L’alerte de 11 ex-ministres de la santé : « Le démembrement des ARS voulu par Sébastien Lecornu va à rebours de ce que l’on doit construire aujourd’hui »
Tribune
Le projet du premier ministre visant à confier aux départements une partie des tâches des ARS aboutirait à affaiblir la qualité de la prise en charge des Français, estiment, dans une tribune au « Monde », d’anciens ministres de la santé d’horizons politiques différents.
Publié hier à 12h30 Temps de Lecture 4 min.Offrir l’article Lire plus tard Partager
En annonçant, devant les Assises des départements de France, vouloir démembrer les agences régionales de santé [ARS],le premier ministre met en cause la cohérence des politiques de santé et d’accès aux soins. Les ARS sont devenues le punching-ball récurrent de gouvernements qui pensent ainsi montrer leur détermination à faire bouger les lignes. Nous pensons indispensables aujourd’hui de réagir.
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Nous venons d’horizons politiques différents, certains de nos désaccords sont profonds. Mais comme ministres de la santé, nous avons piloté le réseau des ARS et une conviction nous anime : la santé est un sujet régalien, qui appelle une mobilisation collective face aux multiples défis auxquels nous sommes confrontés. Seul l’Etat peut être le garant des coalitions d’acteurs nécessaires à son efficacité. Certes, la différenciation des politiques publiques en fonction des territoires est indispensable et d’ailleurs déjà à l’œuvre. Elle est certainement perfectible, mais le schéma esquissé par le premier ministre aboutirait à affaiblir la qualité de la prise en charge de nos concitoyens.
Les ARS sont nées en 2010 du constat que le système de pilotage de la santé était défaillant, éclaté entre l’Etat – notamment sous la responsabilité des préfets –, les départements et l’Assurance-maladie. C’est l’ambition de coordonner ces actions tout en permettant la prise en compte des spécificités territoriales qui a conduit à leur création. Nous croyons fermement que cette ambition reste nécessaire, même s’il faut la faire évoluer pour être plus proche du terrain, en sachant déroger parfois à certaines normes nationales. Depuis plusieurs années des évolutions importantes sont d’ailleurs intervenues en ce sens.
Ce qu’a dessiné le premier ministre est à rebours de nos convictions communes car, au lieu d’unifier les politiques de santé, il propose de les éclater.
Incompréhension
D’abord, la santé et le social sont au cœur des missions de l’Etat. Cinq ans après l’épidémie de Covid-19, ce serait un grave contresens de considérer par exemple que notre sécurité sociale ou notre système de santé ne sont pas au cœur de la résilience de la nation. Et on ne voit pas comment les préfets, qui rendent compte au ministre de l’intérieur, pourraient mieux répondre à ces défis spécifiques. D’ailleurs, les ARS ne sont pas des principautés indépendantes mais un outil de l’Etat : tous les jours, leurs responsables échangent avec les préfets (comme le font les recteurs pour l’éducation), et avec les élus locaux, et tentent de trouver les solutions aux problèmes des Français. Imaginer qu’en matière de santé l’échelle pertinente serait le département est une erreur : sur certains sujets seules les communes ou les intercommunalités sont les bons interlocuteurs, sur d’autres seule une organisation à l’échelle régionale ou nationale est pertinente, sauf à accepter l’institutionnalisation d’une médecine à plusieurs vitesses, en raison des différences de moyens d’un département à l’autre et des inégalités sociales dans la population.
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Ensuite, le discours devant les présidents de conseils départementaux semble défendre l’idée que les politiques de santé peuvent s’éclater entre santé environnementale, soins de premier recours, prévention, hôpital ou encore médico-social. Cette approche est très préoccupante au moment même où, partout dans le monde, et en France depuis des années – jusque dans des prises de position sans ambiguïté du président de la République –, c’est l’approche globale dite « one health », une seule santé, qui s’impose, avec une vision coordonnée des acteurs pour des parcours de soins plus efficaces. Saucissonner les approches serait un recul par rapport à ce que nous avons tous porté, notamment le lien indissoluble entre soins et prévention, ou entre médecine de ville et hôpital. C’est une incompréhension de ce que doit être la médecine de demain pour répondre aux besoins des Français.
