Une plaidoyer pour défendre les équipes administratives des hôpitaux piblics.

Budget de la Sécurité sociale 2026 : « Nos hôpitaux manquent d’appuis administratifs et logistiques pour soulager les soignants »

Tribune

Dans une tribune au « Monde », François Crémieux, directeur général de l’AP-HM, et Jean-Luc Jouve, président de la CME du groupe hospitalier marseillais, critiquent l’idée reçue selon laquelle l’hôpital public souffrirait d’une bureaucratisation excessive et coûteuse.

Publié le 30 octobre 2025 à 10h00, modifié le 30 octobre 2025 à 12h42  Temps de Lecture 4 min.

Dans un contexte économique tendu, marqué par un déficit public massif et une dette qui pèse sur les marges de manœuvre, les débats budgétaires s’annoncent particulièrement difficiles. Face au défi de l’équilibre des comptes de l’Assurance-maladie et à l’approche de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, la course aux propositions de nouvelles recettes ou d’économies est lancée.

Entre la question de l’augmentation de taxes dites « comportementales » sur le tabac ou sur les produits gras, celle des transferts de charges de l’Assurance-maladie vers les mutuelles ou directement aux patients, ou celle des baisses du prix des médicaments et de certains actes médicaux, les consensus et les équilibres seront difficiles à trouver.

L’objectif est que la santé – qui demeure la première préoccupation des Français – reçoive des moyens adaptés, tout en veillant à ce que cette dépense, inéluctablement croissante à cause du vieillissement, du développement de maladies chroniques, du coût élevé, et parfois exorbitant, des thérapeutiques innovantes, n’absorbe pas, à elle seule, les ressources dont d’autres domaines ont aussi un besoin vital. Les soignants, s’ils ont besoin d’avoir les moyens financiers et humains de bien soigner, sont les premiers à savoir que la bonne santé est impossible sans un logement décent, sans école, sans sécurité et sans un environnement sain.

Fonctions peu visibles

Dans ce contexte, il est essentiel de préserver nos hôpitaux publics. Ils ont montré, avant, pendant et depuis la crise due au Covid-19, qu’ils sont des piliers de notre cohésion nationale. Dans le même temps, les dérives de la financiarisation de pans entiers de la médecine privée, des grands groupes de maisons de retraite aux multinationales des cliniques, de l’imagerie médicale à la biologie, ont été largement documentées, notamment par l’Assurance-maladie, qu’on ne saurait suspecter d’un gauchisme désinhibé. Qu’il soit désormais largement admis que les soignants et notre service public méritent un soutien durable est, en soi, un progrès.

Mais une petite musique, fondée sur un malentendu et parfois relayée comme une évidence, continue de circuler : nos hôpitaux seraient mal gérés et compteraient une proportion d’administratifs pléthorique, supérieure à celle de tout autre système de santé. Le chiffre de 35 % est souvent avancé. C’est une absurdité. Il traduit à la fois une mauvaise lecture des statistiques et, surtout, une méconnaissance profonde du monde hospitalier.

Lire aussi le reportage (2024) |  Aux Hôpitaux de Marseille, les raisons d’un déficit inquiétant, commun à tous les CHU

Oui, deux tiers des personnels hospitaliers sont médecins, infirmiers, aides-soignants. Mais le troisième tiers n’est pas constitué d’« administratifs » : ce sont des secrétaires médicales qui assurent le suivi des malades, des travailleurs sociaux qui accompagnent les plus précaires, des professionnels de la recherche qui développent l’innovation thérapeutique, des équipes informatiques, des formateurs qui préparent les générations futures de soignants, des techniciens ou des logisticiens qui garantissent chaque jour la restauration, le linge ou les transports.

Ce sont ces fonctions de support, aussi peu visibles qu’indispensables, qui permettent à l’hôpital de tenir debout. Colporter cette fausse information selon laquelle plus de 30 % des professionnels hospitaliers constitueraient l’armée discrète d’une bureaucratie d’un autre âge est doublement indélicat.

Lire aussi  Martin Hirsch, ex-directeur général de l’AP-HP : « Et si on créait un service public de la santé ? »

D’abord pour les professionnels qui, ni médecins ni paramédicaux, participent pourtant directement au soin, comme ces 700 secrétaires médicales de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), réparties dans près de 300 services, qui organisent le million de venues de patients et assurent la prise de rendez-vous et la rédaction de comptes rendus, ou comme la cinquantaine d’assistantes sociales qui accompagnent les patients en difficulté. Et que serait l’accueil à l’hôpital sans des experts de la logistique ? Sans professionnels de l’hygiène, de la restauration, de la stérilisation ?

