Pour révolutionner le transport maritime, Neoline entend faire le pari de la décarbonation et de la lenteur avec son cargo-roulier

Les cargos à voiles peinent à convaincre les géants du secteur

Les cargos à voiles peinent à convaincre les géants du secteur

Par Laure Noualhat et Jérômine Derigny (photographies)

21 novembre 2025 à 09h54Mis à jour le 21 novembre 2025 à 14h43 https://reporterre.net/Fret-maritime-les-cargos-a-voiles-peinent-a-convaincre-les-geants-du-secteur

Durée de lecture : 7 minutes

Pour révolutionner le transport maritime, Neoline entend faire le pari de la décarbonation et de la lenteur avec son cargo-roulier. Un argument de vente pour certaines grandes marques, mais qui fait pour le moment peu d’émules.

Nantes (Loire-Atlantique), reportage

Deuxième rotation, sans tambour ni trompettes, pour le Neoliner Origin, cargo-roulier doté de voiles semi-rigides, incarnation d’une marine qui souhaite se décarboner. Dans la nuit de vendredi à samedi, le navire appareillera pour sa deuxième boucle commerciale : Nantes — Saint-Pierre-et-Miquelon — Baltimore — Halifax — Nantes, après avoir été réparé et bichonné suite aux tracas de sa première traversée.

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Le bateau, annoncé comme un petit bijou d’innovation lors de son inauguration à Nantes, le 13 octobre, est un cargo-roulier de 136 mètres qui s’appuie sur une technologie… vieille de 5 000 ans : la voile ! En effet, pour soutenir ses moteurs et réduire leur consommation, donc leurs émissions, Neoliner Origin est doté de deux voiles semi-rigides en matériau composite d’une envergure de 3 000 m2. Développées par les Chantiers de l’Atlantique, ces Solid Sail sont des membranes en fibre de verre insérées dans des cadres en fibre de carbone et qui se déploient le long des mâts sur près de 90 mètres de hauteur. Quand tout va bien.

Un membre de l’équipage nettoie le Neoliner Origin après ses premières sorties en mer depuis son chantier d’origine à Tuzla, en Turquie. © Jérômine Derigny / Reporterre

Car sa première traversée a été houleuse. Le Neoliner Origin est parti une première fois de Nantes, le 15 octobre, avec, en guise de baptême, un Balthazar (12 litres) de champagne fracassé sur sa coque flambant neuve. Il est arrivé à Saint-Pierre-et-Miquelon neuf jours plus tard, la faute à la tempête Benjamin, prise de plein fouet, et que les routeurs météo n’ont pas su lui faire éviter.

« Les conditions météo ont été très dures, le bateau s’est pris une dépression forte avec 55 nœuds de vent et 4,5 mètres de houle », raconte Jean Zanuttini, président de Neoline, la société de transport de marchandises à la voile qu’il a co-créée. La têtière de la voile arrière s’est cassée, empêchant le recours à la totalité du gréement [1]. Au retour, le bateau a poursuivi sa route… au moteur, avec une seule de ses deux Solid Sail déployée.

Un argument de vente

Lors de cette première transat’, Neoliner Origin a embarqué des SUVflambant neufs, mais aussi des engins de chantier, 11 000 bouteilles de champagne, du cognac, des cosmétiques, un hors-bord, et autres produits de très moyenne nécessité. Ceux que l’on appelle les « chargeurs » (Renault, Clarins, Hennessy, Beneteau, le groupe Rémy Cointreau, etc.) sont plutôt fiers de catapulter lentement leurs produits de l’autre côté de l’Atlantique. Ils ont accepté de payer 25 à 30 % plus cher pour verdir un tantième de leur chaîne logistique.

Le Neoliner Origin dispose de deux voiles semi-rigides, d’une surface de 1 500 m2chacune. Elles sont en fibres de verre et de carbone. © Jérômine Derigny / Reporterre

« C’est un signal politique autant qu’économique », signale une membre de l’équipe RSE et logistique de Clarins, entre deux verrines de céleri-rave/pomme verte. Le bateau a mis cinq jours de plus qu’un cargo classique ? Qu’importe, cette lenteur est un argument de vente, une petite révolution à 11 nœuds de moyenne (contre 15 pour les porte-conteneurs classiques) qui vient questionner la règle de la livraison à J+1, de l’immédiateté et de la gratuité, imposée par les mastodontes du e-commerce comme Amazon et consorts.