Il faut également s’interroger sur la dévolution aux départements d’une compétence en matière de « planification des soins de proximité ». Imagine-t-on les départements prendre la main sur les politiques d’incitation à l’installation des professionnels libéraux ? Réguler le premier accès aux urgences, car l’accès aux soins de proximité c’est aussi l’hôpital ? Imagine-t-on que communes et intercommunalités ne sont pas des acteurs majeurs de ces dynamiques locales ?
De plus, et c’est grave, en évoquant un transfert d’une part de contribution sociale généralisée et l’attribution parallèle d’une compétence santé aux départements, le premier ministre rompt avec un principe majeur de la Sécurité sociale de 1945 qui inscrit la « Sécu » comme un système complet de protection sociale garanti par la solidarité nationale. Imagine-t-on les inégalités territoriales qu’une telle approche pourrait induire, les effets de clientèles, de baronnies locales ?
Vision simplificatrice
Est-on si sûrs d’ailleurs de vouloir prendre pour modèle les politiques médico-sociales des départements tel qu’elles fonctionnent aujourd’hui : les parents d’enfants atteints de handicaps ont-ils une expérience exceptionnelle du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées? L’aide sociale à l’enfance n’est-elle pas aujourd’hui dans une situation intolérable et, en tout cas, marquée par de criantes inégalités d’un département à l’autre ? Il n’est pas question d’accabler les départements, l’Etat a également une grande responsabilité, mais ajouter une nouvelle responsabilité aux départements sans la moindre expérimentation préalable relève plus de l’idéologie que d’une politique publique. La décentralisation, tout comme la santé des Français, mérite mieux que cette vision simplificatrice du système de santé.
Enfin, quand le premier ministre évoque l’idée de transférer le financement du « bâtimentaire » des hôpitaux de proximité aux conseils départementaux, on peut se demander si, en vérité, la réforme envisagée ne cède pas à l’illusion qu’il suffit de beaux locaux pour attirer les professionnels, permettant de belles inaugurations. Alors qu’une politique de santé attractive et efficace, ce sont d’abord des coopérations entre professionnels, des pratiques nouvelles, des organisations innovantes.
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On l’aura compris, le sujet de la transformation des ARS serait presque secondaire s’il ne renvoyait à une vision des politiques de santé qui nous paraît à rebours de ce que l’on doit construire aujourd’hui.
Nous ne sommes pas des défenseurs béats du fonctionnement actuel des agences et sommes prêts à soutenir des transformations, des adaptations, des simplifications. Mais nous refusons que ce noble objectif aboutisse à la négation d’une politique de santé globale, moderne, au service des besoins de plus en plus complexes de nos concitoyens.
Les agences régionales de santé gèrent un des sujets les plus imbriqués de toutes les politiques publiques. Prétendre que l’on pourrait demain ordonner tout cela comme un jardin à la française, à chaque institution correspondant une seule compétence, c’est au fond céder aux sirènes d’un populisme qui ne produira aucune amélioration pour la santé de nos concitoyens.
Roselyne Bachelot (2010-2012), François Braun (2022-2023), Agnès Buzyn (2017-2020), Geneviève Darrieussecq (2024), Claude Evin (1988-1991), Agnès Firmin Le Bodo (2023-2024), Yannick Neuder (2024-2025), Aurélien Rousseau (2023), Marisol Touraine (2012-2017), Frédéric Valletoux (2024) et Olivier Véran (2020-2022) sont toutes et tous anciens ministres de la santé.
Le projet de réforme des agences régionales de santé met le monde hospitalier en alerte
Le premier ministre, Sébastien Lecornu, a évoqué, vendredi 17 novembre, la possibilité de confier aux départements une partie des tâches des « ARS », centrales dans l’organisation territoriale des soins.
Les jours des agences régionales de santé (ARS) sont-ils comptés ? Les déclarations du premier ministre, Sébastien Lecornu, en clôture des Assises des départements de France, à Albi (Occitanie), vendredi 14 novembre, semblent aller en ce sens. Elles ont beau avoir été prononcées alors que le vote du budget 2026 est incertain et que le maintien du gouvernement n’est pas assuré, elles provoquent déjà des remous dans le monde de la santé.
