Trop d’administratifs à l’hôpital ? C’est désigner un bouc émissaire et cacher les véritables causes du problème (Christophe Prudhomme)

BILLET DE BLOG 24 NOVEMBRE 2025

Christophe Prudhomme

Médecin au Samu 93

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Trop d’administratifs à l’hôpital ?

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Le RN ainsi que malheureusement un certain nombre de médecins nous expliquent que les problèmes à l’hôpital seraient dus à une administration pléthorique. Il s’agit de la même technique qu’avec les immigrés pour désigner un bouc émissaire et cacher les véritables causes du problème.

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Le RN ainsi que malheureusement un certain nombre de médecins nous expliquent que les problèmes à l’hôpital seraient dus à une administration pléthorique. Il s’agit de la même technique qu’avec les immigrés pour désigner un bouc émissaire et cacher les véritables causes du problème.

Nous avons besoin de personnels pour s’occuper de la gestion, de la logistique, de l’entretien des bâtiments et d’encore bien d’autres activités qui ne sont pas connues mais qui permettent aux personnels soignants de pouvoir bien travailler, en étant déchargés de tâches qui ne relèvent ni de leurs qualifications ni de leurs métiers. Ainsi, si les médecins n’avaient plus besoin de s’occuper de ces problèmes de gestion, ils gagneraient 20 à 25 % de leur temps de travail qu’ils pourraient alors plus utilement utiliser pour leurs patients.

Le vrai problème est que le rôle des directeurs et de l’administration des hôpitaux a changé et que leur mission a été dévoyée. Il ne s’agit plus d’assurer le meilleur fonctionnement possible du service public mais de gérer des budgets insuffisants pour accomplir correctement leur mission. En résumé, l’essentiel des discussions dans les instances avec les médecins et le personnel est de faire le point sur le déficit de l’année passée, de chercher à réduire le déficit de l’année en cours et de proposer des réductions de dépenses pour essayer de diminuer celui de l’année suivante. Donc, le véritable problème est celui du manque de ressources imposé par des lois de financement de la sécurité sociale qui ne permettent même pas de maintenir l’existant. Ils se retrouvent ainsi dans une spirale infernale où pour faire des économies, il faut diminuer le nombre de lits tout en évitant la fuite du personnel soignant et en essayant de recruter des médecins dans les spécialités où le différentiel de rémunération entre l’activité dans le public et le privé est tel que c’est une tâche quasi impossible.

Bien entendu, certains pourront citer avec raison des exemples – trop nombreux – où les directeurs se font de zélés relais des politiques gouvernementales de casse de l’hôpital avec du personnel administratif concentré sur les questions financières sans aucun égard pour les besoins des soignants.

Mais ne nous trompons pas d’ennemis même si au quotidien les relations peuvent être rudes avec les directions. La vraie question est celle des moyens nécessaires pour répondre aux besoins, ce qui implique une augmentation de ces derniers au regard du vieillissement de la population et des progrès de la médecine. Nous ne connaissons pas encore le budget des hôpitaux pour 2026 mais, quel que soit le résultat des discussions au parlement, nous savons déjà qu’il sera insuffisant tant que nous conserverons ce gouvernement. Car son choix idéologique est celui de la santé marchandise et de l’hôpital entreprise, ouverts aux appétits de financiers dont l’objectif ne sera jamais d’assurer le meilleur service public possible, mais restera toujours le meilleur retour sur leur investissement.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voir aussi

https://environnementsantepolitique.fr/2025/11/10/redonner-aux-hopitaux-les-moyens-de-se-concentrer-sur-leur-veritable-mission-soigner/

https://environnementsantepolitique.fr/2025/11/01/une-plaidoyer-pour-defendre-les-equipes-administratives-des-hopitaux-piblics/

Commentaire Dr Jean Scheffer:

Je suis d’accord avec le fond du papier de Christophe en demandant de ne pas de tromper de cible et en dénonçant les différents gouvernements qui n’accordent pas les moyens nécessaires aux hôpitaux publics correspondant aux besoins.

