François Sauvadet, président de Départements de France : « C’est sur le terrain, à l’échelle des départements, que se construit l’accès aux soins »
Tribune
François SauvadetPrésident de Départements de France
Dans une tribune au « Monde », l’ancien ministre estime que le dispositif des agences régionales de santé a désormais montré ses limites. Il appelle à penser les politiques de soin à des échelles plus locales.
Publié aujourd’hui à 13h00 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/11/26/francois-sauvadet-president-de-departements-de-france-c-est-sur-le-terrain-a-l-echelle-des-departements-que-se-construit-l-acces-aux-soins_6654901_3232.html
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On s’étonne de lire, dans les colonnes du Monde *, d’anciens ministres de la santé donner des leçons aux départements, tout en évitant soigneusement de regarder en face l’héritage qu’ils ont laissé. La vérité qui dérange, c’est que les Français constatent chaque jour l’effondrement d’un système de santé jadis présenté comme un modèle.
Quand près de sept Français sur dix renoncent à des soins, ou les reportent, faute de médecins disponibles, quand les maternités ferment les unes après les autres, que nos hôpitaux sont au bord de la rupture, et que la mortalité infantile ne faiblit pas, c’est qu’il est temps de dépasser les postures, et d’avoir le courage d’une réforme responsable. Ce n’est pas faire injure aux ministres signataires que de constater que les agences régionales de santé (ARS), que l’on nous présentait comme le pivot de la gouvernance sanitaire, ont montré leurs limites.
Pendant la crise du Covid-19, alors qu’il fallait agir vite, ce ne sont pas les ARS, trop bureaucratiques et déconnectées du terrain, qui ont distribué les masques, ouvert les centres de vaccination ou coordonné les soins en mobilisant les professionnels médicaux des services de protection maternelle et infantile et des services départementaux d’incendie et de secours : ce sont les départements, avec les maires.
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Dans son discours aux Assises des départements de France, le premier ministre n’a pas proposé de « démembrer les ARS », mais de remettre du bon sens dans un système devenu inopérant, en confiant aux préfets un rôle clair et aux départements une capacité de coordination concrète. On parle de rendre opérationnelle la solidarité républicaine. Car, de toute évidence, et n’en déplaise aux esprits verticaux, c’est sur le terrain que se construit l’accès aux soins, là où les départements font la preuve quotidienne de leur capacité à coordonner, innover et répondre aux besoins réels des populations.
N’est-il pas raisonnable de considérer que l’attractivité et l’implantation d’un médecin dans un bourg rural se traitent utilement avec ceux qui financent les routes, les maisons médicales, apportent la fibre, gèrent les aides sociales et discutent avec les pharmaciens de proximité ?
Echelon opérationnel incontournable
Des décisions trop lentes, des directives trop distantes, des liens ténus avec les acteurs locaux, sans parler d’une déresponsabilisation du système : voilà le mal français d’un Etat centralisateur, rétif à laisser aux collectivités l’initiative de l’action publique ; voilà la réalité d’un pilotage régalien dont on nous vante le principe inexorable, mais dont les départements n’en peuvent plus de pallier les manquements.
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Qui, au quotidien, lutte contre la désertification médicale ? Qui finance, alors même qu’ils n’en ont plus les moyens, les maisons de santé pluridisciplinaires ? Qui travaille avec les médecins sur le fameux « dernier kilomètre » de l’accès aux soins, en lien avec la caisse primaire d’assurance-maladie, en lien avec l’ordre des médecins, là où les structures de l’Etat ont prouvé leur impuissance ? Les départements, avec les communes.
Prenons l’exemple concret de la Saône-et-Loire : en dix-huit mois, le département a créé un centre de santé multisite, recruté plus de 30 médecins, ouvert 15 antennes et permis à 11 000 patients de déclarer un médecin traitant. Tout cela, avec rigueur financière et coordination locale – une efficacité que la technostructure des ARS peine à atteindre.
Les départements voient leurs obligations s’accroître chaque jour – santé, protection de l’enfance, accompagnement du handicap ou de l’autonomie – alors même que leurs ressources s’effondrent. A travers l’aide sociale à l’enfance, ils prennent en charge, sans condition, tous les enfants dont les besoins spécifiques, notamment en santé mentale, sont négligés. Et pourtant, ce sont ces mêmes départements que certains s’emploient à critiquer, comme si l’on pouvait exiger d’eux des résultats, là où l’Etat lui-même fait défaut.
La France manque de lits, de médecins, de sages-femmes, de coordination et de courage réformateur. Je concède à nos anciens ministres le droit de défendre une architecture dont ils ont été les maîtres d’œuvre. Mais suggérons-leur d’observer la manière dont les acteurs du terrain se battent au quotidien pour sauver notre système de santé.
Car c’est précisément parce que nous sommes la collectivité de la solidarité et de l’action de proximité que nos départements constituent l’échelon opérationnel incontournable pour relever ces défis : garantir un accès aux soins de qualité, pour tous, partout, sans compromis, là où l’Etat a souvent failli.
François Sauvadet est président de Départements de France et président du conseil départemental de la Côte-d’Or, ancien ministre de la fonction publique (2011-2012).
François Sauvadet (Président de Départements de France)
Voir aussi :
Dernière trouvaille des sénateurs: le transfert des attributions des agences régionales de santé (ARS) aux services régionaux et départementaux, sous l’autorité des préfets. https://environnementsantepolitique.fr/2025/07/04/63612/