Et pour cause, le changement pourrait être majeur à l’échelle du système de santé. Intervenant devant un parterre d’élus et de ministres, Sébastien Lecornu, lui-même ancien président du département de l’Eure, a plaidé pour un transfert de prérogatives essentielles en santé, en direction des préfets d’une part, des conseils départementaux de l’autre. « Je pense que le temps est venu de réformer en profondeur les agences régionales de santé, d’affirmer la part régalienne du sanitaire, les analyses de l’eau, la gestion des grandes épidémies » et de « permettre aux préfets d’en être les responsables ». Autrement dit, de réduire le rôle de ces 18 agences, créées avec la loi « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) de 2009.
Première ligne face au Covid-19
Ces structures, qui emploient quelque 8 000 agents, sont responsables de l’organisation territoriale de la politique de santé, du pilotage et de la régulation de l’offre de soins, mais aussi de la veille et de la sécurité sanitaire, ainsi que de l’anticipation et de la gestion de crise, en lien avec les préfets. Elles se sont retrouvées en pleine lumière – et sous le feu des critiques – lors de la crise provoquée par le Covid-19, où elles étaient en première ligne de la gestion de l’offre hospitalière, du dépistage, des masques, ou encore de la campagne de vaccination. Leur suppression fait partie des mesures inscrites de longue date au programme du Rassemblement national.
Le chef du gouvernement a esquissé, vendredi, une autre piste, de décentralisation, sous la forme d’une question : « Comment peut-on expliquer que la planification des soins de proximité soit encore gérée par une agence régionale, là où les conseils départementaux, [qui] ont accompli ces dernières années les maisons pluridisciplinaires de santé, peuvent le faire ? » En creux, c’est la responsabilité du bâti des hôpitaux de proximité, ou encore le médico-social, qui pourrait revenir aux départements. « Au moment où il faut faire France Santé sur la même logique que France Services (…), on voit bien que c’est la structure départementale qui pourra la mettre en œuvre et la planifier », a encore affirmé Sébastien Lecornu, en référence à son projet de labellisation d’une offre de soins de proximité de 5 000 structures, défendu lors de son premier déplacement officiel le 13 septembre.
Initiative d’anciens ministres
Sur le terrain, les réactions ont été immédiates et traduisent déjà une forte inquiétude. Les trois conférences hospitalo-universitaires (directeurs généraux, présidents de commission médicale d’établissement et doyens de médecine) ont exprimé, dans un communiqué commun lundi 17 novembre, leurs craintes face à cette hypothèse de « fragmenter encore un peu plus la régulation du système de santé », jugeant indispensable de « préserver » ces établissements publics, « tout en renforçant l’échelon départemental » [les ARS disposant de délégations départementales]. Les fédérations hospitalières, publiques et privées, ont réagi de façon similaire.
« Cette réforme, présentée comme une simplification, revient en réalité à éclater la santé en 101 politiques locales différentes, alerte la docteure Julie Chastang, médecin généraliste au centre municipal de santé de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). La santé deviendrait un service local, et non plus un droit national, au risque de creuser les écarts d’accès aux soins entre les territoires. » « On a du mal à voir comment cela pourrait régler les problèmes actuels, à commencer par la pénurie de médecins, de soignants… A l’inverse, on a besoin d’une régulation forte, pour une meilleure répartition de la ressource humaine », réagit le cardiologue Olivier Milleron, membre du Collectif interhôpitaux (CIH).
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La levée de boucliers dépasse le monde médical. Dans le champ politique, le député Place publique (apparenté au groupe socialiste) Aurélien Rousseau, ex-ministre de la santé, prépare une initiative conjointe avec d’autres anciens ministres, dont Roselyne Bachelot, Marisol Touraine, Agnès Buzyn ou encore François Braun et Frédéric Valletoux. « Les propos de M. Lecornu sont encore flous, mais plusieurs éléments sont très préoccupants, indique l’ancien directeur de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. Ce projet, au-delà même du démantèlement des ARS, irait à l’encontre de la nécessité d’une approche globale, allant de la santé environnementale aux soins en passant par la prévention, ce qui était l’idée même des agences régionales de santé. L’idée, ensuite, de faire passer tout le médico-social aux départements, qui toucheraient une part de la CSG, constituerait un véritable démembrement, à l’opposé de l’universalité au cœur de la Sécurité sociale. »
Opération déminage
Au ministère de la santé, l’opération de déminage a démarré avec l’envoi d’un courrier, samedi 15 novembre, signé de la ministre, Stéphanie Rist, aux directeurs d’ARS. Les orientations évoquées par M. Lecornu ont « légitimement suscité des questions au sein de vos équipes », leur écrit-elle, assurant vouloir les « associer pleinement » aux réflexions en cours.