Cependant si on compare les effectif de personnel non soignant entre hôpitaux Français et Allemands, on est frappé par une différence significative ( 33% versus 25% en 2020*). De plus la France est le pays qui a le plus fort pourcentage de personnel non soignant en Europe

*Les hôpitaux français emploient presque 34% de personnes n’ayant aucune tâche médicale

Temps de lecture : 2 minutes

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”Ecouter”

C’est même 54% de plus que les établissements allemands, équivalent temps plein. Pour un groupe comme l’APHP, cela représenterait 1,54 mds €, ou une source d’économie d’un demi-milliard d’euro environ si l’on en revenait au taux observé en Allemagne.

Taux de personnel autres que médical ou paramédical

C’est même 54% de plus que les établissements allemands, équivalent temps plein. Pour un groupe comme l’APHP, cela représenterait 1,54 mds €, ou une source d’économie d’un demi-milliard d’euro environ si l’on en revenait au taux observé en Allemagne.

Alors que l’épidémie éprouve le monde, les hôpitaux sont particulièrement sollicités. Le personnel hospitalier est loué pour son dévouement, et même applaudi tous les soirs. Il faut dire que le manque criant du matériel le plus élémentaire rend parfois leur travail assez acrobatique, voire dangereux. Et ce sont des entreprises n’ayant souvent rien à voir avec le domaine médical qui pallient ces manques : pensons à Décathlon et son masque de plongée qui nous plonge justement dans l’absurde d’un système à bout de souffle. On entend donc déjà des appels à revoir les budgets des hôpitaux largement à la hausse. Le gouvernement va même jusqu’à limoger un responsable d’ARS qui avait l’outrecuidance de dire qu’il poursuivrait la mise en œuvre … des mesures du gouvernement.

Bref, tout va mal. Mais est-ce bien l’argent qui manque, alors que les dépenses de santé représentent 11,3% du PIB, soit le plus haut niveau de l’UE (9,8%) avec l’Allemagne ? Que ce taux a augmenté de 1 point en 10 ans ? Et qu’enfin, 32% de ces dépenses sont concentrées sur l’hôpital contre 29% en moyenne en Europe ? La théorie selon laquelle le problème se trouverait plutôt dans une mauvaise allocation des ressources n’est donc pas à négliger.

A ce propos, l’OCDE nous donne la répartition des emplois hospitaliers par fonction, dont « autre personnel employé en hôpitaux ». On se rend compte que l’importance de ces emplois en France est exceptionnelle, largement supérieure à ce qui se fait ailleurs.Taux de personnel autres que médical ou paramédical

Ce que ne cessent de dire les professionnels soignants, mais aussi de nombreux observateurs, à commencer par l’IREF, ne peut plus être négligé : la bureaucratie est un fardeau insoutenable, si ce n’est carrément un boulet. Même le président de fédération des hôpitaux français (FHF) en fait le diagnostic dans Les Echos du jeudi 9 avril.

Selon l’OCDE toujours, dans les hôpitaux français, 405 600 personnes (ETP) œuvrent à des tâches autres que médicales, soit 54% de plus qu’en Allemagne, dont la population est pourtant près de 25% supérieure à celle de la France.

Avant donc de parler de plan d’hôpital, qui ne serait que l’énième des versions que chaque gouvernement a proposées depuis plus de 20 ans, il convient de se saisir de ce problème propre à la France, à son système aussi extrêmement centralisé que complexe, de redonner aux hôpitaux leurs capacités à respirer par eux-mêmes. Avant que de réclamer à cor et à cri plus de moyens, il faut être capable de bien allouer ceux dont on dispose, dans un pays aux finances délabrées. Et fermons d’ores et déjà une mauvaise piste : non ce n’est pas de personnel soignant, que manquent les hôpitaux français qui en comptent 765 000, 25 000 de plus qu’en Allemagne malgré sa plus forte population.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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