La France a contribué à amoindrir la valeur de l’accord européen sur le climat.

Ambition climatique 2040 : un compromis trouvé de justesse pour l’Europe 

À la veille de la COP30, les États membres de l’UE ont fini par s’entendre sur une cible climatique pour 2040, moyennant des assouplissements et des révisions possibles, ainsi que sur une CDN. Soulagement et inquiétudes se mêlent.

Gouvernance  |  05.11.2025  |https://www.actu-environnement.com/ae/news/compromis-UE-ambition-2040-47040.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8Mzg4NQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

 N. Gorbatko

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Ambition climatique 2040 : un compromis trouvé de justesse pour l'Europe

© Union européenneLa réunion du Conseil Environnement, le 5 novembre 2025, à Bruxelles.

In extremis, après une journée de débats houleux, hier, à Bruxelles, les ministres européens de l’Environnement ont fini, ce mercredi 5 novembre, par écarter l’impensable : arriver à la COP30 sans pouvoir proposer de nouvelle contribution de l’UE à l’effort climatique mondial et sans avoir rempli leurs propres obligations réglementaires, à savoir la fixation d’un nouvel objectif pour 2040, dans le cadre de la mise à jour de sa loi Climat. Finalement, les Vingt-Sept ont bien validé la cible contraignante proposée par la Commission en juillet dernier : un niveau de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) des Vingt-Sept en 2040, par rapport à celles de 1990.

 Mais ce compromis s’accompagne de toute une série de « marges de manœuvre », imposées notamment par la France, qui en amoindrissent quelque peu la valeur.

Les crédits carbone à la rescousse

Le premier de ces ajustements consiste à intégrer dans le décompte final des émissions jusqu’à 5 % de CO2 économisé via des actions de décarbonation ou de séquestration menées à l’extérieur de l’UE, grâce aux crédits carbone internationaux prévus par l’article 6 de l’Accord de Paris. Cette disposition devrait prendre effet en 2036, mais une période pilote est prévue entre 2031 et 2035. Initialement fixée à 3 %, la solution est jugée particulièrement déséquilibrée par plusieurs de nos voisins, comme l’Espagne, le Luxembourg ou l’Allemagne, mais défendue pied à pied par Monique Barbut, la nouvelle ministre française de la Transition écologique.

L’Europe pèse aujourd’hui 6 % des émissions mondiales. Dans quelques années, cette proportion sera de 4 %. Les efforts de l’UE ne changeront donc pas grand-chose au réchauffement climatique mondial, a-t-elle expliqué, hier, en réunion du Conseil. « En revanche, pouvoir mettre de l’argent dans les émissions des pays du Sud et, en particulier, dans les pays qui ont une énergie fortement carbonée, qui travaillent encore sur du charbon (…), nous permettra de faire baisser les émissions mondiales. »

“ Pouvoir mettre de l’argent dans les émissions des pays du Sud et, en particulier, dans les pays qui ont une énergie fortement carbonée (…), nous permettra de faire baisser les émissions mondiales ”Monique Barbut, ministre française de la Transition écologique

Ce sera l’occasion de normaliser et de moraliser ce marché qui n’est pas très crédible pour l’instant, renchérit Laurence Tubiana, envoyée spéciale de l’Europe à la COP. Il ne s’agit pas simplement d’une question de flexibilité, avance Monique Barbut, « c’est une question, justement, de véracité scientifique ». En juin dernier, le Conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique (ESABCC) avait pourtant recommandé une réduction de 90 à 95 % de ces émissions nettes « d’origine intérieure », donc non comptabilisées via des engagements pris à l’étranger.

Une cible un peu mouvante

Ces crédits carbone devraient également permettre aux pays du Nord de réduire leur bilan à moindre coût, puisque l’investissement nécessaire hors de leurs frontières sera forcément moins important que sur leur propre territoire où les premières mesures, les plus faciles, auront déjà été prises.

En effet, plus on avance dans le temps, plus on se rapproche de la neutralité carbone, plus la réduction de nouvelles tonnes de carbone revient cher. « La France pilote avec le Royaume-Uni et Singapour une initiative pour le développement d’un marché de crédits carbone extrêmement ambitieux sur les résultats attendus, qui non seulement a des effets sur le changement climatique, mais aussi de vrais bénéfices en termes de développement des communautés locales et de biodiversité », plaide-t-on au ministère de la Transition écologique.