La compagnie assume le retour à la lenteur comme un « choix stratégique », selon les termes de Zanuttini. « Ce n’est pas un gadget vert, assurait-il sur le quai de l’Houmaille à Nantes, sous un ciel dégagé par des bourrasques d’automne, c’est une nouvelle façon de penser la logistique, car c’est une transition de vitesse et une ode à la lenteur. »

L’ombre du mastodonte français CMA CGM

Sur le quai, si des mots comme « innovation »« rupture » et « décarbonation » ont été avancés, dans la foule, un syndicaliste des Chantiers de l’Atlantique a fait remarquer que les bateaux verts étaient fabriqués ailleurs. En effet, le Neoliner Origin a été conçu aux Chantiers de l’Atlantique à Nantes mais construit à Tuzla, en Turquie, dans le chantier RMK Marine, dont les équipes sont ensuite venues à Saint-Nazaire pour les réparations. Une décision pragmatique, puisqu’en France aucun chantier n’a voulu — ou pu — proposer des tarifs abordables pour la construction du navire.

« Le savoir-faire est français, le chantier est turc, mais l’esprit du navire est atlantique », corrige Jean Zanuttini, visiblement rodé à la formule. Neoline insiste aussi sur la décarbonation induite par le recours au vent. A bord, les deux moteurs fonctionnent au méthanol pour les manœuvres au port, les zones de pétrole, ou les conditions météo houleuses comme celles rencontrées lors de la première traversée.

Dans les cales du cargo décarboné, de nombreux produits carbonés sont envoyés de l’autre côté de l’Atlantique. Ici, des engins de manutention. © Jérômine Derigny / Reporterre

En dehors de cela, le bateau doit être propulsé par le vent. Théoriquement, les émissions de CO2 de ce type de cargo-roulier devraient être réduites de 80 %. Mais concrètement, à ce stade, aucun chiffre à se mettre sous la voilure. « Les analyses sont en cours et nous ferons un point d’étape avec publication de données brutes d’ici un an, après une première phase de tests », assure Jean Zanuttini. Patience, donc !

Le Neoliner Origin ne naviguera pas seul : derrière ses mâts automatisés se profile une ombre massive, celle de la CMA CGM, mastodonte français du transport maritime, épinglé par Mediapartdans une série d’enquêtes, et entré au capital de Neoline à hauteur de 35 %. En apportant 5 à 6 millions d’euros dans le projet (pour un coût final de 70 millions d’euros), le groupe s’est réservé, entre autres, le choix du gréement en optant pour des voiles semi-rigides composites. L’engagement de la CMA CGM est une aubaine car la propulsion vélique n’intéresse guère les autres géants du secteur.

Atteindre une neutralité carbone en 2050

Pour rappel, la planète mondialisée fait transporter 90 % de ses marchandises sur les océans, ce qui représente 3 % des émissions mondiales de CO2.

L’organisation maritime internationale (OMI), sous l’égide des Nations unies, vise une réduction de 20 à 30 % de ces émissions d’ici à cinq ans, avant d’atteindre une neutralité carbone en 2050. Neoliner Origin apparaît donc comme un souffle timide pour la décarbonation d’un secteur qui subit les remous de la géopolitique à la sauce Trump.

Jean Zanuttini, président de Neoline, répond aux journalistes lors de la visite presse pour l’inauguration du Neoliner Origin. © Jérômine Derigny / Reporterre

En avril, les États membres de l’OMI avaient approuvé le principe d’une taxe carbone pour les navires océaniques de plus de 5 000 tonnes, avant qu’elle soit reportée sine die par les États-Unis. La feuille de route de l’OMI décline sept axes de travail allant du développement des navires zéro émission à la production de carburants décarbonés, deux à trois fois plus chers que le fioul, en passant par la sobriété des navires ou des infrastructures portuaires.

Une nano-goutte dans l’océan

D’après l’OMI, cette décarbonation devrait engloutir jusqu’à 28 milliards de dollars par an pour le renouvellement de la flotte, et environ 90 autres milliards annuels pour développer de nouveaux carburants et l’aménagement de nouvelles infrastructures portuaires ! En France, un modeste plan d’investissement d’1,5 milliard d’euros a été lancé, avec un volet spécifique dans France 2030. En novembre 2022, CMA CGM a par ailleurs annoncé la création d’un fonds privé de 200 millions d’euros pour soutenir la décarbonation des navires marchands et de pêche.

Neoliner Origin reste une nano-goutte dans l’océan des 50 000 navires engagés dans le commerce mondial, dont certains atteignent 400 mètres de long et transportent jusqu’à… 20 000 conteneurs d’un coup. Lui ne peut embarquer « que » 5 200 tonnes de marchandises, bien loin des 200 000 chargées sur les plus gros porte-conteneurs.

