La maternité historique des Lilas ferme ses portes ce dimanche.

L’accoucheur des Lilas tire sa révérence

Quentin Haroche | 30 Octobre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/laccoucheur-des-lilas-tire-sa-révérence-2025a1000tqs

Symbole de la lutte féministe et de la promotion de l’accouchement sans douleur, la maternité des Lilas ferme ses portes ce dimanche.

Le dernier bébé de la maternité des Lilas a vu le jour dimanche dernier. Depuis, les couloirs sont silencieux et les 85 salariés débarrassent les 19 chambres et 4 salles d’accouchement de l’établissement. Ce vendredi, après 64 ans de bons et loyaux services, la maternité de Seine-Saint-Denis va fermer ses portes.

Créée en 1964 avec le statut de clinique privée, la maternité des Lilas a toujours joué un rôle à part dans le monde de l’obstétrique français. Dès sa création, l’établissement devient un pionnier d’une nouvelle méthode venu d’Union Soviétique : l’accouchement sans douleur (ASD). A une époque où l’anesthésie péridurale n’existe pas encore, les partisans de cette technique, basée sur le conditionnement mental, expliquent qu’elle permet d’éviter les douleurs de l’enfantement dans 70 % des cas. La maternité se trouve alors au cœur d’un combat idéologique, l’ASD étant vivement défendu par les intellectuels communistes mais critiqué par les milieux conservateurs.

Si la généralisation de la péridurale à partir des années 1970 aura quelque peu relégué ce débat au second plan, la maternité des Lilas n’a jamais abandonné sa promotion d’un accouchement physiologique, le moins médicalisé possible. Elle se démarquait ainsi par des taux de recours à la péridurale (69 % contre 80 %) et à la césarienne (15 % contre 20 %) bien inférieurs aux moyennes nationales. L’établissement accueillait également une salle d’accouchement avec baignoire, « le temple de l’accouchement naturel » expliquait la direction.

Avortements clandestins et homme enceint

L’accouchement sans douleur n’est pas le seul combat de société que la maternité aura porté durant ses six décennies d’existence. Avant l’adoption de la loi Veil en 1975, la clinique n’hésite pas à réaliser des avortements clandestins. Un engagement militant qui lui vaudra d’être la cible de « commandos anti-IVG » au début des années 1990. Plus récemment, la maternité s’était engagée pour les droits des personnes LGBT. C’est ainsi aux Lilas qu’a eu lieu en 2019 le premier accouchement en France d’un homme trans (une femme biologique s’identifiant en tant qu’homme). 

Des méthodes particulières (une sage-femme pour deux parturientes maximum, des séjours deux fois plus longs en moyenne que dans les hôpitaux publics…) qui ont un coût élevé y sont pratiquées. Chaque année, l’association Naissance, qui gère l’établissement, enregistre ainsi des pertes d’environ 6 millions d’euros. Depuis 2014, la survie de l’établissement était ainsi en danger, l’agence régionale de Santé (ARS) d’Ile-de-France menaçant de ne plus éponger les dettes de l’établissement.

Si jusque-là, toutes les menaces de fermeture de la maternité n’avaient jamais abouti, en raison de la mobilisation de la société civile (en 2022, une pétition de défense de la maternité avait recueilli 34 000 signatures), ces difficultés économiques sont récemment devenues insurmontables. La maternité a ainsi vu son activité fortement diminuer, passant de 1 400 accouchements par an en 2019 à 940 en 2023. Tout ceci dans un contexte de forte diminution du nombre de maternités en France (les deux tiers des établissements ont fermé leurs portes ces cinquante dernières années) et alors que la plupart des gynécologues-obstétriciens estiment qu’il est préférable de regrouper les personnels de santé dans de grandes structures en fermant les petites maternités réalisant moins de 1 000 accouchements par an.

Ces dernières années, plusieurs projets visant à maintenir l’activité de la maternité en l’adossant à des structures existantes, comme la clinique Floréal de Bagnolet, l’hôpital Tenon à Paris ou le centre hospitalier de Montreuil ont été portés par l’ARS. Toutes ont échoués en raison de l’opposition du personnel des Lilas, qui craignaient que ces rapprochements ne remettent en cause leur modèle basé sur l’accouchement physiologique. 