Le texte prévoit aussi la prise en compte des captures permanentes de carbone dans le résultat final.

Les États membres ont par ailleurs convenu de s’appuyer sur quelques principes, comme le renforcement des mesures de simplification, le déploiement de l’innovation et des énergies renouvelables ou la neutralité technologique, autre mantra cher à la France. « C’est-à-dire de la centralité du nucléaire français, ce qui préserve nos intérêts énergétiques et industriels », précise-t-on à l’Hôtel de Roquelaure. Mais les ministres ont surtout inclu une clause de révision de la copie en cas de sous-performance des puits de carbone, une perspective plus que probable en raison des effets du réchauffement climatique sur les forêts et les océans. Le déclin des capacités d’absorption des forêts pourrait notamment faire perdre à la France entre 3 et 4 % de ses économies de CO2. Ce dispositif qu’elle qualifie de « frein d’urgence » lui garantirait l’absence de tout report de la charge vers son secteur industriel.

La pression du contexte

Le texte serait aussi réexaminé tous les deux ans pour tenir compte des avancées technologiques, du niveau de compétitivité de l’UE, de l’évolution des prix de l’énergie et de leur impact sur les industries et les ménages, dans le contexte économique difficile « des droits de douane américains et des subventions chinoises », souligné par la France. L’objectif fixé pour 2040 pourrait ainsi être « ajusté » ou complété.

Les amendements intègrent également la mise en place d’un critère de préférence européenne dans la réglementation sur les émissions de CO2des véhicules.

Enfin, ils repoussent de 2027 à 2028 l’entrée en vigueur du système d’échange de quotas d’émission de l’UE pour les bâtiments et le transport routier (ETS2), secteur le plus émetteur en termes de GES et le plus difficile à décarboner.

Si le Bureau européen de l’environnement (BEE), réseau d’ONG environnementales de l’UE, qualifie ces considérations économiques et sociales de prétexte pour « réduire l’ambition et affaiblir les règles au profit des intérêts des entreprises de quelques-uns au détriment de tous les autres », Laurence Tubiana se dit soulagée. Même si on peut toujours vouloir mieux, « les chiffres sont cohérents », souligne-t-elle.

Un accord vaut mieux que pas d’accord du tout, approuve l’eurodéputé Renew Pascal Canfin, « parce que l’absence d’accord signifierait une crise importante de la capacité de l’Europe à être un acteur important de la COP et de sa capacité à se projeter sur la décennie 2030-2040 ». S’il n’y avait pas eu d’accord aujourd’hui, avec la perspective de l’ouverture prochaine de la COP, il n’y en aurait probablement jamais eu, ajoute-t-il.

L’Europe fragilisée à la COP

Ce qui n’empêche pas Greenpeace de déplorer un objectif « largement en deçà des recommandations minimales formulées par les experts scientifiques ». Cette décision intervient alors qu’un nouveau rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), le Emissions Gap Report 2025, indique que la planète se dirige vers un réchauffement de 2,3 à 2,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, entraînant « une grave escalade des risques et des dommages climatiques », rappelle l’ONG. Le Parlement européen devra lui aussi se prononcer sur le texte. Sa commission environnement se réunira prochainement pour préparer un vote en plénière, prévu le 13 novembre, avant l’ouverture des négociations finales en trilogue.

Pour ce qui concerne la « contribution déterminée au niveau national » (CDN ou NDC) collective pour l’ensemble de l’UE, l’unanimité n’a pas pu être trouvée et c’est donc le statu quo antérieur qui a été retenu, malgré l’assurance des ministres, le 19 septembre dernier, de vouloir avancer sur cette question. Finalement, c’est bien une fourchette de baisse des émissions entre 66,25 % et 72,5 %, par rapport à celles de 1990, qui sera envoyée en guise d’engagement.

De quoi fragiliser la position de cheffe de file de l’action climatique mondiale que l’Europe rêve toujours d’endosser à la COP30.  Ces textes, « absolument fondamentaux », enverront un signal extrêmement clair à nos économies et à nos entreprises en Europe, mais également à tous nos partenaires en vue de la COP, estime le ministère français. Mais, « même la limite supérieure de cette fourchette est incompatible avec une trajectoire crédible vers la réduction de 90 % proposée pour 2040 », rétorque Greenpeace. La ligne de crête de l’UE sera étroite, admet Laurence Tubiana, le retard pris a été remarqué. « Il faudra aborder cette négociation de manière modeste et coopérative », estime-t-elle.