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Le roulier de 136 mètres compte seulement 170 navires dans sa catégorie qu’il serait aisé — quoique coûteux — de remplacer petit à petit. « C’est un navire pionnier dans cette catégorie, explique Zanuttini, nous envisageons d’en faire construire un deuxième si nous trouvons des investisseurs. Mais avant cela, nous voulons faire la démonstration de ses capacités opérationnelles et de ses avantages environnementaux. »

Le navire ne semble pour l’instant ni rentable, ni rempli. « Les cales peinent à trouver leurs cargaisons et les clients à s’engager », persifle un concurrent. Le groupe Rémy Cointreau a signé un contrat — aux clauses confidentielles — pour une expérience sur trois ans. « L’avantage de ce navire est d’être à l’échelle standard des convoyages de marchandises », précise le responsable des champagnes Telmont, fournisseur du Balthazar (12 litres) du baptême. Les surcoûts associés à la lenteur sauront-ils maintenir cet engagement dans le temps ? Pas sûr.

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Cerfs-volants, cargos à voiles… Les bateaux du futur, c’est pour bientôt

Les principaux bateaux du futur. – © Camille Jacquelot / Reporterre

Par Camille Jacquelot (dessins)Hortense ChauvinVincent Lucchese

14 mai 2024 à 09h50 https://reporterre.net/Cerfs-volants-cargos-a-voiles-Les-bateaux-du-futur-c-est-pour-bientot

Cerfs-volants des mers, cargos ailés… Pour transporter plus de marchandises en polluant moins, le secteur maritime cherche le bateau à voiles du futur. Reporterre a évalué les principales technologies en cours de déploiement.

À quoi ressembleront les bateaux du futur ? La question se pose, tant le secteur multiplie les promesses. Objectif : tenir la trajectoire climatique de neutralité carbone, que l’Organisation maritime internationale vise officiellement « avant ou vers 2050 », sans renoncer à ses désirs de croissance.

En 2019, 11 milliards de tonnes de marchandises ont traversé les océans sur quelque 100 000 navires. Chaque année, la marine marchande émet pas moins de 919 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit 3 % des émissions mondiales. Ce bilan pourrait encore s’alourdir : si rien n’est fait, les experts du secteur s’attendent à ce qu’il augmente de 50 % d’ici 2050. Le trafic maritime pourrait en effet tripler d’ici cette échéance, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Pour tenir ces perspectives de croissance fulgurante avec le changement climatique, le secteur envisage différentes solutions. Le fioul doit notamment être massivement remplacé par des e-carburant « propres », à base d’hydrogène vert, avec des volumes probablement largement surestimés, soulignait récemment Reporterre.

Autre piste largement vantée dans la communication des armateurs : utiliser l’énergie propre, gratuite et illimitée du vent pour propulser les navires. Voiles souples ou rigides, rotors et kites se multiplient avec l’ambition de réduire d’autant la consommation de carburant de la marine marchande. Environ 45 % des navires pourraient être équipés de propulsions par le vent d’ici 2050, selon l’Agence de la transition énergétique (Ademe).

Pour faire le tri de ce nouveau bestiaire de solutions véliques et de bateaux à voile du futur, Reporterre a classé et évalué les atouts des quatre principales technologies en cours de déploiement. Il en ressort une évidence : si elles constituent de précieuses alliées pour la décarbonation, aucune de ces nouvelles voiles ne pourra exonérer le trafic maritime de repenser drastiquement son organisation et ses ambitions de hausse du trafic mondial.

1- Les cerfs-volants des mers : les plus pratiques, les moins puissants 

© Camille Jacquelot / Reporterre

Les cerfs-volants sont-ils l’avenir de la marine marchande ? C’est en tout cas la thèse des promoteurs de kites, comme l’allemand Skysails, le nantais Airseas avec son projet Seawing (récemment racheté par un armateur japonais) ou encore Beyond the Sea, fondé en 2014 par le navigateur français Yves Parlier.

Leur idée est simple : tracter cargos, tankers et autres porte-conteneurs grâce à de gigantesques cerfs-volants placés à la proue des navires. Inspirée du kitesurf, la méthode a déjà été testée avec succès sur des zodiacs, des navires de course, ainsi que sur Ville de Bordeaux, un roulier de 154 mètres de long transportant des pièces Airbus. D’ici 2026, Beyond the Sea espère mettre au point une aile de 400 m2, ce qui permettrait de décarboner les marines « à beaucoup plus grande échelle  », espère son directeur général, Marc Thienpont.