Un centre de santé pour femmes remplacera la maternité

« Je regrette que ces pistes n’aient pas pu aboutir car elles auraient permis de poursuivre l’activité et offrir des opportunités aux professionnels » commente le directeur de l’ARS Denis Robin. Une intransigeance assumée par le personnel de l’établissement. « Les Lilas ont développé une culture différente des soins, un savoir-faire et un état d’esprit qui font sa renommée, mais qui peuvent difficilement être reproduits dans des structures plus grandes, des “usines à bébés” » explique Chantal Birman, sage-femme et représentante du personnel.

Le coup de grâce est tombé le 15 janvier dernier, lorsque la HAS a retiré à la maternité sa certification. Sans surprise, l’ARS a donc annoncé le 1er juillet dernier la fermeture prochaine de l’établissement. « Les conditions de sécurité n’y sont plus optimales, l’activité décline, le gestionnaire n’arrive plus à assurer la soutenabilité financière de l’activité, une cessation de paiements est possible et un renouvellement de l’autorisation d’exercice paraît peu probable, voire impossible » avançait à l’époque Denis Robin pour justifier cette fermeture. Le personnel a in fine obtenu un maintien de l’activité jusqu’au 31 octobre.

Alors qu’une partie du personnel devrait intégrer les équipes de la maternité de l’hôpital Tenon, les locaux des Lilas vont être rénovés pour accueillir un centre de santé pour femmes. Le centre pratiquera des IVG, offrira une prise en charge en endométriose et assurera un accompagnement spécifique des couples de femmes et des personnes transgenres. « C’est un dispositif qui correspond aux valeurs militantes d’accueil et d’ouverture historiquement portées par les professionnels de cette maternité » se félicite Lionel Benharous, le maire socialiste des Lilas.

En attendant cette nouvelle vie pour l’établissement, le personnel fait son deuil. Ce jeudi après-midi, un rassemblement sera organisé par les soignants devant l’établissement. « Certaines voulaient faire une fête de départ, mais on a plutôt le cœur aux funérailles » confie tristement le Dr Zahra Shah Karami, présidente de la CME de la mythique maternité.

Soignantes et patientes mobilisées contre la fermeture de la maternité des Lilas : « Il n’y a pas assez de lieux comme ça »

Plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées, jeudi 30 octobre, contre la fermeture de l’emblématique maternité des Lilas. En difficulté financière depuis 2012, l’établissement privé doit fermer ses portes ce vendredi 31 octobre. 

31/10/2025 https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/soignantes-et-patientes-mobilisees-contre-la-fermeture-de-la-maternite?utm_source=Newsletter&utm_medium=gms_egora&utm_campaign=En_Bref___Vendredi_31_octobre_2026&utm_medium=gms_egora&utm_source=email&utm_campaign=En%20bref%202025-10-31%2018h20251031&sc_src=email_4678642&sc_lid=180996089&sc_uid=XYBlorZBtz&sc_llid=9427&sc_eh=5d463c22601bc0401

 Par Chloé Subileau

Ce vendredi soir, après plus de 60 années d’existence, la maternité des Lilas fermera ses portes. Située en Seine-Saint-Denis, à l’est de Paris, l’emblématique structure compte quatre salles de naissance et un centre d’interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle a été l’une de premières cliniques en France à pratiquer des méthodes d’accouchement « sans douleur » venues d’URSS, et n’a cessé de défendre les droits des femmes à disposer librement de leur corps. 

Mais, en sursis pour des raisons financières depuis 2012, l’établissement privé d’intérêt collectif va devoir cesser son activité. Un clap de fin qui suscite l’émoi des soignants et de nombreuses patientes.  

Lire aussi : L’emblématique maternité des Lilas sur le point de fermer ses portes

Jeudi, plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour dénoncer la fermeture de la maternité des Lilas. Avant de s’engager dans une marche silencieuse, les personnes présentes ont écouté le personnel – en grande majorité des femmes – chanter sur les escaliers extérieurs de la maternité. « Nous sommes venues vous dire que nous partons, et nos larmes de ne pourront rien changer », ont-elles fredonné, en blouses violettes.

« Un symbole d’une prise en charge innovante, moderne » 

Devant la maternité, Suewellyne, mère d’un bébé de cinq mois né aux Lilas, a indiqué à nos confrères de l’AFP qu’« il n’y a pas assez de lieux comme ça, où c’est l’humain qui prime ». « Oui, les locaux étaient désuets, mais humainement les sages-femmes compensaient tout, car elles écoutaient vraiment, se concertaient vraiment », a confié la mère de 39 ans.  
  
