Depuis l’interdiction de l’imidaclopride (néonicotinoïde), en 2018, les populations d’oiseaux sont un peu plus abondantes dans les zones qui étaient les plus traitées. 

Pesticides « tueurs d’abeilles » : l’interdiction du principal néonicotinoïde a bénéficié aux populations d’oiseaux insectivores

Une étude parue dans la revue « Environmental Pollution » montre que depuis l’interdiction de l’imidaclopride, en 2018, les populations d’oiseaux sont un peu plus abondantes dans les zones qui étaient les plus traitées. 

Par Stéphane FoucartPublié hier à 18h32, modifié à 08h37 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/11/20/pesticides-tueurs-d-abeilles-l-interdiction-du-principal-neonicotinoide-a-beneficie-aux-populations-d-oiseaux-insectivores_6654195_3244.html

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Une rousserolle effarvatte nourrit ses jeunes au nid, en Meurthe-et-Moselle.
Une rousserolle effarvatte nourrit ses jeunes au nid, en Meurthe-et-Moselle.  RÉGIS CAVIGNAUX/BIOSPHOTO

Le signal est ténu mais encourageant. Dans une étude publiée dans l’édition du 15 novembre de la revue Environmental Pollution, une équipe de chercheurs français et allemands indique qu’en 2018, l’interdiction de l’imidaclopride – le principal insecticide néonicotinoïde – s’est accompagnée, en France, d’une récupération mince mais mesurable des oiseaux insectivores. Avant l’interdiction, la différence d’abondance de leurs populations entre les zones les plus fortement traitées et les zones exemptes était de 12,7 % ; après l’interdiction ce différentiel tombe à 9 % en comparant les mêmes zones.

En clair, la différence relative diminue : sans indiquer un rebond des populations, cela signifie au moins que la fin de l’imidaclopride a eu un impact positif sur l’avifaune insectivore. Un tel résultat confirme que la chute de ces populations d’oiseaux est en grande partie causée par l’écroulement de l’étage inférieur de la chaîne alimentaire, les populations d’insectes étant les premières victimes de l’imidaclopride. En effet, les oiseaux granivores ou généralistes (capables de s’adapter à plusieurs milieux et à une diversité de sources alimentaires) ne sont pas affectés.

« Nos résultats ne disent pas qu’au total les espèces d’oiseaux insectivores rebondissent en France, mais qu’elles commencent seulement à récupérer dans les seules zones où l’imidaclopride a été le plus utilisé avant d’être interdit », prévient Thomas Perrot (Fondation pour la recherche sur la biodiversité) qui a copiloté ces travaux. Ceux-ci se sont appuyés sur la base de données de suivi temporel des oiseaux communs. Celle-ci recense l’abondance de 57 espèces d’oiseaux sur près de 2 000 sites dispersés sur le territoire hexagonal et surveillés depuis 2013.

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Les chercheurs ont croisé ces données avec les usages locaux de pesticides pour évaluer les effets de la fin de l’imidaclopride – en corrigeant leurs résultats des effets attendus des autres pesticides utilisés localement, ainsi que des données climatiques. Et ce, de manière à isoler au mieux l’effet spécifique du premier des néonicotinoïdes.

Des effets là pour durer

Ces résultats confirment de précédentes observations : en 2014, des travaux conduits aux Pays-Bas avaient montré que, dans les territoires où les rivières, les lacs et les mares affichent une concentration d’imidaclopride supérieure au seuil minuscule de 20 milliardièmes de gramme par litre, l’abondance des oiseaux insectivores chutait de 3,5 % par an en moyenne. Soit une division par deux des effectifs en une vingtaine d’années.

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« Une récupération faible après une telle interdiction est cohérente avec ce que l’on attend de populations d’oiseaux exposées à des usages à long terme de pesticides persistant, écrivent les chercheurs. Par exemple, les populations d’oiseaux ont mis plus d’une décennie à récupérer après la fin du DDT et des délais semblables ont été observés pour les insectes. »

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Célèbre insecticide interdit dans ses usages agricoles dans les années 1970 un peu partout dans le monde, le DDT avait conduit à la quasi-disparition de plusieurs espèces d’oiseaux, aux Etats-Unis notamment. Cependant, sa létalité pour les insectes est considérablement plus faible que celle de l’imidaclopride. La toxicité aiguë de ce dernier pour l’abeille domestique est plus de 8 000 fois supérieure à celle du vieil organochloré.

Les effets de l’imidaclopride sont là pour durer bien après son interdiction : non seulement il se montre particulièrement persistant dans l’environnement, mais on le retrouve sur des parcelles et des habitats semi-naturels (haies, bosquets, etc.) où il n’a jamais été utilisé. Des travaux publiés en septembre 2020 par les équipes de la Zone Atelier Plaine et Val-de-Sèvre (CNRS, Inrae, université de La Rochelle) ont ainsi montré que le plus courant des néonicotinoïdes comptait parmi les quatre substances pesticides les plus fréquemment retrouvées dans les zones jamais traitées. Les chercheurs relevaient que 80 % des vers de terre testés présentaient des résidus d’imidaclopride, parfois si élevés que les chercheurs estiment qu’il s’y bioaccumule. Et qu’il est donc en circulation dans l’environnement pour longtemps.

Stéphane Foucart

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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