L’usage d’un cerf-volant géant pourrait permettre aux cargos de réduire d’environ 20 % leur consommation de carburant. « Les kites viennent soutenir la propulsion existante. Un peu comme si quelqu’un poussait votre voiture et que vous pouviez relâcher un peu la pédale d’accélérateur », explique Marc Thienpont. Ils pourraient également être utilisés en complément sur les navires dont le vent est déjà le moteur principal, signale-t-il.

Parmi les principaux atouts des kites : contrairement aux autres types de voiles, ils n’encombrent pas les ponts des porte-conteneurs. La quantité de marchandises transportées peut donc rester la même, et les dizaines de milliers de bateaux de commerce déjà en service dans le monde pourraient les adopter sans modifier substantiellement leur architecture. Autre point positif : les cerfs-volants peuvent aller chercher le vent en altitude, là où il est plus fort et régulier. Ils peuvent également être utilisés à des allures très proches du vent. Leur fonctionnement est cependant optimal aux allures « portantes », c’est-à-dire lorsque le vent vient de l’arrière du bateau. On leur fait alors décrire des huit dans le ciel, ce qui leur crée leur propre vent et les rend encore plus efficaces.

Généraliser les cerfs-volants nécessiterait cependant — comme pour la plupart des solutions véliques — de former les marins. Les kites ne sont par ailleurs pas assez puissants pour remplacer, à eux seuls, le moteur des navires de commerce. Utilisés largement, ils seraient certes utiles pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre du secteur, mais insuffisants pour les ramener à zéro.

2- Les voiles « actives », dépendantes du moteur

© Camille Jacquelot / Reporterre

Oubliez les voiles blanches déployées au-dessus des flots. Figurez-vous plutôt de gros cylindres en métal tendus vers le ciel : voilà les « voiles actives », qui équipent déjà une vingtaine de cargos à travers le monde et continuent de se développer. On en distingue deux types : les rotors (dont l’invention remonte aux années 1920) et les profils aspirés, testés dès les années 1980 par le commandant Cousteau.

Ces deux systèmes ont en commun d’avoir besoin d’une source d’énergie extérieure pour exploiter celle du vent. Le rotor utilise l’effet « Magnus », un phénomène aérodynamique étudié depuis le XIXe siècle. Concrètement, on fait tourner cette tour de métal de plusieurs dizaines de mètres de haut à une vitesse rapide, grâce à un groupe électrogène ou un hydrogénérateur. Ce mouvement modifie l’écoulement naturel de l’air, crée une dépression et une surpression de part et d’autre du cylindre, et génère ainsi une poussée vélique. Le profil aspiré est quant à lui doté d’un ventilateur qui « aspire » le vent. Le changement de pression créé engendre, là aussi, une force propulsive.

Les promoteurs de ces solutions revendiquent de jolies économies de carburant : jusqu’à environ 25 % pour un profil aspiré et 30 % pour un rotor en conditions optimales, c’est-à-dire avec du vent de travers. Avec du vent arrière ou de face, ces systèmes s’avèrent moins efficaces. Cette difficulté peut être contournée grâce aux logiciels de « routage », qui adaptent la route en fonction des conditions météorologiques.

Principal avantage : très robustes et compacts, ces systèmes peuvent être installés sur des navires spécialement conçus pour eux, mais également en « rétrofit », c’est-à-dire sur les bateaux déjà existants. La durée de vie moyenne d’un cargo étant comprise entre 20 et 30 ans, « le potentiel de décarbonation est colossal », selon Arnaud Poitou, président de Farwind Energy, qui exploite l’énergie du vent en haute mer. À l’inverse des voiles en tissu, dont la marine marchande a « peu l’habitude », les pièces qui composent les voiles actives sont par ailleurs courantes à bord, signale Jérôme Védrenne, ingénieur recherche et développement au sein du bureau d’études Crain Technologies : « Il n’y a pas de saut technologique. En termes de maintenance, ce sont des choses que les gens du maritime savent déjà faire. »

Le moteur n’en reste pas moins indispensable à bord. « Faire du 100 % vélique avec un rotor, sur un cargo, ça me semble difficile », admet Arnaud Poitou. Les voiles actives n’influent par ailleurs ni sur la pollution sonore ni sur les collisions avec les cétacés. Déployées à grande échelle, elles pourraient rendre la marine marchande plus propre… mais pas plus rutilante.

