L’Europe n’accepterait pas le Nutri-Score d’après le gouvernement

Nutri-Score : le débat sur la généralisation de l’affichage relancé lors des discussions sur le budget de la « Sécu »

Le Sénat s’apprête à débattre de l’obligation d’affichage du Nutri-Score. Le gouvernement s’y oppose en arguant qu’un tel principe contreviendrait aux règles européennes. 

Par Mathilde Gérard

Publié aujourd’hui à 08h00, modifié à 10h03n https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/11/21/nutri-score-le-debat-sur-la-generalisation-de-l-affichage-relance-lors-des-discussions-sur-le-budget-de-la-secu_6654258_3244.html

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Affichage du Nutri-Score, dans un supermarché de Nantes, en 2023.
Affichage du Nutri-Score, dans un supermarché de Nantes, en 2023.  LOIC VENANCE / AFP

Le Sénat va-t-il suivre l’Assemblée nationale et voter la généralisation du Nutri-Score, cette étiquette de notation de A à E qui renseigne sur la composition nutritionnelle des produits alimentaires ? Près de deux semaines après que l’Assemblée nationale a approuvé l’obligation d’affichage de ce logo, les sénateurs s’apprêtent à leur tour à débattre du Nutri-Score dans le cadre de l’examen en séance du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. La généralisation du Nutri-Score a déjà franchi plusieurs étapes : celle de l’Assemblée nationale, dans la nuit du 7 au 8 novembre, lorsque le dispositif a été voté contre l’avis du rapporteur et du gouvernement ; et celle de la commission des affaires sociales au Sénat, qui a rejeté un amendement de suppression de la rapporteuse générale, Elisabeth Doineau (Union centriste).

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« Je constate que la rapporteu[s]e n’a pas redéposé d’amendement de suppression pour la séance publique, ni aucun autre sénateur, note Bernard Jomier, sénateur de Paris (Groupe socialiste, écologiste et républicain) et vice-président de la commission des affaires sociales. Cela montre que les débats vont s’engager sur les modalités de la généralisation, mais qu’il y a une forme de consensus sur le principe de généralisation. »

Depuis que le Nutri-Score a été adopté officiellement par la France comme étiquette nutritionnelle en 2017, sur le principe d’un affichage facultatif, plusieurs législateurs ont tenté de faire adopter son obligation pour contraindre les industriels à afficher leurs notes. Dans le viseur de ces parlementaires : les groupes Mondelez, Ferrero ou Coca-Cola, qui refusent toujours d’apposer le logo sur leurs produits, ou encore Danone, qui l’a retiré de ses yaourts à boire lorsque leur note s’est dégradée.

Dérogation pour certains fromages et charcuteries

Mais la généralisation du Nutri-Score sur les emballages ou sur les publicités s’est jusqu’à présent toujours heurtée à l’argument d’une incompatibilité avec les règles européennes de libre circulation des marchandises. C’est à ce titre que le gouvernement s’est opposé à ce principe, à l’Assemblée nationale. « Les amendements [prévoyant la généralisation du logo] contreviennent au droit de l’Union européenne [UE] et font naître un risque de sanction sur le fondement de l’inconventionnalité », a ainsi plaidé la ministre de la santé, Stéphanie Rist, au Palais-Bourbon, le 7 novembre. « Nous sommes donc en train d’examiner des amendements qui, par nature, ne dureront pas cinq minutes du point de vue juridique », a appuyé le député du Loir-et-Cher et ancien ministre de l’agriculture Marc Fesneau (Les Démocrates).

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La question de la compatibilité avec les règles européennes fait toutefois débat. « Le traité sur le fonctionnement de l’UE autorise, dans son article 36, les restrictions à la libre circulation des marchandises quand il existe des impératifs majeurs de santé publique », insiste Bernard Jomier. La France avait d’ailleurs obtenu gain de cause au nom de cet article, contre la Commission, quand elle avait interdit, en 2020, le dioxyde de titane, un additif alimentaire cancérigène, désormais proscrit dans l’ensemble de l’UE. « Qu’on me dise que la nutrition et la lutte contre le développement du diabète, de l’obésité et du surpoids ne sont pas des impératifs de santé publique… », plaide M. Jomier.

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Concrètement, le dispositif dont vont débattre les sénateurs n’est pas directement une généralisation du Nutri-Score. Pour que la mesure ne soit pas écartée comme cavalier législatif, sans rapport avec l’objet du texte discuté – le budget de la Sécurité sociale –, les députés qui ont introduit ces amendements ont prévu de taxer les entreprises qui n’afficheraient pas le logo à hauteur de 5 % de leur chiffre d’affaires hors taxe. Le produit de cette taxe serait reversé à la Caisse nationale de l’Assurance-maladie. A l’Assemblée nationale, les députés ont toutefois dû faire une concession de taille, excluant de cette obligation les produits sous « signe de qualité » comme les appellations d’origine protégée (AOP). En jeu notamment, les fromages ou les charcuteries, souvent mal notés en raison de leur teneur en gras et sel.

Pour l’équipe de scientifiques à l’origine du Nutri-Score, dont Mathilde Touvier, directrice de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm), une exemption des produits du terroir est « dépourvue de tout fondement scientifique »« Les aliments AOP sont, sur le plan nutritionnel, des aliments comme les autres », défendent ces chercheurs. Mais une partie des parlementaires a accepté cette dérogation, estimant que c’est la condition pour rendre acceptable une généralisation sur les produits manufacturés et obtenir une avancée.

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Près de 1 400 entreprises affichent aujourd’hui le Nutri-Score en France, représentant près des deux tiers des volumes de marché. L’extension du logo, qui est également en vigueur dans six autres pays de l’UE ainsi qu’en Suisse, semble toutefois marquer le pas depuis quelques années. A Bruxelles, le sujet de l’étiquetage nutritionnel, que la Commission européenne voulait généraliser durant son précédent mandat, a fait l’objet d’un intense lobbying. A la suite de la vive opposition d’industriels, soutenus par certains Etats membres, notamment l’Italie, la Commission a finalement renoncé à légiférer en la matière.

Mathilde Gérard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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