Interrogée par Le Monde, la ministre évoque deux axes de réforme, sans pouvoir en préciser le calendrier. « Les crises récentes, sanitaires, environnementales et géopolitiques, nous rappellent que l’Etat doit parler d’une seule voix, y compris sur les questions de santé, ce qui suppose, d’une part, une articulation renforcée avec le préfet, avance-t-elle. Il y a, d’autre part, une attente de proximité, et les collectivités doivent être mieux mobilisées en ce sens. » A ce stade, on n’en sait guère plus, sinon que les mesures à venir, d’ordre législatif, pourraient être inscrites au sein du projet de loi de décentralisation qu’appelle de ses vœux le premier ministre.
Avenir des ARS et du pilotage du système de santé : 24 organisations appellent à renoncer à toute réforme non concertée (Communiqué)
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Émis par : Addictions France, AIDES, AVECSanté…

Issues d’un large spectre d’acteurs du monde de la santé (santé publique, soins primaires, élus et collectivités territoriales, promotion de la santé, handicap, addictologie, VIH/sida, surveillance et épidémiologie, santé mentale…), 24 organisations réagissent aux déclarations du Premier ministre et de la ministre de la Santé concernant l’avenir des Agences régionales de santé, et plus largement de la structuration et du pilotage du système de santé.
Elles s’élèvent contre un possible rattachement des ARS aux préfets, défendent une vision de la santé fondée sur la solidarité et l’équité territoriale et plaident pour un pilotage cohérent et renforcé des politiques de santé dans les territoires.
Elles appellent les pouvoirs publics à renoncer à toute réforme soudaine et non concertée et à engager un vaste chantier de renforcement de la gouvernance territoriale de la santé publique vers plus de cohérence, de participation et d’efficacité.
Liste des 24 organisations signataires :
- Addictions France, première association gestionnaire d’établissements en addictologie
- AFPric, Association Française des Polyarthritiques et des rhumatismes inflammatoires chroniques
- AIDES, première association de lutte contre le VIH/sida en Europe
- AVECSanté, le mouvement national d’acteurs des soins primaires en France développant les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles
- Collectif Handicaps, représentant 54 associations nationales représentatives des personnes en situation de handicap, des familles et de leurs proches
- Conseil national professionnel de santé publique, instance en charge de la formation continue des médecins de santé publique
- CUESP, Collège des universitaires en santé publique, qui regroupe les médecins des équipes hospitalo-universitaires de santé publique
- Elus, santé publique et territoires, association d’élus de communes désireux de promouvoir les politiques locales de prévention, promotion et éducation à la santé
- Emmaüs France, mouvement fédérateur des 297 groupes Emmaüs en France
- Fabrique Territoires Santé, plateforme de ressources et réseau national des acteurs de démarches territoriales de santé (ateliers santé-ville, contrats locaux de santé, CLSM…)
- Fédération Addiction, premier réseau d’addictologie en France (850 établissements et services de santé et 500 individus)
- FACS, Fédération nationale des Acteurs de la Coordination en Santé, 300 dispositifs sur l’ensemble du territoire (DAC, CLIC, DER et DSR) pour un accès fluide et équitable aux soins
- FNORS, Fédération nationale des Observatoires régionaux de la santé
- Fédération Promotion Santé, premier réseau national en promotion de la santé, prévention, éducation pour la santé et éducation thérapeutique du patient
- Fédération Santé Habitat, 80 associations gestionnaires d’hébergements en lien avec le soin
- Médecins du Monde
- Santé Mentale France, fédération de 200 adhérents agissant en santé mentale (établissements sanitaires et médico-sociaux, associations d’accompagnement, associations de personnes concernées et leurs familles, acteurs de la réhabilitation)
- Oppelia, 50 d’établissements et services dans le champ de l’addictologie et de l’intervention sociale auprès de populations précarisées dans vingt départements
- Réseau français des Villes-Santé, 121 villes et intercommunalités engagées pour la santé
- Sidaction
- SNMPMI, Syndicat national des médecins de PMI
- Société Française de Santé publique (SFSP), association savante et professionnelle regroupant 60 organisations et 500 individus
- Société Francophone de Santé et Environnement (SFSE)
- Ville de Nantes
Voir aussi:
Dernière trouvaille des sénateurs: le transfert des attributions des agences régionales de santé (ARS) aux services régionaux et départementaux, sous l’autorité des préfets. https://environnementsantepolitique.fr/2025/07/04/63612/
Réactions:
Gilbert HANGARD• Président, Élus Santé Publique et Territoires 1 j • Il Visible de tous sur LinkedIn et en dehors https://www.linkedin.com/in/gilbert-hangard-7b95b7162/recent-activity/all/
J’ai rien contre l’idée, mais comment faire ?
