Le virage « à droite toute » d’une grande partie des Marseillais juifs
Les répercussions du conflit à Gaza et le poids d’un antisémitisme vécu au quotidien rapprochent toujours plus les juifs phocéens de la droite et de l’extrême droite locales, Traditionnellement pourtant, la communauté juive marseillaise comptait des représentants sur l’ensemble de l’échiquier politique.

La gauche marseillaise a-t-elle perdu le vote de ses concitoyens juifs ? A cinq mois des élections municipales des 15 et 22 mars 2026, le virage « à droite toute » d’une grande partie d’une communauté estimée à près de 70 000 personnes fait peu de doute. Les relations entre les instances représentatives israélites et le Printemps marseillais, coalition de gauche, écologiste et citoyenne qui dirige la ville depuis 2020, sont crispées. Et l’idée que Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN) sont les seuls partis « amis » de la communauté est largement partagée en son sein, jusque chez les plus hauts responsables locaux.
« Nous restons une communauté plurielle, où les institutions sont diverses et ne représentent pas tout le monde », veut croire Evelyne Sitruk, présidente du renommé centre culturel Edmond-Fleg. « Mais, aujourd’hui, c’est sûr que la gauche a un effet repoussoir pour une majorité de juifs marseillais », constate, troublée, cette ancienne colistière du socialiste Patrick Mennucci. « C’est un enfer d’être de gauche dans la communauté », confirme le conseiller régional écologiste Christophe Madrolle (Union des centristes et des écologistes), dont le grand-père a été déporté à Auschwitz (Pologne).
Mi-octobre, le nom du maire, Benoît Payan (divers gauche), a été hué à la grande synagogue de Marseille lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes de l’attaque du 7 octobre 2023. Un mois plus tôt, l’édile s’était déclaré indisponible pour assister au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives (CRIF) Marseille-Provence. Une absence qu’il a expliquée, sur BFM-TV Marseille, par sa volonté de ne pas « entendre des gens qui glorifient la guerre menée à Gaza ». La phrase a fait polémique. Et, aujourd’hui, l’édile ne souhaite plus la commenter. « Je croise des membres de la communauté qui ont peur et pensent que la municipalité ne les protège pas… J’essaie de leur expliquer que c’est faux », constate, effarée, Olivia Fortin, la maire (Printemps marseillais) du 4e secteur, où vivent de nombreuses familles juives.
« Rétractation de la communauté »
Traditionnellement, la communauté juive phocéenne comptait des représentants sur l’ensemble de l’échiquier politique. Sous Jean-Claude Gaudin, maire (UMP, puis LR) de 1995 à 2020, droite comme gauche n’oubliaient jamais de faire de la place à des élus issus de son sein. L’ancienne conseillère municipale socialiste Annie Levy-Mozziconacci (2014-2020), d’origine juive tunisienne, se souvient alors d’un CRIF « où les courants politiques étaient tous représentés », mais, surtout, « qui fermait la porte à tout dialogue avec l’extrême droite ».
Les massacres terroristes du Hamas et les répercussions de la guerre menée par le gouvernement israélien de Benyamin Nétanyahou à Gaza ont tout chamboulé. « Les juifs marseillais se sentent lâchés par le reste de la ville, isolés. Même moi qui ai été biberonnée à l’idée qu’il fallait un Etat palestinien à côté d’Israël, j’ai eu l’impression d’être abandonnée par mon propre camp politique », assure-t-elle. « On assiste à une rétraction de la communauté. Et beaucoup d’entre nous se sentent perdus, orphelins d’une gauche républicaine, comme pouvait l’incarner [l’ancien ministre de François Hollande]Bernard Cazeneuve », constate Hagay Sobol, ancien élu socialiste et professeur de médecine.
