Nouveau détricotage: le projet de loi Ddadue, présenté le 10 novembre en Conseil des ministres, prévoit la création d’une police spéciale adaptée aux élevages

Le Gouvernement souhaite sortir les élevages de la législation des installations classées

Le projet de loi Ddadue, présenté le 10 novembre en Conseil des ministres, prévoit la création d’une police spéciale adaptée aux élevages. Ce qui devrait conduire à soustraire ces installations du régime des ICPE, jugé trop contraignant.

Risques  |  28.11.2025  |  https://www.actu-environnement.com/ae/news/projet-loi-ddadue-gouvernement-sort-elevages-legislation-installations-classees-icpe-47157.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzkwMQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

L. Radisson

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Le Gouvernement souhaite sortir les élevages de la législation des installations classées

© sacha22Entre 4 000 et 5 000 élevages seraient concernés par la directive IED.

Les installations d’élevage vont-elles quitter le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ? C’est en tout cas ce que préfigure le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (1)(Ddadue) que le ministre de l’Économie a présenté, le 10 novembre, en Conseil des ministres et qu’il a déposé dans la foulée sur le bureau du Sénat.

Le Gouvernement saisit en effet le prétexte des difficultés de transposition en droit français de la directive du 24 avril 2024, venue modifier la directive sur les émissions industrielles, dite « directive IED », pour créer une nouvelle police administrative spéciale pour les élevages. Cette directive, qui doit être transposée avant le 1er juillet 2026, a élargi le champ des élevages de porcs et de volailles concernés, tandis que l’intégration des élevages bovins a été repoussée dans l’attente d’une évaluation que la Commission européenne doit réaliser d’ici au 31 décembre 2026. Cet élargissement conduit à faire passer le nombre d’élevages français concernés par la directive de 2 930 à une fourchette comprise entre 4 000 et 5 000, dont près de la moitié dans la seule Bretagne, selon l’étude d’impact du projet de loi.

Revendications de la FNSEA

Pour transposer la directive, une option possible consisterait à procéder à des adaptations marginales du cadre législatif existant, explique l’exposé des motifs du projet de loi. « Transposer la directive révisée, qui élargit le nombre d’exploitations agricoles et qui introduit une nouvelle procédure administrative [procédure européenne d’enregistrement, ndlr] permettant d’exploiter les élevages d’animaux, au sein du régime ICPE actuel ne peut que se traduire par une complexité accrue, à rebours de l’objectif de simplification du cadre juridique applicable au secteur agricole », ajoute Bercy.“ Transposer la directive révisée au sein du régime ICPE actuel ne peut que se traduire par une complexité accrue, à rebours de l’objectif de simplification du cadre juridique applicable au secteur agricole ”Ministère de l’Économie

Pourtant, la solution retenue par le Gouvernement pourrait créer davantage de complexité encore et va à l’encontre de l’approche intégrative poursuivie jusque-là par le ministère de la Transition écologique à travers la législation ICPE, qui comprend déjà un régime d’enregistrement, et la procédure d’autorisation environnementale.

Elle présente en revanche l’avantage de répondre aux revendications de la FNSEA, qui milite de longue date pour ne pas soumettre les installations agricoles aux mêmes contraintes que les installations industrielles.

Habilitation à légiférer par ordonnance

En tout état de cause, l’article 52 du projet de loi prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures afin de « créer des régimes de mise en service, de fonctionnement, d’exploitation, de contrôle et de cessation d’activité des élevages d’animaux, tout en assurant la transposition des dispositions de la directive (…) du 24 avril 2024 ».

Ces mesures définiront les principes de classement des activités dans une nomenclature et les conditions d’élaboration des prescriptions qui leur seront applicables ; les procédures en matière d’évaluation environnementale et d’information du public ; les conditions de coordination de ces régimes avec les procédures d’urbanisme et, le cas échéant, avec d’autres procédures ; les compétences et modalités d’exercice de la police administrative et judiciaire de ces activités, ainsi que les sanctions administratives et pénales applicables ; les conditions de recours devant le juge administratif ; ainsi que les dispositions transitoires.

Le projet de loi prévoit un délai de douze mois pour prendre les ordonnances. Un délai « nécessaire, compte tenu de la technicité des dispositions susceptibles d’être prises et des indispensables échanges préalables avec les acteurs du secteur agricole », précise l’étude d’impact du projet de loi. « Il existe, par ailleurs, une intention politique de prendre au plus vite l’ordonnance et ses décrets d’application », ajoute cette dernière.

Dans son avis daté du 23 octobre 2025 (2) , le Conseil d’État a considéré que l’habilitation proposée ne se heurtait à aucun obstacle d’ordre constitutionnel et ne méconnaissait pas le principe d’égalité. Il rappelle toutefois, comme il l’avait déjà fait pour la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025, que « les dérogations au régime contentieux de droit commun ne peuvent être admises que si elles sont fondées sur des critères objectifs, en rapport direct et proportionné avec le but poursuivi, et si elles assurent des garanties égales aux justiciables, afin de respecter le principe constitutionnel d’égalité devant la justice et l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ».

Alléger les procédures et les prescriptions applicables

« Ce nouveau régime, explique Bercy dans l’exposé des motifs, contribuera plus largement à simplifier les démarches administratives des exploitations agricoles, dans un contexte de concurrence élevée au sein de l’Union européenne et à l’international ; il adaptera ainsi la nature des procédures d’autorisation, notamment concernant la consultation du public, à la spécificité des élevages et permettra la mise en œuvre de procédures administratives appropriées pour des élevages de plus petite taille, non soumis à la directive IED ou à la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de projets sur l’environnement (dite EIE). »

L’idée est ici, en réponse aux demandes des syndicats agricoles, d’éviter toute surtransposition du droit européen, d’alléger au maximum les procédures d’ouverture et les prescriptions applicables aux élevages qui n’entrent pas dans le champ des directives européennes (IED et EIE), en les soustrayant au régime des ICPE.

Il est nécessaire à cet égard de rappeler que les élevages sont la catégorie d’ICPE les plus nombreuses, même s’il est difficile de disposer de statistiques récentes en la matière. Selon le dernier bilan de l’inspection des installations classées, ils constituaient en tout cas, en 2024, le troisième secteur le plus accidentogène parmi les ICPE, du fait en particulier d’incendies et de déversements d’effluents d’élevage, et représentaient l’une des sources principales des émissions d’ammoniac dans l’air.

1. Télécharger le projet de loi Ddadue
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-47157-projet-loi-ddadue.pdf

2. Télécharger l’avis du Conseil d’État
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-47157-pjl-ddadue-avis-ce.pdf

Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef de Droit de l’Environnement

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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