Nadia Gorbatko, journaliste
Rédactrice spécialisée

Les pays de l’UE trouvent un accord à l’arraché sur leurs objectifs climatiques, au prix de nombreuses concessions

Les Vingt-Sept maintiennent leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 % en 2040 par rapport à 1990, en l’assortissant de marges de manœuvre supplémentaires pour les Etats. 

Par  (Bruxelles, bureau européen)Publié hier à 10h18, modifié hier à 15h19 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/11/05/les-pays-de-l-ue-trouvent-un-accord-a-l-arrache-sur-leurs-objectifs-climatiques-au-prix-de-nombreuses-concessions_6652285_3244.html?random=2048699840

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Réunion des ministres de l’environnement de l’Union européenne, à Bruxelles, le 4 novembre 2025.
Réunion des ministres de l’environnement de l’Union européenne, à Bruxelles, le 4 novembre 2025. FRANCOIS LENOIR/EU

L’Union européenne (UE), qui a été à la pointe du combat contre le réchauffement climatique et se targue de l’être toujours, n’arrivera pas à la COP de Belem (Brésil) les mains vides. Il s’en est fallu de peu, mais les ministres de l’environnement, réunis à Bruxelles, ont évité le pire. Mercredi 5 novembre au petit matin, après près de vingt heures de négociations, les Vingt-Sept ont trouvé un accord pour réduire leurs émissions de CO2 de 66,25 % à 72,5 % d’ici à 2035 (par rapport à 1990). Il s’agit d’une fourchette large, qui manque d’ambition, mais c’était la seule susceptible d’être adoptée à l’unanimité.

A moins de quarante-huit heures du lancement de la COP, le 6 novembre, il y avait urgence. Cette réunion de la dernière chance s’annonçait d’autant plus acrobatique que le sort de la contribution de l’UE (contribution déterminée au niveau national ; NDC) à l’effort mondial de réduction des gaz à effet de serre s’est trouvé intimement lié à celui du pacte vert européen. Et qu’en l’espèce les débats ont été houleux.

Au terme de longues discussions, qui ont failli dérailler plus d’une fois durant la nuit, les Vingt-Sept ont aussi décidé, mercredi, d’une baisse de 90 % de leurs émissions nettes d’ici à 2040 (par rapport à 1990), afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050, comme ils s’y sont engagés en inscrivant l’accord de Paris dans leur loi. La cible n’est pas pure, partiellement dégradée par diverses concessions, mais elle a le mérite d’exister. Cet accord a été possible « grâce au contexte international [de la COP]. Je ne suis pas sûre qu’on aurait pu l’avoir dans trois mois ou six mois », insiste Monique Barbut, la ministre de la transition écologique.

Ambitions revues à la baisse

D’un point de vue diplomatique, il était capital pour l’Union d’arriver à la COP30 avec un engagement pour 2035. A l’heure où les Etats-Unis de Donald Trump ont décidé de se retirer de l’accord de Paris, où le multilatéralisme est mal en point et où, en Europe, la défense et la compétitivité ont relégué au second plan les thématiques environnementales, cela aurait été un « désastre » de ne pas y parvenir, prévenait, mardi, Monique Barbut.

Mais la NDC 2035 n’est juridiquement pas contraignante, quand la cible 2040, elle, l’est. Malgré les vents contraires qui soufflent sur le pacte vert européen – montée de l’extrême droite, radicalisation de la droite, décrochage économique de l’Union, offensive commerciale de la Chine ou encore protectionnisme des Etats-Unis –, les Vingt-Sept ont finalement choisi, dans la nuit de mardi, de ne pas abandonner le combat contre le réchauffement climatique.

Au passage, ils ont dû revoir leurs ambitions à la baisse et faire tomber certains totems. La proposition de la Commission, qui posait l’objectif de réduction de 90 % des émissions tout en l’assortissant déjà de flexibilités qui en amenuisaient la portée, n’en est pas sortie indemne. Des marges de manœuvre supplémentaires y ont été introduites, ainsi que des clauses de révision et un frein d’urgence. « Les compromis étaient nécessaires pour trouver une majorité », mais « nous gardons le cap sur le climat en Europe », tranche l’eurodéputé (Renew) Pascal Canfin.

