Déserts médicaux : quelles sont les aides à l’installation des médecins qui fonctionnent ?
La Cour des comptes vient de se pencher sur « les aides à l’installation des médecins libéraux », dans une récente publication, à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat. Le constat : une kyrielle d’aides diverses est octroyée pour inciter les médecins à s’installer dans les zones sous-dotées. En partie inefficaces, ces aides mériteraient d’être réorganisées, selon la Cour des comptes.
Pour mener son étude, la Cour a considéré la période de 2016 à 2023.
Premier constat : « Les dispositifs d’aides sont nombreux et d’une grande diversité, s’agissant des autorités qui les accordent, des conditions posées pour les obtenir, des avantages qu’elles procurent et des conséquences qui en sont attendues pour la population. » Au total, sans prendre en compte les aides des collectivités territoriales, il existe une quinzaine d’aides recensées.
Zones d’intervention sanitaire
Parmi celles-ci, la Cour des comptes recense huit dispositifs « sur les zones d’intervention sanitaire pour réduire les inégalités ». Quatre de ces aides ont été mises en place par la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) :
- le contrat d’aide à l’installation des médecins (Caim), qui se traduit par une aide de 50 000 € versée en deux ans, en contrepartie d’un engagement du praticien à demeurer installé dans le territoire durant cinq ans ;
- le contrat de stabilisation et de coordination des médecins (Coscom), qui se traduit par le versement d’une aide de 5 000 € par an à un médecin déjà installé en zone d’intervention prioritaire, qui s’engage à y demeurer durant trois ans ;
- le contrat de transition pour les médecins (Cotram), destiné aux médecins installés en zone sous-dense proches de la retraite, pour faciliter leur remplacement à venir ;
- le contrat de solidarité territoriale médecins (CSTM), pour renforcer ponctuellement l’offre en zones sous-denses en favorisant les interventions de médecins qui n’y sont pas installés.
« En 2023, environ 4 800 médecins, dont 80 % de généralistes et 20 % d’autres spécialités, étaient liés par ces contrats avec la Cnam sur l’ensemble du territoire national, pour une dépense qui s’est élevée à 53,1 millions d’euros », établit la Cour des comptes.
L’État propose quatre autres aides dans les zones sanitaires :
- le contrat d’engagement de service public (CESP), créé en 2009 et destiné aux étudiants pour qu’ils s’installent en zone d’intervention sanitaire à l’issue de leurs études, en échange d’une bourse d’études ;
- le contrat de début d’exercice (CDE), une aide financière qui garantit une rémunération mensuelle minimale au médecin ;
- une exonération de cotisations sociales pendant 24 mois pour les médecins s’installant en zone sous-dense ;
- une exonération fiscale des versements reçus de l’assurance maladie par les médecins qui participent à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) en zone d’intervention prioritaire.
Zones de développement économique
Sept autres dispositifs sont par ailleurs applicables aux médecins dans les zones de développement économique et de soutien à l’emploi :
- dans les zones France ruralités revitalisation (FRR) et dans les zones franches urbaines (ZFU), le bénéfice non commercial des médecins (BNC) est exonéré d’impôt pendant les cinq premières années d’exercice ;
- « dans les zones à finalité régionale (ZAFR) et les bassins d’emplois à redynamiser (BER), les avantages fiscaux sont un peu moins favorables et ne concernent qu’assez peu de médecins (377), pour environ 6 millions d’euros » ;
- une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) peut être accordée par les collectivités territoriales aux médecins dans les ZRR (zones de revitalisation rurale), les ZFU et les QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville).
« Au total, les aides fiscales dont ont bénéficié en 2023 les médecins, au titre des zones de développement économique et de soutien à l’emploi, se sont élevées à près de 83 millions d’euros », analysent les rapporteurs.
15 000 médecins bénéficiaires
L’ensemble de ces 15 aides a bénéficié à 15 000 médecins et 2 000 étudiants, mais 3 000 de ces professionnels de santé ont accaparé 60 % des aides de l’Assurance maladie et des avantages fiscaux. La Cour ajoute que « les aides des collectivités territoriales sont, quant à elles, non connues précisément mais les cas examinés montrent qu’elles sont significatives ».
Dispositifs inégalement efficaces
Tous ces dispositifs sont inégalement efficaces. Ceux de l’Assurance maladie ont prouvé leur efficacité, tout comme les bourses d’études (CESP) accordées par l’État, ainsi que l’exonération fiscale perçue au titre de la participation à la permanence des soins dans les déserts médicaux.
« En revanche, les aides fiscales dirigées vers les zones France ruralités revitalisation (ZFRR, ex-ZRR) et les zones franches urbaines sont coûteuses et ne produisent aucun effet tangible dans la lutte contre les déserts médicaux. Enfin, certaines mesures proposées par l’État sont très peu mobilisées, comme le contrat de début d’exercice et l’exonération sociale pour les installations en zone sanitaire prioritaire (ZIP ou ZAC). »
Suppression
La Cour recommande en conséquence de supprimer toutes les aides fiscales, à l’exception de celle applicable aux revenus de la PDSA, et les aides peu utilisées, plaide la Cour. À noter que le contrat de début d’exercice (CDE) devrait être supprimé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026).
Globalement, ajoutent les rapporteurs, les aides financières pour l’installation de médecins dans les zones sous-dotées ont un effet limité. La possibilité de pouvoir exercer en équipes dans les maisons de santé pluridisciplinaires ou en centres de santé est autrement plus efficace pour attirer des médecins dans ces déserts médicaux. D’autres mesures semblent également plus efficaces, comme la multiplication des stages dans ces zones pour les étudiants en médecine ou encore la sensibilisation des lycéens aux études de médecine dans les zones rurales.
Schéma départemental
Ce constat pousse la Cour des comptes à reconsidérer les aides financières versées pour l’installation en zones sous-dotées. Elle recommande la définition d’un « schéma départemental d’initiatives concertées (SDIC) », qui associerait les financeurs, les collectivités territoriales, l’Assurance maladie, les représentants professionnels et les représentants des usagers, pour déterminer le déclenchement d’aides sous la forme de manifestations d’intérêt, « donnant ainsi aux praticiens potentiellement intéressés une réelle vision sur les soutiens de différentes natures qui seront rassemblés pour les accueillir et susciter des installations durables ».
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