Un constat partagé par Marion, 42 ans : « J’avais vécu mon premier accouchement comme un traumatisme dans un CHU, c’était froid, tendu. Le second, ici, était aussi très difficile mais en même temps magique, car j’étais écoutée, dans une institution féministe pas jugeante. » Pour la mère d’un garçon de trois ans, « c’est imposer une forme de torture aux femmes de les priver de toutes ces compétences qui rendent les accouchements plus doux et plus libres »

Interrogée plus tôt jeudi sur France Info, la ministre de la Santé a reconnu que la maternité des Lilas était « un symbole d’une prise en charge innovante, moderne ». Elle a, par ailleurs, rappelé qu’un centre pour la santé des femmes remplacerait la clinique, avec « une prise en charge des femmes avant l’accouchement et après l’accouchement », mais pas au moment même de l’accouchement, a souligné Stéphanie Rist. 

[avec AFP] 

Auteur de l’article

Chloé Subileau

Cheffe de la rubrique étudiants

« Fermeture de la maternité des Lilas : “J’aurais aimé que mon deuxième enfant puisse naître ici” »

 Date de publication : 31 octobre 2025 https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=51e9e0d2bfad9bdfba8be8a540edfd2c&midn=22731&from=newsletter

Temps de lecture: 2 min


Cassandre Leray observe dans Libération qu’« avant la fermeture définitive de l’institution féministe, ce vendredi 31 octobre à 20 heures, environ 200 personnes se sont réunies jeudi soir pour faire leurs adieux à l’établissement de Seine-Saint-Denis ».
La journaliste rappelle ainsi qu’« après plus d’une décennie de doutes et de menaces quant à l’avenir de la maternité, l’agence régionale de santé (ARS) a annoncé début juillet la fermeture de la clinique privée d’intérêt collectif. En cause, des difficultés financières qui se sont accentuées avec les années en parallèle d’un ralentissement de l’activité, le nombre d’accouchements passant de 1200 en 2020 à 700 en 2024 ».
« Autre argument avancé par l’ARS : la perte par l’établissement de sa certification de la Haute Autorité de santé, indiquant que les conditions de sécurité ne sont «pas optimales», selon l’institution, notamment en raison de la vétusté des locaux », explique Cassandre Leray.
La journaliste note que « toute la soirée, le personnel des Lilas enchaîne les prises de parole. […] Combien de soignantes ont trouvé en cette maternité un endroit où se réconcilier avec leur métier ? Une manière de faire autrement, loin de la précipitation et du manque d’humanité dénoncés par celles qui sont passées dans des grands centres hospitaliers ».
Marion, sage-femme de 26 ans, déclare ainsi : « J’ai peur que cette fermeture pose un précédent, que la rentabilité passe avant le bien-être des femmes. Et moi, je ne veux pas devenir une machine ».
Hélène Haus indique également dans Le Parisien qu’« une marche silencieuse a été organisée ce jeudi après-midi, à la veille de la fermeture de la célèbre maternité des Lilas. Pionnier de l’accouchement naturel, l’établissement disparaîtra ce vendredi après un peu plus de six décennies d’existence ».
La journaliste relève qu’« à la rentrée, la maternité n’a pas obtenu le renouvellement de son autorisation d’activité. Dans nos colonnes en juillet, Denis Robin, le directeur général de l’ARS, avait anticipé cette décision qu’il expliquait par des conditions de sécurité «pas optimales», une activité déclinante et des difficultés financières. Une position injustifiée pour tous les défenseurs de la clinique, qui pensent qu’elle aurait pu perdurer ».
Lynda, gynécologue, remarque : « J’avais choisi d’exercer aux Lilas pour la philosophie, le respect des femmes. Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. On est perdus ».

Voir aussi:

https://environnementsantepolitique.fr/2025/07/08/lagonie-de-lhistorique-maternite-des-lilas-se-termine/

https://environnementsantepolitique.fr/2025/07/08/lagonie-de-lhistorique-maternite-des-lilas-se-termine/

https://environnementsantepolitique.fr/2025/07/08/lagonie-de-lhistorique-maternite-des-lilas-se-termine/

https://environnementsantepolitique.fr/2023/11/13/on-continue-a-fermer-des-petites-maternites/

https://environnementsantepolitique.fr/2022/05/02/hausse-intrigante-de-la-mortalite-infantile-depuis-2012/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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