Evaluation tous les deux ans

Les Etats membres ont porté de 3 à 5 points la part de l’effort de 90 % de réduction des émissions, qui pourra être réalisé à l’extérieur de l’Union. Pour Monique Barbut, ces 5 % de « crédits |carbone] internationaux » qui réduisent donc à 85 % l’effort domestique des Européens, c’est « extrêmement vertueux ». L’UE ne représente que 6 % des émissions de CO– « bientôt 4 % » –, explique-t-elle, ce qui signifie que « nos catastrophes climatiques en Europe ne sont pas liées à nos émissions européennes, mais aux émissions mondiales » et qu’il faut « travailler » sur celles-ci.

Une évaluation du texte est également prévue tous les deux ans, avec une clause de révision possible à certaines conditions. Qui plus est, face au mauvais état des forêts et des sols, ainsi qu’aux incertitudes liées à la contribution des technologies de capture de carbone, il a été convenu que l’objectif net de 2040 puisse être réduit si les puits de carbone absorbaient moins de CO2 que prévu.

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Ce n’est pas tout. Afin d’embarquer Varsovie sur la NDC 2035 et de garder Rome à bord pour l’objectif 2040, dont l’adoption nécessite la majorité qualifiée, les Européens ont accepté d’autres concessions. La Pologne a obtenu le report d’un an, à 2028, de l’entrée en vigueur du deuxième marché du carbone (dit « ETS2 », emissions trading system), qui doit concerner le logement et les transports. L’Italie, pour sa part, a fait inscrire dans le texte la possibilité que des véhicules roulant avec des carburants bas carbone puissent être mis sur le marché après 2030. Rome souhaitait ainsi imprimer sa marque au moment où la Commission s’apprête à proposer une révision du texte qui interdit la vente de voitures neuves à moteur thermique après 2035.

En réalité, les demandes polonaise et italienne étaient partagées par de nombreux Etats membres (dont la France), qui n’en faisaient pas pour autant une condition sine qua non de l’accord de mercredi matin. Du côté des proclimat, les Pays-Bas, l’Espagne ou la Suède ont bataillé ferme pour les contrer, menaçant, à leur tour, de ne pas voter un texte qu’ils jugeaient par trop abîmé. Face à la détermination du camp d’en face, ils ont fini par suivre. « On a frôlé le psychodrame », relate un diplomate européen. Avant de poursuivre : « Paris valait bien cette messe », en référence à l’accord signé dans la capitale française il y a dix ans.

Protéger l’acier européen

Sans surprise, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne et la République tchèque ont voté contre la cible 2040. Déjà confrontée aux coûts élevés de l’énergie, aux importations chinoises et aux droits de douane américains, l’industrie européenne ne peut se permettre de nouvelles contraintes environnementales, ont martelé ces pays. Mais ils ont laissé l’UE aller à Belem, avec une NDC 2035, sauvant la face de celle-ci aux yeux du monde.

Dans cette affaire, la France et l’Allemagne ont cultivé une certaine ambiguïté ces dernières semaines, qui leur a permis de gagner plusieurs batailles. Sans s’en prendre frontalement à l’objectif de 90 %, elles ont demandé à la Commission des gages dans d’autres domaines, à même de renforcer une économie européenne en perte de compétitivité.

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Avec un certain succès puisque la Commission vient de présenter un projet de loi afin de protéger l’acier européen, en surtaxant son concurrent chinois, et qu’elle prépare une réforme du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une révision du texte interdisant la mise sur le marché de voitures à moteur thermique, ou encore une grande loi de simplification sur les sujets environnementaux.

Alors que la proposition de la Commission pour l’objectif 2040 reprenait pour l’essentiel l’accord de coalition entre le SPD et la CDU, Berlin est resté en plus en retrait. Paris, en revanche, a été à la manœuvre, s’arrogeant un rôle pivot dans les négociations de ces derniers jours. « La France aura malheureusement joué le mauvais rôle jusqu’au bout dans les discussions sur les cibles climat de l’Union européenne. Aux côtés de la Pologne et de l’Italie, elle a imposé l’introduction de flexibilités qui affaiblissent considérablement l’ambition climatique européenne », juge Caroline François-Marsal, du Réseau Action Climat.