Depuis 2023, le malaise se nourrit quotidiennement d’événements nationaux comme locaux. L’absence d’Emmanuel Macron à la marche contre l’antisémitisme à Paris, en novembre 2023, ou sa reconnaissance de l’Etat de Palestine, en septembre 2025, avant la libération des otages israéliens ont blessé. Les défilés hebdomadaires de soutien à Gaza autour du Vieux-Port et les positions de La France insoumise (LFI) et de ses têtes de pont marseillaises, les députés Manuel Bompard et Sébastien Delogu, dont la notoriété a bondi lorsqu’il a brandi un drapeau palestinien à l’Assemblée nationale, fin mai 2024, sont vécus comme des coups répétés.
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Si, dans Marseille, les agressions physiques restent contenues – autour de cinq par an selon des sources policières –, « l’antisémitisme de trottoir », comme le définit le CRIF, a bondi comme partout en France. On recense une dizaine de plaintes annuelles pour violences verbales, le double pour des tags et des dégradations à caractère antisémite. En ville, écoles, lieux de culte et établissements culturels juifs sont sous surveillance constante.
« Sionistes, fascistes »
Mercredi 29 octobre, c’est cette communauté meurtrie qui se presse dans l’agora du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Renaud Muselier, président de la collectivité, ex-LR passé chez Renaissance, a tenu à organiser un débat autour de l’antisémitisme et de ses conséquences pour, dit-il, « ramener un peu de calme, de réflexion, de discussion ».
Ce soir-là, près de 500 personnes ont répondu à l’appel. Et, dans l’assistance, les récits de discriminations dans les milieux professionnels comme universitaires sont nombreux. A l’extérieur, entourés d’un cordon policier, quelques dizaines de manifestants protestent contre un événement dont La France insoumise et le collectif juif décolonial Tsedek !, entre autres, ont demandé l’annulation. Quand ils traversent les murs, les cris de « sionistes, fascistes » crispent l’atmosphère.
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Le casting réunit des figures communautaires bienveillantes, comme l’écrivain Marek Halter ou Alain Chouraqui, président de la Fondation du camp des Milles, ancien camp de concentration devenu un lieu de mémoire, des représentants de l’Etat, dont le préfet de région, Georges-François Leclerc, nommé ce jour-là directeur de cabinet d’Emmanuel Macron. Mais aussi des pourfendeurs de l’islam radical, comme l’imam Hassen Chalghoumi. Et les critiques acharnés de La France insoumise que sont l’essayiste Rachel Khan et Amine El Khatmi, l’un des fondateurs du Printemps républicain, désormais proche du RN, qui appelle « la gauche républicaine à poser un cordon sanitaire autour de LFI ». Tous sont chaleureusement applaudis. Les seules huées viseront la sociologue Martine Cohen, directrice de recherche émérite au CNRS, lorsqu’elle invite l’assistance à ne pas toujours assimiler « l’antisionisme à l’antisémitisme ».
Dans l’entourage du président Muselier, qui soutient la candidate divers droite aux municipales Martine Vassal, on ne cache pas que l’agora vise aussi à contrer la popularité galopante du RN parmi les Marseillais juifs. Une « nuit de noces entre le RN et la communauté », comme la définit l’élu Christophe Madrolle. Le 16 septembre, pour la première fois, le candidat RN aux municipales, Franck Allisio, et deux de ses proches collaborateurs ont assisté au dîner annuel du CRIF Marseille-Provence. Une invitation lancée par un membre du conseil, l’entrepreneur phocéen Mickaël Salfati, mais qui a été validée par les instances locales. Mi-octobre, Franck Allisio était encore présent lors de la soirée commémorative à la grande synagogue.
« Aux municipales, de nombreux juifs marseillais voteront pour la liste Allisio, parce qu’ils la considèrent comme la seule réelle liste de droite », affirme Mickaël Salfati, qui a intégré l’équipe de campagne du député d’extrême droite. Déjà plusieurs personnalités communautaires, dont les adjoints d’arrondissements Jessy Nakache et Guil Darmon, élus sur les listes Vassal en 2020, soutiennent officiellement le candidat RN.
