Les constructeurs veulent prolonger la vente des voitures hybrides rechargeables

Vendre des voitures hybrides au-delà de 2035, une idée qui a ses limites selon une étude

Sous le couvert de la « neutralité technologique » pour réduire les émissions du parc automobile, les constructeurs veulent prolonger la vente des voitures hybrides rechargeables. D’après l’Institut mobilités en transition, ce ne serait favorable ni pour le consommateur ni pour le climat. 

Par Publié le 12 novembre 2025 à 00h00 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/11/12/vendre-des-voitures-hybrides-au-dela-de-2035-une-idee-qui-a-ses-limites-selon-une-etude_6653057_3234.html

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Des visiteurs observent le moteur hybride de la Ford Puma présentée au Mondial de l’Automobile de Paris, à Paris Expo, Porte de Versailles, le 15 octobre 2024.
Des visiteurs observent le moteur hybride de la Ford Puma présentée au Mondial de l’Automobile de Paris, à Paris Expo, Porte de Versailles, le 15 octobre 2024.  DIMITAR DILKOFF / AFP

Les constructeurs automobiles européens n’ont toujours pas accepté la réglementation européenne qui leur interdit de vendre des voitures neuves émettant du CO2 après 2035. Ils demandent un assouplissement à la Commission européenne, qu’ils appellent la « neutralité technologique ». En clair : faciliter la vente de véhicules hybrides rechargeables d’ici à 2035 et au-delà. Réponse de Bruxelles le 10 décembre.

Est-ce toutefois une bonne idée pour le climat, pour le budget des ménages ou pour la compétitivité européenne ? L’Institut mobilités en transition (IMT), think tank de Sciences Po, en collaboration avec l’ONG berlinoise International Council on Clean Transportation (ICCT) – qui a été à l’origine du « dieselgate », en 2015, cette fraude aux émissions des moteurs diesel – et le cabinet de conseil en stratégie C-Ways, a fait une étude d’impact approfondie de cette option.

Celle-ci a beaucoup intéressé la Commission et devrait être regardée attentivement par les constructeurs. Depuis la mise en place de l’interdiction des ventes de véhicules thermiques, en juin 2022, ils reprochent à l’exécutif européen de ne pas avoir fait d’étude d’impact et de ne pas avoir anticipé les difficultés des ménages à financer le passage à l’électrique. Autoriser plus longtemps la vente des véhicules hybrides rechargeables corrige-t-il ce travers ? C’est ce que l’étude de l’IMT analyse.

Menée par Jean-Philippe Hermine, Simon Louédin et Antoine Trouche, elle va loin dans le détail. Elle prend d’abord en compte toutes les nuances de véhicules électriques et hybrides, soit six motorisations : les voitures hybrides, les hybrides rechargeables avec une petite batterie (ancienne génération), les rechargeables avec une grosse batterie (qui proposent plus de 100 kilomètres d’autonomie en tout électrique) et les nouvelles formules qui arrivent : des voitures à batteries assorties d’un petit moteur thermique, appelé prolongateur d’autonomie.

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Elle prend ensuite en compte dix profils types d’automobilistes, en se référant aux données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) : deux conducteurs de voitures de fonction, quatre ménages à hauts revenus (urbain ou rural, avec ou sans enfants), et quatre à revenus modérés. Chacun a un usage différent, faisant plus ou moins de kilomètres, avec plus ou moins de longs trajets, les ménages les plus aisés faisant davantage de longs trajets que les familles modestes.

En combinant tous ces critères, l’étude évalue les émissions de CO2 et le coût d’usage total de la voiture à l’horizon 2035 pour plus d’un millier de cas types. Et en tire une conclusion claire et nette : encourager les hybrides rechargeables et les prolongateurs d’énergie « coûterait plus cher aux usagers, notamment pour les plus modestes roulant en véhicules d’occasion anciens, et conduirait à émettre bien davantage de gaz à effet de serre et à peser défavorablement sur notre balance commerciale et notre souveraineté ». Avis défavorable, donc.