3- Les cargos ailés, condamnés à la vitesse

© Camille Jacquelot / Reporterre

Imaginez des ailes géantes, plantées à la verticale sur le pont de cargos marchands. De telles visions commencent à se concrétiser sérieusement : rien qu’en Europe, l’aile suédoise Oceanbird ou la britannique Windwings ont récemment fait parler d’elles, de même que leur concurrente française Oceanwings. Déjà opérationnelle, l’aile géante équipe notamment le cargo Canopée, qui a transporté des éléments de la fusée Ariane 6 de l’Europe à la Guyane. Hautes de 37 mètres, rétractables, orientables, les quatre ailes de Canopée permettent au navire de 121 mètres d’être propulsé jusqu’à 40 % par le vent.

Encore plus ambitieux : le projet de porte-conteneurs Williwaw, 160 mètres de long pour une capacité de 1 300 conteneurs (la moyenne actuelle des porte-conteneurs étant autour de 4 500, le plus gros dépassant les 24 000), veut atteindre 50 % de propulsion vélique grâce à six ailes construites par Computed Wing Sail. Citons également le projet Wisamo, porté par Michelin, qui met au point des ailes gonflables et rétractables au déploiement entièrement automatisé.

Avantages : les mâts en composite et acier et les membranes en polyester de ces ailes permettent d’atteindre des dimensions bien plus ambitieuses que les voiles classiques. « Pour de telles dimensions, les voiles souples n’ont pas les propriétés mécaniques nécessaires, sont trop lourdes et nécessitent de poser beaucoup de câbles qui encombreraient le pont. Pareil si on cherche à multiplier les petites voiles pour compenser, ça prendrait trop de place. À l’inverse, les ailes sont fines, génèrent une bonne portance et peu de traînées donc peu de risque de cabaner », c’est-à-dire de se renverser, explique Nils Joyeux, fondateur de Zéphyr & Borée, qui co-affrète le navire Canopée.

Revers de la médaille : ces ailes sont moins modulables que des voiles classiques. Elles sont faites pour fonctionner très bien « au près », soit avec un vent presque de face, mais le moteur reste indispensable et tourne à plein régime dès que le vent vient de l’arrière. Les pollutions liées au moteur, sonores notamment, ne sont donc que partiellement évitées. Pour maximiser l’utilisation des ailes, le navire doit en outre avancer à vive allure, car cela accentue le « vent apparent » venant de l’avant. Cette technologie condamne ainsi à la vitesse (Canopée revendique 16 nœuds de moyenne), ce qui fait tout de même beaucoup de contraintes pour profiter de la propulsion vélique…

4- Les petits voiliers, hérauts de la lenteur

© Camille Jacquelot / Reporterre

Et si l’on revenait, vraiment, aux bateaux à voiles ? C’est le pari fait par de plus en plus d’entreprises, à l’instar de la bretonne Grain de Sail, qui affrète des navires propulsés uniquement par le vent et transportent ses marchandises à travers l’Atlantique. La principale contrainte est de taille : leur premier cargo fait 24 mètres de long. Towt, autre héraut du transport à la voile, repousse les limites avec un voilier-cargo de 80 mètres. De quoi charger 1 100 tonnes de marchandises. Un bond de géant comparé aux 50 tonnes du voilier Grain de Sail, mais encore bien loin des plus de 60 000 tonnes, en moyenne, des porte-conteneurs modernes…

Les limites mécaniques propres aux voiles souples textiles ne permettront jamais d’atteindre ce gigantisme, ni la vitesse des navires propulsés au fioul. Pour autant, ces voiliers tirent aussi profit de leur taille réduite : ils peuvent s’amarrer à des infrastructures plus petites et décharger leur fret dans des ports moins saturés que ceux réservés aux porte-conteneurs extralarges. Dépendre des vents n’est pas non plus un handicap : les alizés fournissent des vents portants réguliers et les prévisions satellitaires de pointe les aident à optimiser leurs trajectoires.

« Ce qui compte, pour les clients, c’est le délai de l’entrepôt de départ à l’entrepôt d’arrivée. Sur une transatlantique, cela peut prendre 25 à 30 jours pour une compagnie fossile et 21 jours pour nous, grâce à notre agilité d’exploitation, notre indépendance vis-à-vis des terminaux avec mégagrues de déchargement complètement congestionnées », assure Guillaume Le Grand, fondateur de l’armateur vélique Towt.

Quasiment dépourvus de moteur (Towt assume d’y recourir quelques heures sur le trajet en cas de besoin), ces petits voiliers sont imbattables d’un point de vue écologique, affichant 90 à 97 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’une baisse drastique des particules polluantes, nuisances sonores et collisions marines. Avec une limite soulevée par tous les armateurs interrogés : les cargos-voiliers ne pourront pas prendre en charge les 11 milliards de tonnes de marchandises traversant chaque année les océans. Un retour à une marine marchande durable nécessitera forcément de réduire la voilure.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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