S’il assure que son passage à l’Union des droites pour la République (UDR), le parti d’Eric Ciotti, allié du RN, est d’abord dû au bilan local « décevant » de ses anciens alliés, Guil Darmon y reconnaît aussi des « raisons identitaires ». « On ne peut pas dire que Martine Vassal et Renaud Muselier ne sont pas des amis de la communauté juive à Marseille. Mais, en soutenant Emmanuel Macron, ils suivent quelqu’un qui n’a jamais exprimé sa volonté de nous protéger », dénonce l’élu, pour qui l’absence du président de la République à la marche de 2023 contre l’antisémitisme reste une « faute originelle ».
« Un choix durable »
« C’est un reproche que j’ai beaucoup entendu pendant la législative de 2024 », confirme l’ancien député Renaissance Lionel Royer-Perreaut (2022-2024). L’ex-maire du 5e secteur, longtemps élu sous l’étiquette Les Républicains, dit avoir perçu le basculement d’une partie de la communauté juive, nombreuse dans ces arrondissements du sud de Marseille, lors de sa défaite postdissolution. « Les électeurs juifs des quartiers populaires, qui m’avaient toujours soutenu, ont immédiatement voté pour le candidat UDR/RN. Les CSP+, eux, me sont restés fidèles au premier tour. Mais au second, ils n’ont pas hésité : pas question pour eux de laisser passer une écologiste alliée à LFI », analyse ce spécialiste de la carte électorale.
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« C’est un mouvement national. La grande erreur des partis traditionnels a été de penser que le RN ne pourrait jamais incarner un allié potentiel pour la communauté juive face à une extrême gauche qui la terrorise, poursuit Lionel Royer-Perreaut. Le plus dur pour eux était le premier vote. Désormais, c’est un choix durable. »
Ce constat laisse l’ex-élu socialiste Hagay Sobol dépité. « En connaissant le passé du Front national [l’ancien nom du RN], comment peut-on avoir la naïveté de penser que le RN a changé ? », interroge ce cancérologue réputé.
« Le RN n’est pas le FN. On ne peut pas rejeter indéfiniment un parti qui a aujourd’hui à l’esprit le soutien d’Israël et des juifs », a assumé, sur l’antenne de BFM-TV Marseille, Bruno Benjamin, le président du CRIF Marseille-Provence. Interviewé longuement pour cet article, cet entrepreneur marseillais au verbe radical a finalement refusé que ses propos soient utilisés, au motif que d’autres membres de la communauté avaient également été interrogés.
Sur ses réseaux sociaux comme dans ses interventions publiques, Bruno Benjamin affiche un soutien sans faille à Israël et à son gouvernement. Il dénonce la « guerre médiatique menée contre l’Etat juif » par les médias français, dont Le Monde, et loue la couverture du conflit à Gaza par la télévision israélienne I24News et les débats de la chaîne CNews. Il traite les dirigeants de LFI de « factieux » et fustige les choix d’Emmanuel Macron. Quant au maire de Marseille, Benoît Payan, il l’estime, comme sur l’antenne de BFM-TV, lancé dans une « course à l’échalote » électoraliste avec les « insoumis », pour conquérir le vote des Marseillais musulmans.
Contexte inflammable
« Il y a une injonction dans la communauté de dire que chaque fois que le maire fait quelque chose par solidarité pour les Palestiniens, il attaque Israël », déplore Evelyne Sitruk, la présidente du centre Edmond-Fleg et membre du comité directeur du CRIF Marseille-Provence. Elle-même s’est vu reprocher sa position « non unitaire », après ses critiques contre le RN dans des articles de Mediapart et de Charlie Hebdo.
Dans ce contexte inflammable, le maire de Marseille cherche des équilibres. Il s’est régulièrement exprimé sur la nécessaire libération des otages israéliens et le caractère terroriste du Hamas, et dit « suivre la position de l’Etat » sur le conflit à Gaza. Il n’a pas cédé aux députés LFI locaux lui demandant de rompre le jumelage entre Marseille et la ville israélienne de Haïfa, tout en annonçant un nouveau jumelage avec Bethléem, en Cisjordanie. Il a ignoré la demande du premier des socialistes, Olivier Faure, dont il fut proche quand il était au Parti socialiste (PS), de hisser le drapeau palestinien au fronton municipal. Pas suffisant pour éviter des critiques grandissantes, attisées par ses adversaires de droite et d’extrême droite. Les aides versées par la ville à l’UNRWA – l’agence de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour les réfugiés palestiniens –, puis à l’Unicef pour les enfants de Gaza lui valent des attaques véhémentes.
