« On a reçu plus de 1 500 demandes en trois jours » : à peine ouvert, ce cabinet médical en zone rurale est incapable de répondre à la détresse des patients
Déserts médicaux, Santé, Ariège
Publié le 21/11/2025 à 07:01 https://www.ladepeche.fr/2025/11/21/on-a-recu-plus-de-1-500-demandes-en-trois-jours-a-peine-ouvert-ce-cabinet-medical-en-zone-rurale-est-incapable-de-repondre-a-la-detresse-des-patients-13063814.php
l’essentiel
Le Cabinet Médical Pyrène, fraîchement installé à Montgailhard, une commune ariégeoise proche de Foix, est déjà saturé et ne peut plus accepter de nouveaux patients. Cette situation, provoquée par l’avalanche de départs à la retraite, met les trois praticiennes face à la détresse et à la colère des habitants sans solution.
À quelques jours de l’ouverture du Cabinet Médical Pyrène à Montgailhard, Léa Dupont, Gwenaëlle Brunel et Daphné De Saint Pierre, ont les traits tirés. Cela fait plusieurs semaines qu’elles sont confrontées à des mails remplis d’insultes. La cause : le cabinet a atteint rapidement sa capacité de prise en charge de patients et renvoie de nombreuses personnes sur liste d’attente. « Très honnêtement, j’ai peur que ce type de message augmente en évoquant le sujet », s’inquiète Gwenaëlle.
Le trio ne pensait pas que l’ouverture de leur premier cabinet allait se dérouler de la sorte. « On se disait que notre démarche allait plaire. On vient dans un territoire rural, où il y a peu d’installations », rappelle Gwenaëlle Brunel, elle-même originaire de l’Ariège.

1 500 demandes en trois jours
Les trois médecins sont régulièrement critiqués de ne plus accepter de nouveaux patients. D’ici la fin de l’année, au moins cinq praticiens vont partir de Foix et de ses alentours, essentiellement pour des départs à la retraite. Or, à trois, impossible de récupérer tous les patients. « On a souhaité faire un cabinet où on puisse prendre le temps avec les patients, vraiment apprendre à les connaître et faire un suivi. On a privilégié la qualité à la quantité », souligne Daphné De Saint Pierre. « On veut juste faire de la bonne médecine », complète Léa Dupont.
Problème : l’avalanche de demandes. Le cabinet a reçu 1 500 demandes dès le troisième jour d’ouverture d’inscription. « On a lu plus de 3 000 fiches de renseignement. De cette façon, on a déjà un premier aperçu de nos futurs patients », rapporte Gwenaëlle Brunel. Très vite, il a fallu placer des personnes en liste d’attente. « L’un des principes de notre cabinet, c’est de pouvoir faire des visites à domicile. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire plus de 15 minutes de trajet aller pour aller voir quelqu’un, car cela nous bloquerait pour prendre d’autres rendez-vous », explique Daphné de Saint Pierre.
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Des patients sans solutions
C’est sur ce critère-là que les parents de Sonia ont été refusés : « Ils habitent à Ganac. On nous a expliqué que c’était hors du secteur ». Ses parents, âgés de 84 et 78 ans, sont sur le point de se retrouver sans médecin traitant. « Il doit partir à la retraite d’ici la fin du mois. On est allé à son cabinet hier et il était rempli de personnes qui viennent pour renouveler leurs ordonnances. » Dans la salle, une inquiétude partagée : comment faire sans médecin ?
« Mes parents sont certes encore autonomes, mais à leur âge, la santé peut se dégrader assez vite. Faire la route jusqu’à Saint-Girons quand on est malade pour aller voir un médecin, ce n’est pas la même chose que d’aller à Foix », développe Sonia. Sans solutions, elle a contacté l’assurance maladie pour être informée des autres cabinets disponibles.
De prochaines installations ?
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« Je ne comprends pas pourquoi les pouvoirs publics ne se sont pas saisis de la question plus tôt, alors que beaucoup de départs à la retraite étaient prévisibles », s’interroge Sonia. D’autant plus que la situation ne va pas s’arranger. D’ici la fin de l’année, au moins cinq praticiens vont cesser leurs activités. Un mouvement qui devrait se poursuivre en 2026. « Cette question du désert médical n’est pas ancienne. Nous avons une future patiente qui est sans médecin traitant depuis 2008. Elle était vraiment contente de notre installation », rapporte Daphné De Saint Pierre.
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« Mais nous ne sommes pas les seules à nous installer en Ariège ! On redirige beaucoup de personnes vers le CPTS pour qu’elles soient informées des cabinets existants sur le territoire », rapporte Gwenaëlle Brunel. La Communauté Professionnelle Territoriale de Santé travaille effectivement à trouver des solutions pour les personnes sans médecins traitants. Cependant, sans nouveaux médecins, tous les secteurs vont être saturés. Le Cabinet Pyrène, lui, a été conçu pour accueillir cinq praticiens. Deux médecins pourraient donc s’installer. « Mais ce n’est pas pour bientôt », prévient le cabinet.