Incontestablement, le compromis de mercredi porte son empreinte. Il devra encore subir l’examen du Parlement européen ; après quoi les Européens devront le décliner en actions concrètes, avec à la clé des transformations majeures pour les industries et les citoyens européens. La tâche sera des plus ardues, alors qu’ils ont déjà du mal à mettre en musique le programme qui doit leur permettre de réduire de 55 % leurs émissions de CO2 d’ici à 2030 (en 2023, elles avaient baissé de 37 %). « Les derniers kilomètres à parcourir pour la décarbonation sont nettement plus durs que les premiers. Pour passer de – 55 % à – 90 %, il faudra opérer une vraie rupture », assure un diplomate européen.

*La lutte contre le réchauffement climatique s’éloigne dangereusement des objectifs à atteindre, alerte l’ONU

La poursuite des politiques actuellement en place conduit la planète vers une hausse des températures mondiales de 2,8 °C d’ici à la fin du siècle, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement. 

Par Publié le 04 novembre 2025 à 15h00, modifié hier à 08h52 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/11/04/la-lutte-contre-le-rechauffement-climatique-reste-trop-modeste-au-moment-ou-elle-devrait-s-amplifier-alerte-l-onu_6651916_3244.html

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La plus grande mine de fer au monde, exploitée par la société minière brésilienne Vale au milieu d’une vaste réserve forestière tropicale, forêt nationale de Carajas, dans l’Etat amazonien du Para, Brésil, le 8 octobre 2025.
La plus grande mine de fer au monde, exploitée par la société minière brésilienne Vale au milieu d’une vaste réserve forestière tropicale, forêt nationale de Carajas, dans l’Etat amazonien du Para, Brésil, le 8 octobre 2025.  JORGE SILVA / REUTERS

C’est un tragique contraste. Alors que la crise climatique s’aggrave rapidement, l’action des Etats ne progresse toujours que très lentement. Cette année, pour les dix ans de l’accord de Paris sur le climat, les pays étaient censés accélérer fortement leur action, comme le prévoit le traité international tous les cinq ans. Las ! leurs nouvelles promesses n’entraîneront qu’une légère atténuation du réchauffement climatique, laissant le monde se diriger vers une « grave escalade des risques et des dommages climatiques », met en garde le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), mardi 4 novembre, dans son rapport annuel intitulé Emissions Gap Report.

Un nouvel avertissement pour les dirigeants qui se réunissent à Belem (Brésil), jeudi et vendredi, avant le coup d’envoi officiel de la 30e conférence mondiale sur le climat (COP30), le 10 novembre. « Malgré les engagements pris, nous courons toujours à l’effondrement climatique », estime Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU).

La planète s’achemine désormais vers une hausse des températures mondiales de 2,3 °C à 2,5 °C en 2100 comparativement à l’ère préindustrielle, à condition que les pays mettent en œuvre intégralement leurs engagements de court terme (à l’horizon 2030 et 2035). C’est un peu mieux que la conclusion de 2024, qui donnait un réchauffement de 2,6 à 2,8 °C. Mais les nations ne sont pas en voie d’atteindre leurs objectifs pour 2030. La poursuite des politiques actuellement en place conduirait alors vers une surchauffe de 2,8 °C à la fin du siècle – comparé à 3,1 °C dans l’édition 2024.

Ces progrès sont en outre moins importants qu’ils n’y paraissent. Les mises à jour méthodologiques du PNUE comptent pour 0,1 °C de l’amélioration et le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, qui sera effectif en janvier 2026, entraînera une hausse de 0,1 °C. « Cela signifie que les nouveaux engagements n’ont pratiquement pas fait bouger les choses », conclut Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE.

Des émissions mondiales en hausse de 2,3 %

Preuve que les pays ne sont absolument pas sur la bonne trajectoire, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont bondi en 2024. Elles ont atteint 57,7 milliards de tonnes équivalent CO2, soit une hausse de 2,3 % par rapport à 2023 – plus de quatre fois le taux de croissance annuel des années 2010. En cause : d’abord, la déforestation, sans doute exacerbée par le phénomène naturel El Niño qui a accru la mortalité des arbres, puis la hausse du recours aux énergies fossiles, principale cause du réchauffement.