Un post sur le réseau social X, en septembre, par son adjoint Jean-Pierre Cochet (PS), évoquant un « antisémitisme fictionnel », l’a poussé, après quelques jours de mutisme, à blâmer son élu. Mais c’est surtout son absence au dîner du CRIF qui a été vécue comme une marque de défiance. « Son refus s’explique, mais la chaise vide n’est jamais une bonne politique », analyse l’ex-élu Hagay Sobol, qui a longtemps milité au PS avec le maire. « Benoît [Payan] n’a fait que renforcer ceux qui, au CRIF, disent que la gauche n’est plus un interlocuteur. Mais peut-être pense-t-il que son absence au repas rapporte plus que de s’y rendre », interroge Annie Levy-Mozziconacci, qui siégeait à ses côtés au conseil municipal jusqu’en 2020.
Dimanche 9 novembre, Benoît Payan était bien présent, accompagné de plusieurs de ses adjoints, à la cérémonie commémorant la rafle de 30 enfants juifs et de leurs mères en 1943 dans le quartier de La Verdière. S’il n’a pas été sifflé, il y a entendu les discours des représentants communautaires ciblant LFI, « parti d’extrême gauche qui attise un antisémitisme décomplexé ». Avertissement non voilé contre une hypothétique alliance municipale avec les « insoumis ». A quelques mois de remettre son mandat en jeu, le maire sortant sait qu’il n’a plus guère de temps pour restaurer un lien de confiance. Mais peut-être n’espère-t-il plus reconquérir une communauté qui le fuit.
*Le soutien inconditionnel à la politique d’Israël, instrument de normalisation du RN
Analyse
Soucieuse de débarrasser le parti d’extrême droite de son antisémitisme considéré comme le « dernier verrou » empêchant son accession au pouvoir, Marine Le Pen fait de l’appui à l’Etat hébreu un levier décisif de son opération séduction de la communauté juive française.
Au nom de la vision gaulliste des relations internationales qu’elle revendique, Marine Le Pen maintient que « la France n’a jamais à se positionner en soutien inconditionnel de quiconque ». « Jamais. » Mais, si la cheffe de file de l’extrême droite française ne dévie pas de sa neutralité dans la guerre opposant depuis plus de deux ans la Russie et l’Ukraine, elle renonce à toute indépendance dans les conflits ravivés au Proche-Orient. Qu’il pilonne la bande de Gaza contre le Hamas ou qu’il cible le Liban contre le Hezbollah, Israël bénéficie du soutien inconditionnel du Rassemblement national (RN).
Le parti présidé par Jordan Bardella n’a jamais nuancé son inébranlable appui à la politique de l’Etat hébreu au cours des douze derniers mois. Pas plus quand ses bombardements réduisaient en cendres Gaza, tuant plus de 40 000 personnes, selon le ministère de la santé de l’enclave, que quand des tirs blessaient cinq casques bleus dans le sud du Liban, entre les 10 et 12 octobre. La position des dirigeants du RN après les dégâts subis par la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) tranche avec la réprobation unanime des autres responsables politiques français, comme de plusieurs partenaires ou modèles étrangers de l’ex-Front national. « Ce n’est pas acceptable et cela viole ce qui a été établi » par les résolutions de l’ONU, a réagi la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni.
Dix jours après que la Finul a accusé les troupes israéliennes de tirer « de façon répétée » et « délibérée » sur ses positions, Jordan Bardella a consenti une timide réprobation. « Aucun pays, aucune démocratie ne peut tolérer ce type d’agression délibérée », a d’abord déploré le président du RN, lundi 21 octobre, devant le Parlement européen. Puis il a rapidement inscrit les faits dans le cadre d’« un combat légitime visant à neutraliser le totalitarisme islamiste au Proche-Orient », et renvoyé la fin du conflit à un hypothétique démantèlement du Hezbollah, posé par le RN en préalable à l’arrêt des combats.