Les inconvénients se cumulent

Pour se projeter en 2035, l’étude a fait des hypothèses de prix de revient des voitures, de marge des constructeurs et de prix des carburants ou de l’électricité. « Nous avons considéré qu’il n’y avait pas d’incitations type bonus faisant baisser le prix des voitures tout électriques, que les batteries étaient produites en Europe et que leur prix restait assez élevé. Nous avons même fait un scénario où le mix électrique est celui du pays qui a le moins décarboné sa production », détaille Jean-Philippe Hermine.

Malgré cela, le résultat est sans appel. En moyenne, pour un véhicule neuf, le coût total d’utilisation est 7 % plus cher avec un véhicule hybride rechargeable par rapport à un tout électrique. C’est comme si, en faisant ce choix, on acceptait un surcoût de 0,64 euro par litre d’essence, selon l’IMT. Une prime que les automobilistes les plus aisés peuvent se permettre de payer.

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Mais lorsqu’on a moins de revenus et que l’on roule en véhicule d’occasion, les inconvénients des hybrides rechargeables se cumulent, et la facture monte. « Il y a deux moteurs à entretenir et ils ne sont plus sous garantie, note Jean-Philippe Hermine. Les voitures hybrides rechargeables ayant une plus petite batterie que les tout électriques, il faut faire plus de cycles de recharge, ce qui augmente l’usure. Elles sont aussi plus lourdes et consomment donc plus d’électricité ou de carburant. »

Tout cela combiné, le coût total d’utilisation du véhicule hybride rechargeable pour un ménage qui l’achète d’occasion revient 18 % plus cher qu’un tout électrique également d’occasion. Ce qui revient à une hausse du prix du litre d’essence de 0,92 euro par litre.

L’étude calcule aussi le bilan carbone d’un véhicule hybride rechargeable tout au long du cycle de vie, une approche défendue par Renault ou BMW. Pourtant, là aussi, le bilan est défavorable au véhicule hybride rechargeable qu’ils défendent. Il produit en moyenne 73 % de plus d’émissions que son équivalent électrique. Selon la taille de la voiture, cela varie entre 35 % et 111 % de plus, soit beaucoup plus au total que les émissions nécessaires à la production des batteries des voitures tout électriques.

L’IMT, l’ICCT et C-Ways vont un cran plus loin dans la simulation en faisant l’hypothèse que les véhicules hybrides roulent avec des biocarburants, conformément au concept de « neutralité technologique » mis en avant par les constructeurs automobiles. L’écart se réduit, mais reste favorable à la voiture électrique, de l’ordre de 23 % en moyenne, en matière d’émissions. En revanche, le coût augmente fortement.

« Paradoxal »

Petit zoom, enfin, sur la balance commerciale : un argument est souvent avancé par les partisans des véhicules hybrides ou à prolongateur d’autonomie, celui de leur moindre dépendance aux batteries, plus petites, et donc aux matériaux importés, type lithium. Réponse de la mesure d’impact : « Utiliser un SUV hybride rechargeable du segment B avec une batterie moyenne entraînerait un déficit commercial moyen de 3 566 euros dû aux besoins d’import de pétrole brut alors que le déficit dû au besoin d’import de batteries est de 1 463 euros. » Autre danger, les constructeurs chinois sont très bien positionnés technologiquement sur les voitures rechargeables comme sur les prolongateurs d’autonomie. Il n’y a en outre pas de taxe douanière sur ce type de motorisation.

Pourtant les constructeurs s’accrochent. Les Allemands ont même fait la proposition de brider les voitures hybrides rechargeables, pour que les automobilistes soient contraints de les utiliser le plus possible en mode électrique et moins en mode thermique. Un moyen pour les constructeurs d’être moins pénalisés dans les normes de réduction de CO2 sur les ventes de voitures hybrides rechargeables, et d’atteindre plus facilement leurs objectifs. De quoi permettre de vendre plus de voitures thermiques et de faire tourner leurs usines, avec des véhicules plus rentables pour eux, mais surtout moins chers pour les clients.

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Raison de plus, selon l’IMT, pour se méfier de la « neutralité technologique » et ne pas assouplir les critères d’émission des hybrides rechargeables, ni même laisser les constructeurs en vendre après 2035, mais continuer à renforcer les aides à l’achat de voitures électriques et au renforcement de l’infrastructure de recharge.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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