Les 20 plus grandes puissances économiques (G20) sont responsables de la grande majorité des émissions (77 %). La Chine reste le premier pollueur (29 % des rejets mondiaux), suivie par les Etats-Unis (11 %), l’Inde (8 %), l’Union européenne (6 %), la Russie (5 %) et l’Indonésie (2 %). Parmi ces six, l’UE est la seule à avoir baissé ses rejets carbonés en 2024. Le pic attendu des émissions mondiales (un maximum avant leur décrue) tarde toujours à se dessiner. Une partie des experts estime qu’il pourrait survenir cette année pour la Chine.

Les pays ne sont pas, en outre, au rendez-vous de l’accroissement des efforts. L’accord de Paris a été conçu comme un processus d’amélioration collective pour parvenir à la neutralité carbone au milieu du siècle. Les Etats étaient censés publier cette année de nouveaux plans climat, que l’on appelle les contributions déterminées au niveau national (NDC dans le jargon onusien). Or, au 30 septembre, date butoir fixée par l’ONU, seuls 64 pays, couvrant 63 % des émissions mondiales, avaient soumis ou annoncé leur feuille de route. Depuis, 15 membres du G20 ont fait leurs devoirs. Manquent à l’appel l’Inde, le Mexique, la Corée du Sud, l’Argentine et l’Arabie saoudite.

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« Les nouvelles NDC n’ont guère contribué à accélérer les progrès », estime le PNUE, dans une évaluation plus sévère que celle de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se félicitait, fin octobre, que « le rythme et l’ampleur [des plans climat] diffèrent de tout ce qui a été fait auparavant ». Ces feuilles de route intègrent très peu la transition hors des énergies fossiles, accord majeur arraché à la COP28 en 2023.

Résultat : la mise en œuvre totale de ces plans entraînerait une baisse des émissions mondiales de 12 à 15 % d’ici à 2035 comparativement à 2019 − et de 9 à 11 % si la NDC américaine est exclue. Ces résultats sont très loin du rythme nécessaire pour tenir les objectifs de l’accord de Paris. Selon le PNUE, il faudrait désormais réduire les rejets carbonés de 35 % ou de 55 % pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 2 °C ou 1,5 °C.

Des plans pas respectés

Cet écart entre ce que font les Etats et ce qu’ils devraient faire est en réalité encore plus grand. Non seulement les plans sont insuffisants mais, de surcroît, ils ne sont pour l’instant pas respectés. Collectivement, le G20 n’est pas sur les rails pour remplir ses objectifs pour 2030. Onze de ses membres (dont l’UE et la Chine) devraient toutefois y parvenir. Si tous les pays qui ont pris des objectifs de net zéro parvenaient à les tenir, dans un scénario très optimiste, le réchauffement climatique serait limité à 1,9 °C en 2100.

Ce manque d’action rend inévitable le franchissement du seuil de 1,5 °C sur une période longue, au plus tard lors de la prochaine décennie. Et il rend le chemin pour revenir à cette limite après l’avoir dépassée « beaucoup plus difficile », avertit Anne Olhoff, responsable scientifique du rapport du PNUE. L’agence appelle pourtant à retourner le plus rapidement possible à 1,5 °C grâce à des réductions d’émissions « immédiates et sans précédent ». Chaque fraction de degré évitée réduit les dégâts de la crise climatique, qui touche le plus durement les populations les plus pauvres. Elle limite aussi le risque de franchir des points de bascule irréversibles et génère des bénéfices pour la sécurité énergétique ou les créations d’emplois.

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Réduire la durée et l’ampleur de ce que l’on appelle l’overshoot (la période de dépassement de 1,5 °C) permettrait aussi de « limiter le recours à des technologies d’élimination du CO2 [dans l’atmosphère] incertaines, risquées et coûteuses », avance le PNUE. Selon son calcul, limiter le dépassement à 0,3 °C impliquerait de réduire les émissions mondiales de 46 % d’ici à 2035 comparativement à 2019. Les technologies bas carbone (solaire, éolien, etc.) pour y parvenir sont « disponibles », assure l’ONU. Mais un tel tournant, qui relève actuellement de la gageure, impliquerait de « naviguer dans un environnement géopolitique difficile, d’augmenter considérablement l’aide aux pays en développement et de repenser l’architecture financière internationale ».