On nomme une mission d’enquête ?
On analyse l’efficience sur quels critères ? Le nombre de commissions, la durée des réunions, ou comme la HAS le volume de café consommé (ce n’est ironique, c’est une analogie au volume de solution hydroalcoolique pour évaluer la prévention des infections liées aux soins en établissements de santé…).
Quand on vit les méandres administratifs préalables aux autorisations d’activités et les justificatifs fumeux pour expliquer aux établissements que bien qu’ils satisfassent aux seuils d’activité et qu’ils aient les critères requis c’est un autre établissement situé à 200km qui sera autorisé et pas eux, et qu’on se rend compte que ça n’améliore en rien les délais et la qualité de la prise en charge des patients, il y a des doutes à avoir sur l’analyse des besoins réels.
Quand un deuxième scanner est refusé parce que l’établissement en dispose déjà d’un et de 2 IRM et que la « norme » est de 3 appareils radiologiques lourds, alors que les délais de scanner s’allongent au point que s’écoule un mois entre une échographie de ville et un RV de scanner pour une cholécystite aiguë.
Est-ce qu’on parle d’un raisonnement ou d’un « résonnement » administratif ?
Démanteler les ARS ? Avant de tout casser, posons enfin un vrai diagnostic.
Alors que certains proposent de supprimer ou de placer les ARS sous tutelle, une question s’impose : comment peut-on prétendre réformer la santé… en s’attaquant à ceux qui la structurent ?
Depuis des années, le système de santé souffre : manque de médecins, services saturés, inégalités territoriales qui explosent, prévention sacrifiée, santé environnementale sous-financée. Et la réponse serait de fragiliser encore davantage le pilotage territorial ?
Soyons clairs : Subordonner les ARS aux préfets, ce n’est pas moderniser. C’est transformer la santé publique en outil d’ordre public.
Transférer les compétences au département, ce n’est pas simplifier. C’est créer un patchwork inégalitaire où la qualité des soins dépendra de la richesse locale.
Les affaiblir, ce n’est pas réformer. C’est prendre le risque d’un effondrement silencieux de la cohérence sanitaire nationale.
Pendant ce temps, les questions essentielles restent sans réponse :
– Comment réduire les inégalités de santé ?
– Comment renforcer la prévention, pourtant vitale ?
– Comment faire face au vieillissement, aux crises sanitaires, aux enjeux climatiques ?
– Comment garantir les mêmes droits en santé partout, du rural à l’ultramarin ?
On ne soigne pas un système malade en cassant ses os porteurs.
Les ARS ne sont pas parfaites — aucune institution ne l’est. Mais elles sont aujourd’hui le seul espace où se rencontrent soin, médico-social, prévention, santé environnementale et réponse aux crises. Les affaiblir, c’est casser la colonne vertébrale sans savoir comment on fera tenir le corps.
Ce qu’il faut ?
– Une refondation réfléchie, pas un mikado institutionnel improvisé.
– Une vision à long terme, pas une réaction politique à court terme.
– Une loi de programmation solide, ambitieuse, concertée.
– Et surtout : de la cohérence.
Parce qu’on ne joue pas avec la santé publique.
Parce qu’on ne laisse pas les territoires fragiles devenir les oubliés de demain.
Parce que la santé n’est pas un domaine où l’on expérimente “pour voir”.
