Aide médicale d’Etat : combien de divisions ?
Quentin Haroche | 27 Octobre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/aide-médicale-detat-combien-divisions-2025a1000t8d?ecd=wnl_all_251028_jim_daily-doctor_etid7829036&uac=368069PV&impID=7829036&sso=true
L’aide médicale d’Etat (AME) bénéficie à 465 000 personnes en France, un chiffre qui ne correspond pas au nombre d’immigrés clandestins dans notre pays.
Parmi les nombreux débats polémiques (réforme des retraites, taxe Zucman, aide aux entreprises…) qui devraient occuper les parlementaires ces prochaines semaines et qui pourraient faire tomber le gouvernement, l’Aide médicale d’Etat (AME) n’est pas le moins épineux. Créé en 2000, ce dispositif qui permet d’assurer des soins gratuits aux immigrés clandestins présents dans notre pays fait régulièrement l’objet de discussions enflammées. La droite et l’extrême-droite réclament en effet régulièrement sa suppression, car elles y voient un mécanisme incitant à l’immigration clandestine.
Ces derniers jours, l’AME a ainsi été au cœur d’une bataille de chiffres du côté du ministère de l’Intérieur. Si ce dispositif est avant tout sanitaire et humanitaire, il peut également servir des intérêts policiers. L’AME est en effet le meilleur moyen d’estimer le nombre d’immigrés clandestins dans notre pays, qui est par définition impossible à connaitre avec précision (et qui varie au gré des entrées et sorties du territoire et des régularisations). Ce mercredi, le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez a ainsi affirmé sur Europe 1 que la France comptait environ 700 000 immigrés clandestins, deux jours après avoir indiqué sur LCI qu’il n’y en avait qu’entre 200 000 et 300 000.
465 000 bénéficiaires de l’AME, mais bien plus de clandestins
Sur la radio appartenant à Vincent Bolloré, l’ancien préfet de police de Paris a indiqué s’être appuyé sur les données de l’AME pour arriver à ce chiffre, bien supérieur à ses premières estimations. « Si on travaille sur l’Aide médicale d’État et qu’on extrapole le nombre, l’estimation d’étrangers en situation irrégulière dans notre pays, elle est de 700 000 » a expliqué le ministre, pour expliquer le gonflement soudain de ses chiffres. « 700 000 clandestins en France, c’est une estimation. La fourchette de 6 à 900 000 me paraît assez cohérente mais le chiffre de 700 000 l’est tout autant » a-t-il précisé.
Pourtant, les derniers chiffres officiels font état de 465 000 bénéficiaires de l’AME seulement, soit loin des 700 000 avancés par le ministre. Plusieurs éléments font cependant que le nombre de bénéficiaires de l’AME ne correspond pas exactement au nombre de clandestins. Tout d’abord, l’AME n’existe pas à Mayotte, qui est pourtant le département qui compte la plus forte proportion d’immigrés (et donc a priori de clandestins) en France.
Ensuite, l’AME est conditionnée : seuls peuvent en bénéficier les immigrés clandestins dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond (le même que pour bénéficier de la complémentaire santé solidaire) et qui résident en France depuis au moins trois mois (les clandestins présents en France depuis moins de trois mois peuvent cependant bénéficier de soins urgents gratuitement).
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Sur l’AME, le gouvernement est pris entre deux feux
Enfin, selon une enquête de 2019 de l’Institut de recherche en économie de la santé (IRDES), près de la moitié (49 %) des personnes éligibles à l’AME n’y ont pas recours, soit parce qu’elles n’ont pas connaissance de l’existence de cette aide, soit parce qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas réaliser les démarches administratives. Dans l’autres sens, environ 100 000 mineurs bénéficient de l’AME en tant qu’ayant-droit de parents clandestins sans être eux-mêmes clandestins.
Tout ces éléments aboutissent donc à considérer que, si 465 000 personnes bénéficient de l’AME, la France compte probablement entre 600 000 et 900 000 immigrés clandestins. D’un point de vue financier, le projet de loi de finance (PLF) pour 2026 actuellement examiné par le Parlement fixe les dépenses d’AME et de soins urgents à 1,2 milliard d’euros. Un chiffre stable par rapport à 2025 mais qui a explosé ces dernières années (l’AME ne coutait que 540 millions d’euros en 2009).
Lors des débats budgétaires, la droite et l’extrême-droite ne devraient pas manquer de déposer des amendements visant à réduire voir à supprimer l’AME, ce qui constitue une ligne rouge pour la gauche. Sur ce sujet, comme sur d’autres, le gouvernement se retrouve pris entre deux feux. Après avoir renoncé à réduire le panier de soins des bénéficiaires de l’AME comme le souhaitait son prédécesseur François Bayrou, le Premier Ministre Sébastien Lecornu a annoncé qu’il souhaitait « dépassionner le débat », sans plus de précisions.