Marine Le Pen, « bouclier » des juifs
Plus affiché que jamais, le soutien sans condition à Israël s’inscrit au cœur de l’entreprise de « dédiabolisation » menée depuis plus de dix ans par Marine Le Pen. Soucieuse de débarrasser le RN de son antisémitisme considéré comme le « dernier verrou » empêchant son accession au pouvoir, l’élue fait de l’appui à l’Etat hébreu un levier décisif de son opération séduction de la communauté juive française.
Trente ans après les saillies de son père, qualifiant les chambres à gaz de « point de détail » de l’histoire de la seconde guerre mondiale, Marine Le Pen se présente en « bouclier » des juifs de France, et même à la tête d’un parti « sioniste ». « De Jean-Marie Le Pen à Marine Le Pen, la proximité affichée avec Israël n’a jamais varié d’objectif : se normaliser à l’extérieur [des frontières] pour mieux se normaliser à l’intérieur », résume Nicolas Lebourg, chercheur au Centre d’études politiques et sociales à l’université de Montpellier et spécialiste de l’extrême droite.
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Si la magnanimité du RN à l’égard de l’Etat israélien n’est pas nouvelle, elle n’admet plus aucune limite. Même quand le territoire ciblé par l’armée israélienne compte parmi les pays amis du parti à la flamme. Dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen faisait du Liban – « cher à [s]on cœur », une « priorité » – le lieu idoine d’application de la « tradition westphalienne des relations équilibrées entre Etats souverains », promettant une France influente « dans le concert des nations », mais « sans subir ni chercher à imposer d’hégémonie ».
Vision civilisationnelle de la géopolitique
N’était-ce pas au Liban que Marine Le Pen avait, en février 2017, été pour la première fois reçue publiquement par un chef d’Etat étranger ? Elle y avait alors honoré le « lien indissoluble du sang versé ensemble », héritière d’un parti dont plusieurs anciens cadres ont participé, parfois armés, à la guerre civile (1975-1990) aux côtés des chrétiens. Ces responsables ont, pour la plupart, quitté la lumière. Et ceux qui disposent toujours de relais au pays du Cèdre refusent de critiquer la « ligne tracée par Marine ».
« La situation n’est plus la même qu’il y a vingt ans, justifie Jean-Lin Lacapelle, porte-parole du RN ayant effectué son service militaire dans les rangs de la Finul. La France a connu, depuis, les attentats contre Charlie Hebdo et ceux du Bataclan, les atteintes à la laïcité. Notre adversaire politique est l’islamisme. C’est lui qui assassine nos enfants et veut détruire notre civilisation occidentale et judéo-chrétienne. »
Marine Le Pen a beau refuser de faire sienne la théorie du « choc des civilisations », trop identitaire à ses yeux et peu conforme à sa défense présumée de l’indépendance gaullienne, son soutien absolu à Israël repose aussi sur sa vision civilisationnelle de la géopolitique. Un prisme plaçant l’Etat hébreu à l’avant-poste d’un combat mené par l’Occident pour éviter sa disparition. « Israël lutte pour sa survie et contre l’islamisme, une lutte utile, présente-t-elle. Au Liban, il reste là, concentrées, des organisations terroristes dangereuses dont la solution pacifique n’a pas entraîné l’affaiblissement mais le renforcement humain, économique et matériel. »
Dans la lutte contre l’antisémitisme dont il se prévaut en France comme dans sa défense d’Israël au Proche-Orient, le RN ne se justifie plus que par la bataille qu’il entend mener contre un même ennemi musulman. Le parti reste en cela fidèle à ses lointains fondateurs. Avant de faire étalage de son antisémitisme, Jean-Marie Le Pen, ancien lieutenant en Algérie, avait, comme d’autres nostalgiques de la guerre d’Algérie, érigé Israël en allié de circonstance contre le monde arabe. En matière de relations internationales, le RN reste plus fidèle à certains fondamentaux qu’à ses amis.