Ce discours sans fondement est aussi inaudible pour les équipes administratives, qui ne représentent que de 5 % à 6 % des effectifs et assurent la gestion des ressources humaines ainsi que celle des services financiers ou juridiques de nos hôpitaux. Nous mettons au défi n’importe quelle entreprise d’assurer les ressources humaines de 20 000 professionnels ou d’engager 800 millions d’euros d’achats avec des équipes administratives aussi peu nombreuses et modestement rémunérées que celles du service public hospitalier. Les plans d’économies de ces dernières années ont beaucoup pesé sur ces équipes, et ces services ne cessent d’essayer de faire mieux avec, souvent, moins de moyens humains.

Débureaucratiser la médecine

Après des années de rigueur budgétaire, nos hôpitaux ne sont pas suradministrés ; ils manquent, au contraire, d’appuis administratifs et logistiques pour soulager les soignants. Quel témoignage sur l’hôpital ne fait pas référence au fait que médecins ou paramédicaux sont accaparés par des tâches administratives ? Ajouter du personnel administratif en appui des médecins, ce n’est pas bureaucratiser l’hôpital, mais débureaucratiser la médecine.

Dans le contexte actuel de nos finances publiques et du nécessaire équilibre de nos dépenses sociales, nous avons la responsabilité de gérer au mieux l’argent qui finance nos hôpitaux, et constitue autant de charges pour nos entreprises et pour ceux qui travaillent. Nous savons que nous pouvons faire mieux, notamment avec la révolution numérique en cours. Nos hôpitaux publics marseillais n’ont aucunement l’intention de s’exonérer de cette responsabilité.

Lire aussi la tribune |  Hôpital : « Faute de partager une langue commune, personnels médicaux et administratifs ne se comprennent pas souvent »Lire plus tard

Les fausses informations sont autant d’écrans de fumée qui dissimulent les réelles transformations à engager pour soigner mieux sans dépenser toujours plus. De grands défis nous attendent : une meilleure prévention de la dépendance, très coûteuse lorsqu’elle s’installe ; une prescription plus attentive des médicaments ou examens ; une meilleure coordination de la prise en charge des malades, pour éviter de multiplier les consultations ou les transports inutiles lorsqu’une prise en charge à proximité aurait été possible.

Pour respecter au mieux les équilibres économiques et préserver le régime de sécurité sociale, engageons-nous vraiment dans une priorité à la prévention, faisons de la pertinence des soins un totem pour éviter les mesures inutiles, et rendons possible une profonde réorganisation de l’offre de soins sur nos territoires, plutôt que de nous contenter de subir les résistances aux changements.

Il faut donc souhaiter que le débat parlementaire à venir s’appuie sur des bases réelles et saines : tenir compte de l’urgence financière, ramener le pays dans un cadre budgétaire soutenable, mais aussi garder le cap sur l’avenir. Car, dans une démocratie, les services publics sont les institutions qui structurent notre vie collective. Souvent critiqués, nos services publics sont toujours regrettés lorsqu’ils se dégradent ou s’éloignent du quotidien des Français.

François Crémieux est directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) ; Jean-Luc Jouve est président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HM.

Commentaire Dr Jean Scheffer:

Toutes ces phrases pour défendre les directions d’ hôpitaux, avec l’aide de certains médecins cooptés par une direction toute puissante depuis que Sarkozy a supprimé toute démocratie interne.

L’urgence c’est tout en donnant les moyens humains et financiers pour répondre aux besoins, de remplir les 40 % de postes vacants en praticiens hospitaliers dans nos hôpitaux généraux et 50% dans nos hôpitaux psychiatriques, sans parler des CMP, de la PMI, de la médecine scolaire, universitaire, pénitentiaire, dans les crèches, en médecine du travail, en santé publique…

Pour ce faire et en urgence, créer le « Clinicat Assistanat pour Tous », obligatoire de 2 à 3 ans, pour tous les internes de médecine générale et de spécialités , afin de réduire rapidement tous les manques de médecins dans toutes les spécialités et dans tous les lieux d’ exercice.

L’activité serait partagée entre divers établissements, à l’image des assistants partagés actuels entre hôpitaux Généraux (CHG) et CHU. Les chefs de clinique-Assistants auraient leur activité entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail, EHPAD… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé…

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire