Le néolibéralisme est une gigantesque machine de destruction des libertés individuelles au nom de la liberté des marchés (« Le Profit avant l’homme » Noam Chomsky).

Le Profit avant l’Homme – Noam Chomsky Résumé et podcast du livre

Dans Le Profit avant l’Homme (1999), Noam Chomsky s’attaque à l’hégémonie idéologique du néolibéralisme qui, selon lui, met en péril nos démocraties.

publié le 17/10/2025 Par Élucid

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Podcast La synthèse audio

Véritable trahison du libéralisme « classique », le néolibéralisme est une gigantesque machine de destruction des libertés individuelles au nom de la liberté des marchés. Perçue comme une menace par les « dominants », la démocratie est attaquée et s’efface derrière les principes de libre concurrence des marchés et de consommation. Un seul mot d’ordre : le profit doit passer avant l’Homme.

Ce qu’il faut retenir

Le néolibéralisme est le paradigme économico-politique dominant de notre époque. Ce courant de pensée est partagé à la fois par les partis politiques de droite comme de gauche depuis près de 40 ans. Il représente avant tout les intérêts des grandes sociétés et des investisseurs les plus riches de la planète.

Le terme néolibéralisme, malgré son importance majeure, reste inconnu du grand public. Il renvoie à une véritable religion des « marchés » et de la « concurrence », selon laquelle le bonheur et la prospérité ne peuvent être atteints qu’avec leur libération.

L’Histoire, et notamment l’histoire économique, est cruelle, car elle dément systématiquement les thèses néolibérales. Le système ne perdure pas en raison de son efficacité. Les « puissants » et les « possédants », à qui cette idéologie profite, s’efforcent alors de forger un système économique et politique cloisonnant la démocratie, et le pouvoir de contestation des peuples.

« La démocratie est permise aussi longtemps que le contrôle exercé par le grand capital échappe aux délibérations et aux changements voulus par le peuple, c’est-à-dire aussi longtemps qu’elle n’est pas la démocratie ».

Biographie de l’auteur

Noam Chomsky, né en 1928 à Philadelphie, est un linguiste américain, professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a enseigné durant l’intégralité de sa carrière. Également connu pour son activisme politique et sa critique de la politique étrangère et des médias américains, il s’affiche comme un sympathisant de l’anarcho-syndicalisme. Entre autres, il fustige l’utilisation du terme « terroriste » qui, selon lui, permet aux gouvernements de se dédouaner de la dimension terroriste de leurs propres politiques. Il est également un fervent défenseur de la liberté d’expression.

Très apprécié par l’extrême gauche, Noam Chomsky est soumis à de vives critiques de la part des libéraux et des partisans de la droite américaine. Il reste pourtant reconnu comme l’un des plus grands intellectuels vivants, ayant notamment reçu de nombreux diplômes honorifiques des plus grandes universités au monde.

Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.

Plan de l’ouvrage

Avant-propos : Un monde sans guerre
I. Le néolibéralisme et l’ordre mondial
II. Le consentement sans consentement : embrigader l’opinion publique
III. La passion des marchés libres
IV. La démocratie de marché dans un ordre néolibéral
V. L’arme absolue

Synthèse de l’ouvrage

Avant-propos : Un monde sans guerre

Nous vivons encore aujourd’hui dans un monde fait de conflits. Le conflit qui caractérise notre présent oppose deux camps : les peuples du monde contre les conglomérats de puissants, qui concentrent entre leurs mains les pouvoirs publics et privés. Plus qu’une lutte, cette opposition aurait autrefois été qualifiée de « guerre de classes ».

Cependant, ce système de pouvoir est fragile – la classe des « puissants » en est consciente. Pour le maintenir, elle doit rendre la masse peureuse ou apathique et détourner son attention du processus de domination dont elle fait l’objet. Le communisme, le crime, la drogue ou le terrorisme sont toutes sortes d’arguments permettant de créer la peur chez les populations. En effet, « les crises permettent d’exploiter les peurs et les inquiétudes ».

Contre toute attente, la rationalité et l’intelligence n’ont pas conduit à un monde sans guerre ; au contraire, les conflits qui traversent nos sociétés semblent être aggravés par les progrès techniques de l’homme – l’arme atomique en est le meilleur exemple.

Les États-Unis, quoiqu’ils possèdent la puissance atomique, s’attaquent le plus souvent à des adversaires plus faibles qu’eux, violant sans vergogne le droit international. Depuis le fiasco de la guerre du Vietnam, la principale préoccupation du gouvernement américain est de ne pas prolonger les conflits armés qu’ils ont initiés, pour éviter un retournement de l’opinion publique – ce qui justifie la perpétration des pires crimes de guerre.

En outre, les médias complaisants vis-à-vis de l’armée mènent une véritable campagne de propagande pour manipuler l’opinion publique. Ils font vivre le mythe selon lequel les États-Unis mènent une guerre contre la « terreur », alors qu’en réalité, le gouvernement américain agit pour défendre ses intérêts, dans le mépris le plus total du sort des pays dans lesquels il intervient (en Amérique du Sud et au Moyen-Orient notamment). « Les maîtres savent parfaitement que l’opinion publique manifesterait sa désapprobation si elle disposait des informations nécessaires ». C’est pourquoi la seule parade face à un possible soulèvement du peuple est la manipulation.

Parallèlement, la libéralisation des mouvements de capitaux a divisé le corps électoral en deux : d’un côté, les citoyens et, de l’autre, les spéculateurs, qui ont le véritable pouvoir d’influer sur les politiques publiques. Cela entraîne ainsi la disparition de l’État en tant qu’entité décisionnelle, au profit de sociétés privées, peu soucieuses de l’opinion publique. En outre, la mondialisation a diminué fortement leur responsabilité vis-à-vis des populations et des communautés locales et nationales – puisqu’elles peuvent délocaliser leurs industries aisément.

Face à cela, « le sentiment d’impuissance (des citoyens) a atteint des sommets inquiétants ». Selon une étude de l’université Harvard, « la moitié des sondés déclarent que les gens comme eux ont peu d’influence, voire aucune, sur ce que le gouvernement peut faire ». Nous entrons ainsi dans le monde néolibéral, un monde dirigé par une « philosophie de la futilité », offrant une « vie sans objectifs » rythmée uniquement par la consommation de choses futiles, selon la mode.

I. Le néolibéralisme et l’ordre mondial

Les néolibéraux sont les puissants marchands et industriels qui ont construit les États-Unis, avec pour objectif le développement de leur commerce par la voie du capitalisme. Ils s’efforcent de détruire tous les obstacles à ce projet : États, nationalismes, mouvements populaires, démocratie, etc.

La doctrine Monroe est un parfait exemple des agissements répressifs des États-Unis en faveur de cette classe de marchands. Alors que les populations d’Amérique latine réclamaient un État au service du peuple et du progrès social, les gouvernements populistes latino-américains furent défaits un à un, conséquence directe des ingérences américaines. L’objectif des États-Unis était d’éviter la propagation de telles idées d’un pays à l’autre, ce qui risquait de limiter les profits des investisseurs américains dans la région.

Les exemples de ces « mauvaises idées » du néolibéralisme dans l’histoire économique contemporaine sont nombreux. Au Brésil et au Mexique, entre autres, l’application des politiques néolibérales d’industrialisation de libre marché imposées par les États-Unis a effectivement conduit à un certain succès économique, mais uniquement au profit des possédants. Les populations, en revanche, se sont largement appauvries. Encore aujourd’hui, les deux pays subissent les conséquences de ces politiques.

Les États-Unis ne sont eux-mêmes pas immunisés contre les conséquences du néolibéralisme. Parmi les pays industriels, les États-Unis sont le pays ayant la plus forte mortalité infantile, et la plus faible protection de l’emploi.

La doctrine libérale s’est exportée en vendant l’idée que la libre concurrence et le libre marché ont été à l’origine du développement des pays industriels. L’histoire montre, au contraire, que le développement fut rendu possible par les politiques protectionnistes, qui ont mis les industries de ces pays à l’abri de la concurrence mondiale. En somme, l’État, lorsqu’il agit comme un guide de l’économie, est le véritable moteur du développement.

II. Le consentement sans consentement : embrigader l’opinion publique

La notion de « consentement des gouvernés » est un principe essentiel de toute société démocratique. Développé par David Hume, ce principe pose l’idée que les gouvernés sont plus puissants que les gouvernants, car plus nombreux et, en conséquence, le consentement des premiers à la domination des seconds est essentiel. Cependant, les élites, soucieuses de soumettre la population à sa volonté, ont détourné ce principe ; elles obtiennent le consentement des populations par des moyens déloyaux, faisant perdre à ce terme tout son sens. « L’usage de la force » dans les États tyranniques ou la « fabrication du consentement » dans les sociétés néolibérales permet aux élites d’obtenir un « consentement sans consentement ».

L’idée qui sous-tend ces pratiques est celle de l’irrationalité du peuple, qui n’est pas suffisamment éduqué pour se faire une opinion éclairée sur les questions de politique. Ainsi, aux États-Unis, il est clair que « ceux qui possèdent le pays doivent le gouverner », pas le peuple. Ce principe est au cœur même de la Constitution américaine, intrinsèquement aristocratique, puisque James Madison, l’un de ses principaux architectes, soutenait que la responsabilité de l’État était de « protéger la minorité opulente de la majorité ». La notion de propriété fut d’ailleurs élaborée initialement pour faire empêcher les dominés d’accéder à la propriété. En effet, la consécration du droit de propriété a permis de sécuriser la situation déjà existante, c’est-à-dire l’appartenance de l’essentiel des terres aux puissants.

La démocratie moderne, dans l’esprit des élites, n’est qu’un moyen d’opprimer les masses en recourant, non pas à la violence physique et directe, mais à la propagande de masse, plus diffuse et moins détectable. Selon Edward Bernays, fameux théoricien de la propagande moderne, « la gestion du consentement est l’essence même du processus démocratique ».

La Commission trilatérale, fondée par David Rockefeller en 1973, partage la même opinion. Selon la commission, suivre l’opinion publique pour les gouvernants constitue un « excès de démocratie ». Il faut, au contraire, manipuler cette opinion, notamment grâce à ce que la Commission appelait « l’endoctrinement des jeunes » dans les écoles, les universités ou les églises.

III. La passion des marchés libres

Après l’ONU, les États-Unis utilisèrent l’Organisation mondiale du Commerce pour exporter les principes néolibéraux de dérégulation, de libéralisation des marchés et de la concurrence – avec pour objectif véritable de créer un environnement favorable aux commerçants et investisseurs américains à l’étranger.

Alors même qu’ils présentent le marché comme un système d’équilibre parfait, les États-Unis ne respectent pas ses principes de fonctionnement. La « discipline du marché »,c’est surtout bon pour les autres. Ils s’efforcèrent, par exemple, d’imposer les principes néolibéraux au Royaume-Uni, par le biais du gouvernement Thatcher. L’OMC a ensuite servi à exporter les pratiques néolibérales partout ailleurs.

Les conséquences de la dérégulation et de la libéralisation commandées par l’OMC sont nombreuses et particulièrement néfastes. Elles entraînent une forte concentration dans le secteur des communications et des médias, ce qui détériore le débat démocratique, ainsi qu’une concentration financière « qui compromet la participation populaire à la planification économique et sociale ». Les seuls bénéfices des actions de l’OMC sont de créer les conditions favorables aux investisseurs américains, qui grâce à ce système peuvent privatiser les profits et socialiser les pertes, tout en se protégeant d’une opposition populaire grâce à un immense appareil de propagande.

Les « valeurs américaines » que les États-Unis cherchent à transmettre reposent, au fond, sur le droit du plus fort, comme le prouvent leurs incessants veto lors des congrès internationaux. « La règle de base est que les États-Unis sont à l’abri de toute ingérence de l’OMC pour ce qui touche à leurs propres lois, tout comme eux seuls sont libres de violer le droit international comme ils l’entendent ».

IV. La démocratie de marché dans un ordre néolibéral. Doctrines et réalités.

« La liberté sans occasions de l’exercer est un don du diable, et se refuser à les accorder est parfaitement criminel » ; c’est pourtant ce qu’ont fait les élites dirigeantes et possédantes américaines. La « démocratie » promue par l’élite américaine n’est, dans la pratique, qu’un appareil de contrôle par le haut, destiné à « protéger la minorité opulente de la majorité ». La liberté des marchés n’est, quant à elle, qu’une gigantesque mascarade pour défendre les grands industriels et investisseurs américains.

L’exemple des Accords de Libre Échange nord-américain (ALENA) est tout à fait représentatif de la stratégie des États-Unis qui consiste, sous couvert « d’ouverture démocratique » et de « liberté de commerce », à imposer aux pays en développement les politiques néolibérales. Le Mexique en fit notamment les frais : restrictions des innovations, mise sous tutelle du gouvernement, destruction des appareils syndicaux, désindustrialisation massive, appauvrissement généralisé de la population, etc. « Le progrès et les marchés eux-mêmes ne sont pas souhaitables s’ils ne profitent pas à ceux qui comptent». Comme l’a dit Homero Aridjis, homme politique mexicain, « le Mexique subit une troisième conquête. La première fut menée par les armes, la deuxième fut spirituelle, la troisième est économique ». Les pays industriels ont imposé, et imposent encore, aux pays en développement des politiques néolibérales qu’eux-mêmes n’auraient jamais acceptées, leur développement s’étant essentiellement appuyé sur des politiques protectionnistes agressives.

En réalité, le système économique mondial s’apparente à un incommensurable « mercantilisme de grandes sociétés, très éloigné des idéaux du libre-échange »À cet égardl’OCDE affirme que la « main invisible » n’est qu’un mythe, les forces du marché étant entièrement dépendantes de la compétition oligopolistique, et des interactions entre firmes et gouvernements.

Pourtant, les pays occidentaux ne sont pas non plus à l’abri des effets néfastes des politiques néolibérales. Les États-Unis, en matière de mortalité infantile, sont au même niveau que Cuba. Et pourtant, les médias, aux mains des grandes sociétés, ne tarissent pas d’éloges devant la « spectaculaire » et « stupéfiante » croissance des profits. Pendant que les riches s’enrichissent et ne cessent de s’en vanter, les pauvres s’appauvrissent dans le silence le plus total.

V. L’arme absolue

Dans toute société, il existe une « arène politique » dans laquelle les populations peuvent intervenir afin de faire connaître leurs revendications. Dans une société démocratique, l’accès à cette arène est libre et le gouvernement ne peut pas s’immiscer illégitimement dans les affaires privées des individus :

« Les gouvernements sont, en théorie, institués pour servir leurs “électorats domestiques” et doivent être soumis à leur volonté. Déterminer jusqu’à quel point la théorie se conforme à la réalité et les “électorats domestiques” représentent la population, voilà donc un moyen de vérifier qu’une démocratie fonctionne. »

Pour restreindre la démocratie de façon efficace, les élites ont donné la capacité de prise de décision à des institutions n’ayant aucun compte à rendre à la population : rois, castes sacerdotales, juntes militaires, dictature de parti, institutions supranationales ou grandes entreprises modernes.

En effet, en permettant aux grandes entreprises d’accéder aux marchés internationaux et de ne plus être soumises à une seule nation, les « accords sur la liberté du commerce » sont de véritables menaces pour la démocratie. Leur but est de transférer le pouvoir de décision appartenant au gouvernement (et donc, dans un système démocratique, au peuple) dans les mains de « tyrannies privées opérant en secret et sans contrôle ni supervision des pouvoirs publics ou de l’opinion».

En outre, il faut à tout prix éviter que le peuple n’émette une opinion sur la politique du gouvernement. La masse étant quasi systématiquement opposée aux réformes néolibérales, les possédants craignent la démocratie, car elle permet au peuple d’user de « l’arme absolue » : la force du nombre, devant laquelle ils sont contraints de faire des concessions, de ralentir la progression de leur agenda politique.

L’exemple le plus probant est celui de la négociation de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement) qui se fit à l’abri des regards dans les salons de l’OCDE. Le but de la manœuvre était de conférer aux grandes entreprises le droit d’attaquer des États en justice sans que l’inverse soit possible. L’opinion publique en fut informée, peu avant la clôture des accords, par des militants politiques, et l’opposition populaire força le milieu des affaires à abandonner l’accord.

Afin d’éviter que la vile multitude ne fasse usage de cette « arme absolue » et ne contrecarre leurs intérêts commerciaux et financiers, les grandes sociétés utilisent les grands médias en leur possession, afin de maintenir la masse stupide dans l’ignorance.

Si, par malheur, cette dernière en venait à être informée des agissements des puissants qui possèdent les États et les grandes entreprises, alors la presse mettrait tout en œuvre afin d’assurer le peuple des bonnes intentions de ses gouvernants. « Dans une impressionnante démonstration d’autodiscipline, la presse libre a réussi à maintenir dans l’ignorance ceux qui lui font confiance (tâche difficile dans un monde complexe) ».

Adam Smith, déjà en son temps, se montrait extrêmement critique envers les « sociétés par actions » et les « investisseurs » (aujourd’hui les grandes sociétés), formant une véritable « conspiration contre le public », en cherchant à se voir octroyer toujours plus de droits, toujours plus de pouvoir. Il ne s’était pas trompé, et ce qu’il redoutait s’est produit dans des proportions qu’il n’aurait certainement jamais osé imaginer.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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