Les leviers à actionner pour décarboner le secteur de la pêche de manière efficace.

Une étude inédite lève le voile sur l’empreinte carbone de la pêche

Le think tank The Shift Project et l’association Bloom publient un bilan carbone complet du secteur de la pêche. Un exercice inédit qui éclaire sur les leviers à actionner pour décarboner ce secteur de manière efficace.

Gouvernance  |  17.11.2025  |  https://www.actu-environnement.com/ae/news/etude-bilan-carbone-peche-francaise-bloom-shift-project-47087.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8Mzg5Mg%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

F. Roussel

Une étude inédite lève le voile sur l'empreinte carbone de la pêche

© TéoL’étude livre de premiers chiffres en fonction des engins de pêche utilisés.

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C’est un état des lieux assez inédit que viennent de publier l’association Bloom et le laboratoire d’idées The Shift Project. En appliquant la méthodologie du bilan carbone pour la première fois à la flotte de pêche battant pavillon français, The Shift Project poursuit son travail scientifique d’évaluation de l’empreinte carbone de plusieurs secteurs économiques.

1,1 million de tonnes de CO₂ 

sont émises chaque année par la pêche française.

Ce travail de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, basé sur les données de 2022, couvre la partie productive du secteur de la pêche, soit l’ensemble des émissions générées depuis la construction des navires jusqu’à leur retour à quai, à l’exclusion de la transformation et de la distribution des produits pêchés. Selon les résultats, la pêche française émet 1,1 million de tonnes de CO₂ par an, soit 0,2 % de l’empreinte carbone du pays et un peu moins que le trafic aérien intérieur en France métropolitaine en 2023 (1,6 Mt). Les émissions directes liées à la consommation de carburant représentent 83 % du total, tandis que celles associées au cycle de vie des navires et engins (8 %) et aux fuites de gaz frigorigènes (5 %) apparaissent comme des postes secondaires.

« L’objectif est de mettre à disposition un socle de données transparentes et reproductibles, offrant une base factuelle commune pour éclairer, ultérieurement, les débats et les décisions », explique The Shift Project. Pour l’association Bloom, cette étude permet enfin « d’évaluer un angle mort des politiques climatiques françaises », ajoutant que « le secteur ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune trajectoire dédiée dans la Stratégie nationale bas carbone, malgré son poids énergétique ».

Un bilan carbone aux approches multiples

L’étude  (1) livre surtout de premiers chiffres en fonction des engins de pêche utilisés. Ainsi, selon les spécialistes, les chalutiers démersaux, laissant traîner des filets sur le fond des mers, contribuent à environ la moitié des émissions (46 %), pour 24 % des débarquements en volumes et 33 % en valeur économique. « Leur empreinte élevée s’explique par la forte consommation de carburant liée à la puissance motrice et à la nature traînante des engins utilisés », explique Bloom.

Viennent ensuite les chaluts et sennes pélagiques (filets traînants dans la colonne d’eau), avec 27 % des émissions et 37 % du poids débarqué ; les flottilles aux arts dormants (casiers, lignes et filets), avec 21 % des émissions et 18 % du poids débarqué, puis les dragues, qui contribuent à 6 % des émissions et à 20 % du poids débarqué.“ L’objectif est de mettre à disposition un socle de données transparentes et reproductibles, offrant une base factuelle commune pour éclairer, ultérieurement, les débats et les décisions ”The Shift Project

Pour représenter la pluralité des techniques, des pratiques et des échelles qui constituent des pêcheries différentes, l’étude propose aussi une analyse sous l’angle de la taille des navires. Ainsi, les navires industriels de plus de 40 mètres, soit 1 % de la flotte, sont responsables de 29 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur, pour 35 % des volumes débarqués et 19 % de la valeur économique. Tandis que les navires industriels de plus de 24 mètres représentent environ la moitié (49 %) des émissions totales de la flotte pour 3,7 % des navires, 47 % des poids débarqués et 37 % de la valeur. Pour Bloom, ces chiffres « nous éclairent sur l’écart abyssal qui règne entre les émissions des navires industriels de plus de 24 mètres et celles du reste de la flotte ».

Et si on regarde cette fois sous le prisme des volumes débarqués, il apparaît que les chaluts et sennes pélagiques, toutes tailles confondues, présentent des valeurs plus faibles (0,8 à 1,7 kg CO₂e/kg) que la moyenne sectorielle (2,2 kg CO₂e/Kg), tandis que les chalutiers de fond présentent des intensités élevées (3,9 à 4,3 kg CO₂e/kg débarqués).

Le chalutage de fond plombé par son impact sur les sols

Pour réaliser cet exercice du bilan carbone, les spécialistes ont dû adapter la méthodologie au secteur de la pêche. À la place du poste lié à l’utilisation des terres, leur changement et la forêt (UTCF), un facteur associé aux écosystèmes terrestres et difficilement transposable au milieu marin, les spécialistes ont intégré la perturbation du cycle du carbone sédimentaire. « Cette adaptation vise à refléter plus fidèlement l’impact du secteur sur le potentiel de séquestration de la pompe biologique de carbone océanique », explique The Shift Project. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les résultats obtenus pour le chalutage de fond qui, en abrasant les sols, déloge le carbone stocké dans les sédiments marins.

« Selon l’estimation la plus fiable, ces émissions représenteraient 8 % des émissions de la pêche et jusqu’à 44 %, selon l’estimation la moins conservatrice, ce qui en fait, peu importe l’hypothèse retenue, le second poste d’émissions de la flotte, derrière l’utilisation de carburant », résume Bloom. Pour l’association, qui dénonce les impacts délétères du chalutage de fond depuis de nombreuses années, cette étude est une nouvelle pierre ajoutée à son argumentaire : « Ce constat devrait inciter à repenser les politiques publiques et à réorienter les soutiens vers les pratiques de pêche les plus durables. À l’inverse, aujourd’hui, le chalutage de fond est le premier bénéficiaire des subventions publiques. »

Le Shift Projet précise toutefois que la perturbation de la pompe biologique de carbone est une dimension encore peu explorée, et doit être enrichie. Le groupe de réflexions va d’ailleurs mettre à disposition la feuille de calcul développée dans le cadre de ce travail, avec la base de données associée à destination des acteurs de la planification économique et politique.1. Télécharger le rapport de Bloom et The Shift Project : Bilan des émissions carbone de la pêche<br />française : Premiers résultats, de la construction des navires au retour de pêche. 
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-47087-bilan-carbone-peche-bloom-the-shift-project-novembre-2025.pdf

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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