**Politique climatique : l’accord minimaliste trouvé par les Vingt-Sept fragilise le leadership européen

Les ministres de l’environnement de l’UE ont adopté, jeudi, une fourchette de baisse des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2035, comprise entre − 66,25 % et − 72,5 % par rapport à 1990. Ils ont reporté à octobre la discussion concernant la cible 2040. 

Par Publié le 18 septembre 2025 à 21h10, modifié le 01 octobre 2025 à 17h49

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Le ministre de l’environnement estonien, Andres Sutt, et la ministre de la transition écologique démissionnaire française, Agnès Pannier-Runacher, avec, en arrière-plan, à droite, Wopke Hoekstra, le commissaire européen au climat, à Bruxelles, le 18 septembre 2025.
Le ministre de l’environnement estonien, Andres Sutt, et la ministre de la transition écologique démissionnaire française, Agnès Pannier-Runacher, avec, en arrière-plan, à droite, Wopke Hoekstra, le commissaire européen au climat, à Bruxelles, le 18 septembre 2025.  SIERAKOWSKI FREDERIC/EU

L’Union européenne (UE) n’arrivera finalement pas les mains vides à la conférence mondiale sur le climat (COP30), au Brésil, en novembre. Cependant, rien n’assure qu’elle a les épaules assez solides pour confirmer son leadership en matière climatique.

Lors d’un conseil organisé à Bruxelles, jeudi 18 septembre, les ministres de l’environnement ont adopté une « déclaration d’intention » sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre des Vingt-Sept à l’horizon 2035. Ils ont approuvé une fourchette de baisse, comprise entre − 66,25 % et − 72,5 % par rapport à 1990. Un compromis que les Etats affineront et valideront ultérieurement, lorsqu’ils parviendront à s’entendre sur leur trajectoire d’ici à 2040, dont l’ambition n’est pas garantie.

Il y avait urgence à trouver un premier terrain d’entente. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a convié les pays du monde entier à annoncer, mercredi 24 septembre, leurs nouvelles nationally determined contributions(NDCs, contributions déterminées au niveau national), soit les feuilles de route climatiques précisant comment chacun compte participer aux efforts mondiaux d’ici à 2035.

Ces « plans climat » attendus avant la COP30 seront synthétisés par l’ONU en octobre. Trente-six pays les ont déjà soumis et autour de 80 autres devraient être au rendez-vous d’ici à la semaine prochaine, dont la majorité des grands pollueurs, y compris la Chine – les Etats-Unis l’avaient fait sous l’administration Biden.

« Cette fourchette s’avère en moyenne très ambitieuse. Il y a peu de pays dans le monde qui peuvent dire la même chose », a déclaré Wopke Hoekstra, le commissaire européen au climat, lors d’une conférence de presse. Pour nombre d’experts, cet accord minimaliste laisse pourtant un goût amer. « Notre NDC fait l’objet d’une non-décision entre deux trajectoires. Nous devons absolument choisir », estime l’eurodéputé (Renew) Pascal Canfin, rappelant que la « décarbonation de notre industrie est un pilier de notre souveraineté ».

« Une perte de temps et de crédibilité »

Un diplomate européen regrette, quant à lui, que cette fourchette « très large dilue l’ambition », alors que la borne basse (− 66,25 %) ne permet ni de limiter le réchauffement à 1,5 °C ni de refléter l’ambition européenne réelle. « Si on avait pu avoir une négociation apaisée sur la cible 2040, les Etats membres, y compris la Pologne, auraient accepté une NDC plus ambitieuse qu’on aurait pu présenter au rendez-vous des Nations unies », assure-t-il, prévenant que la réputation et l’influence européennes vis-à-vis des pays en développement risquent d’être « entachées ».

En juillet, la Commission européenne a mis sur la table une proposition législative relativement ambitieuse : réduire les émissions de gaz à effet de serre du Vieux Continent de 90 %, à l’horizon 2040, par rapport à 1990, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

La présidence tournante danoise de l’UE proposait, à l’origine, d’adopter cette cible lors du conseil des ministres de l’environnement de jeudi, à la majorité qualifiée, et d’en faire découler la NDC 2035. Néanmoins, certains pays, France et Pologne en tête, ont souhaité repousser cette discussion au prochain conseil européen, qui rassemblera les chefs d’Etat et de gouvernement, les 23 et 24 octobre.

« C’est une perte de temps et de crédibilité monumentale, a regretté Serge Wilmes, le ministre de l’environnement luxembourgeois, lors du conseil, jeudi. Nous décevons les citoyens, nuisons aux entreprises et perdons la confiance hors de l’UE. » Alors que le multilatéralisme climatique est déjà ébranlé par le départ des Etats-Unis de l’accord de Paris, « la France a pris le risque de mettre en péril l’équilibre européen sur l’ambition climatique, et le consensus selon lequel chacun doit faire des concessions pour la cause commune », déplore le diplomate européen.

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Jeudi, à défaut de décision, les ministres de l’environnement se sont contentés d’exposer leurs arguments autour de la cible 2040. Ils ont laissé transparaître des fractures internes et des visions différentes de la transition écologique que doit poursuivre l’UE face au protectionnisme agressif du président des Etats-Unis, Donald Trump, et à la domination de la Chine dans les technologies propres.

« Prérequis fondamentaux »

Une majorité de pays européens soutiennent la cible de − 90 % en 2040. Le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Suède, la Finlande, l’Estonie, mais aussi l’Allemagne et l’Autriche, se sont prononcés en faveur d’efforts importants dans la lutte contre la crise climatique. Beaucoup ont rappelé le fardeau déjà lourd qu’elle fait peser sur les Etats membres, entre les vagues de chaleur, qui ont provoqué 24 400 morts cet été dans l’UE, et les incendies, qui ont dévasté plus de 1 million d’hectares depuis le début de l’année, entraînant des émissions carbone record depuis vingt-trois ans.

A l’inverse, d’autres Etats, comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque ou la Slovaquie, s’opposent à cet objectif qu’ils considèrent comme inaccessible et irréaliste. « Le plafond maximum pour nous est de 83 %, et il va nous coûter très cher », a assuré Krzysztof Bolestale secrétaire d’Etat polonais au climat. Son homologue hongroise, Aniko Raisz, a plaidé pour ne « pas surcharger les Etats membres de difficultés ». Ces pays demandent une étude d’impact pour les économies de chaque Etat membre, de pouvoir réévaluer régulièrement la cible 2040 et, surtout, une aide financière.

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La France a, quant à elle, appelé à une « ambition climatique forte », tout en se gardant d’endosser, et même d’évoquer, le chiffre de − 90 %. La ministre de la transition écologique démissionnaire, Agnès Pannier-Runacher, a égrené une longue liste de « prérequis fondamentaux » permettant d’adopter la cible 2040 sans nuire à la compétitivité de l’industrie européenne : distinguer des objectifs de réduction brute et nette (ces derniers incluant les puits de carbone, comme les forêts, très dégradés), revoir la répartition de l’effort entre les pays ou encore obtenir des mesures « commerciales plus ambitieuses » pour soutenir l’acier européen.

Paris plaide également pour limiter le recours aux crédits carbone internationaux, un sujet de division entre les Etats membres : certains souhaitent voir cet outil décrié plafonné à 3 % de la cible 2040 à partir de 2036, quand d’autres, comme la Pologne, défendent une marge de manœuvre plus grande (jusqu’à 10 %, et ce dès 2031). La France, comme l’Allemagne, s’efforce aussi de ménager son opinion publique, alors que l’extrême droite et la droite ont fait de la transition leur bouc émissaire. « Nous avons besoin de flexibilité (…), sinon la transition écologique risque d’alimenter les inégalités et les désillusions », a plaidé le ministre de l’environnement italien, Gilberto Pichetto Fratin.

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Trouver un terrain d’entente les 23 et 24 octobre sera une gageure, d’autant qu’il faudra arracher une unanimité. « Ce report est dangereux, car il offre un pouvoir de veto, et donc une forte capacité de nuisance, aux pays climatosceptiques qui veulent freiner la transition, prévient Neil Makaroff, le directeur du groupe de réflexion Strategic Perspectives.Parvenir à un accord risque de se faire au prix de fortes concessions. »

Les pays pourraient, par exemple, revenir sur l’objectif de fin de vente des véhicules thermiques en 2035, qui soulève d’importantes oppositions, dont la Commission a annoncé un réexamen à la fin de 2025. Même en cas de décision favorable des chefs d’Etat, le dossier, tant de la cible 2040 que des NDCs 2035, doit être ensuite adopté en conseil des ministres. De quoi restreindre encore le temps restant avant la COP30.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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