Avant de toucher aux ARS, posons-nous la seule question qui vaille : voulons-nous un système de santé plus juste, plus fort, plus résilient — ou simplement un système plus facile à contrôler ?
Benoit Godiard • 2e
Pr. agrégé de sciences médico-sociales
Décentraliser et orienter par exemple le médico-social vers un opérateur tel que le département ne se résume pas à créer des inégalités et à considérer que l’offre se résumera à des écarts entre riches et pauvres. Il y a des mécanismes législatifs de peréquation et des dispositions (améliorables, si par exemple on parle du point GIR ). C’est toujours très intriguant dans ce pays de lire que l’Etat central serait le garant de l’équité, et la décentralisation un épouvantail d’inégalités. Pourtant les exemples ne manquent pas : sur l’éducatif et sa centralisation / déconcentration via les Rectorats ( qui ne restent que des antennes du ministère ) on pourrait par exemple se questionner sur le coût / bénéfice d’une organisation aussi centralisée face à l’augmentation des inégalités scolaires entre territoires. L’expertise ne garantit pas le resultat. Pour le médico-social et la santé, de très nombreux pays (Scandinaves au Japon) ont opté pour des responsabilités locales en santé, non pas inégales, mais spécifiques à chaque territoire. Subordonner des établissements médico-sociaux à deux tutelles et multiplier les couches administratives n’a pas participé à clarifier le secteur du grand âge et son attractivité par ailleurs.
Olivier Gigon • 2e
Je pense pour ma part que le système ARS ne fonctionne pas parce qu’il ne profite pas des moyens préfectoraux et compte sur les directives nationales via l’HAS aux ordres du ministère ! C’est une fausse décentralisation qui a été de plus bâclée. Je suis d’accord pour ne pas casser ou remplacer sans une stratégie claire avec une vision à long terme… on navigue à vue et on anticipe rien !
ascal Perez • 2e
P+PARTNERS, l’audit des affaires publiques Consul h. de Malte à Nice
Le recrutement consanguin d administratifs est plus toxique que l’organisation. On peut changer l’organisation mais sans changer l’eau du bocal il est vain d’espérer autre chose que de la bureaucratie arrogante.
Claude DHARCOURT • 3e et +
Cabinet ministre chez Ministère de l’Intérieur
Non vraiment je ne pense pas que l idée soit de contrôler et de « fliquer » si c’est ce que vous sous entendez du reste les préfets ne sont pas demandeurs du sujet. Le fond du sujet c est que les élus et notre pays ne sont pas à l’aise avec le système des agences. Nous sommes un pays de notables (les préfets et les élus en sont) et les agences sont qq chose d hybride qui ne rentre pas dans notre schema historique. Cela explique que les ars soient devenus une sorte de totem surtout pour les sénateurs (cf la position de l ancien ministre de l intérieur). Le système sanitaire a besoin de se restructurer : c est un sujet très complexe. cela ne peut se faire au niveau départemental et il faut pour cela une expertise que seules les ars ont. Il serait stupide de les faire disparaître et du reste le discours d Albi n en dit rien. Pour ce qui est du medico social (en tous cas des ephad) et des soins de proximité c’est une autre histoire.
Gilles COULON • 3e et +
Directeur du Dispositif départemental Travail Protégé UNISAT 61
Certes votre point de vue est entendable par contre l’ARS n’est pas en soit une finalité garantissant une même écoute, une même prise en compte sur l’ensemble du territoire puisqu’elle est aussi régionalisée avec ses avantages et surtout ses inconvénients entre autre de ne pas disposer des mêmes moyens d’une région à l’autre, de se concentrer non pas sur les besoins des personnes mais plus une approche géographique liée à des bassins plus « privilégiés » que d’autres notamment plus ruraux.
Ce qui est aussi particulier est cette répartition (au moins dans le médico-social) d’ESSMS avec des AT soit du département (également + ou – doté et piloté par une instance politique donc potentiellement instable ou subjectif), soit de l’ARS alors que le parcours de la personne peut l’amener à dépendre des financements octroyés par l’une et l’autre autorité. Cela appauvrit les moyens, les compréhensions, les dialogues (lorsqu’il y en a) et ne garantit pas non plus une égalité sur l’ensemble du territoire français.
La question d’une réforme (pas Serafin merci !) se pose sur une nouvelle articulation à trouver et à partager ….