre exerce, en Bretagne, ses « premières remontées » laissent penser que la baisse va se poursuivre cet hiver.

Le praticien n’en soutient pas moins la « liberté des résidents » et interroge la faisabilité d’une telle obligation : « Quand on est médecin, le consentement du patient est essentiel, on ne peut pas imposer un traitement. » « Sans doute qu’une forme de lassitude, après toutes les campagnes contre le Covid, joue un rôle », reprend-il, évoquant ces paroles de famille « sceptiques » : « Maman n’a jamais eu la grippe »« Elle ne risque plus rien »

« Banalisation »

« Pendant longtemps, la grippe a souffert de sa banalisation, rappelle Anne-Claude Crémieux, présidente de la commission technique des vaccinations à la HAS. Cette vaccination comporte encore beaucoup de zones aveugles, qu’il s’agisse du nombre d’infections contractées au sein même des établissements, ou de l’efficacité du vaccin qui est variable d’une année sur l’autre. Et cela explique en partie les difficultés à convaincre de son importance, aussi bien les populations “cibles” [les résidents d’Ehpad, les personnes de plus de 65 ans, celles souffrant de certaines maladies chroniques, les femmes enceintes…], que les soignants. »

Ces débats sur l’obligation vaccinale ne sont pas nouveaux, poursuit l’infectiologue : ils reviennent régulièrement, souvent après une épidémie sévère. La HAS, missionnée sur la question, au printemps, par Catherine Vautrin, l’avait déjà été en 2023. Elle ne s’était, à l’époque, pas montrée favorable à une nouvelle obligation pour les soignants, défendant le maintien « à l’identique » des règles.

« Nous allons reprendre tous les éléments scientifiques qui peuvent fonder notre décision », reprend la professeure Anne-Claude Crémieux, en indiquant que les recommandations de la HAS devraient être rendues en avril 2026.

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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