AVC, la cour des Comptes parle de mauvaise prévention et de perte de chance avec simultanément une règle de bonne conduite par la HAS*

« Face aux AVC, une “prévention insuffisante” et des “pertes de chances considérables” pour les patients, alerte la Cour des comptes »

 Date de publication : 29 octobre 2025  https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=71f52a087bbfaa76794f2e8f405b68e8&id_newsletter=22729&liste=0&site_origine=revue_mediscoop&nuid=44baf5968540a6248a8065e80f2f7273&midn=22729&from=newsletter

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« Dans un rapport publié ce mardi 28 octobre, l’instance pointe l’«essoufflement» préoccupant du dispositif national de lutte contre ce qui représente la troisième cause de mortalité en France », fait savoir Nathalie Raulin dans Libération. Une actualité également reprise par Véronique Hunsinger dans Le Parisien.


« L’enjeu est d’importance. L’AVC, qui touche chaque année quelque 120.000 personnes, est la première cause de handicap physique chez l’adulte et la deuxième cause de démence », rappelle Nathalie Raulin. 
« Sa prise en charge mobilise environ 4,5 milliards d’euros par an, dont 1,76 milliard pour la phase aiguë et 2,7 milliards pour limiter les séquelles », ajoute-t-elle. « Cette enveloppe, la Cour des comptes entend la contenir. Et ce n’est pas gagné », poursuit-elle.


« Ainsi, la baisse de l’incidence des AVC observés chez les plus de 65 ans entre 2008 et 2019 masque une évolution inquiétante : son augmentation dans les classes d’âge plus jeunes », souligne l’article. 


« Un quart des AVC survient désormais avant 65 ans», s’inquiète l’instance. « Car entre vieillissement de la population et prévalence élevée des risques cardiovasculaires, les épidémiologistes pronostiquent une hausse de 35% du nombre d’AVC en 2035 à politique inchangée… », révèle Libération.


« De l’avis de la Cour, un «plan d’action volontariste» pour lutter contre l’hypertension artérielle, principal facteur de risque de l’AVC, doit être impérativement enclenché », reprend la journaliste.


« Sur l’organisation de la prise en charge des patients atteints d’AVC, la Cour des comptes est tout aussi mitigée », note Libération.


« Conformément au plan AVC 2010-2014, 140 Unités Neurovasculaires (UNV) ont bien été déployées sur le territoire, avec à la clé une amélioration significative de la prise en charge aiguë des AVC.

L’ennui, c’est que «les résultats obtenus restent nettement en deçà des attentes», pointent les «sages».


« Le taux de passage en UNV, structures ultraspécialisées susceptibles de réduire fortement le risque de séquelles, ne dépasse pas 50% en moyenne nationale, loin de l’objectif de 90%. La faute à leur mauvaise répartition géographique », rapporte Nathalie Raulin.


« Conséquence : «L’offre de soin spécialisée ne garantit pas une accessibilité rapide à toute la population : seuls 76% de la population adulte résident à moins de trente minutes d’une UNV ou d’un service d’urgence relié en télé-AVC [expertise à distance, ndlr]» », fustige le rapport.


Par ailleurs, « toutes les UNV ne sont par ailleurs pas équipées pour réaliser une technique encore plus récente, capable de sauver encore plus de vies : la thrombectomie mécanique », révèle Véronique Hunsinger dans Le Parisien.


De plus, « selon une enquête réalisée par la Cour des comptes, 32% des personnes victimes d’un AVC ou de leur entourage n’ont pas appelé le 15 », alerte la journaliste. « On ne réagit pas toujours assez vite surtout quand cela touche des jeunes et en particulier des jeunes femmes parce qu’on n’y pense pas », rappelle la Pre Charlotte Cordonnier dans Le Parisien. « Idéalement, un AVC doit être pris en charge dans les quatre heures pour avoir les meilleures chances de récupération », insiste Véronique Hunsinger.


« De même, le délai médian entre l’admission d’un patient à l’hôpital et la réalisation de l’imagerie est excessif : 2,6 heures en 2023, contre une recommandation de vingt minutes », fait savoir Libération. « De quoi entraîner des «pertes de chances considérables» pour les patients, chaque minute de retard dans la prise en charge se traduisant par la disparition de 2 millions de neurones », pointe Nathalie Raulin.

« Le manque de praticiens spécialistes et son corollaire – la fermeture de lits d’UNV – noircissent encore le tableau », complète-t-elle.


« La Cour ne ménage pas non plus ses critiques sur l’organisation du parcours de rééducation des patients, à ses yeux «inefficiente et mal pilotée»L’accès aux Services médicaux de rééducation, déterminant pour limiter les séquelles des AVC, est à la fois «incohérent et insuffisant» », reprend Libération.


« Pour la Cour, (…) tant pour les patients que pour les finances publiques, «un ressaisissement dans la conduite de la politique publique» s’impose. Là non plus, pas gagné », conclut Nathalie Raulin.


« Et à l’unisson des neurologues, les magistrats financiers souhaitent une campagne d’information du grand public sur les facteurs de risques des AVC et la marche à suivre en cas de symptômes », conclut pour sa part Véronique Hunsinger dans Le Parisien. « Les manifestations possibles de l’AVC sont encore trop méconnues », a également alerté la Haute Autorité de Santé

AVC : le parcours de référence n’est accessible qu’à une minorité de patients

Quid de la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux en 2025 en France, qu’ils soient ischémiques ou hémorragiques ? La Cour des comptes s’est posé la question et y a répondu dans un récent rapport. Le constat n’est pas satisfaisant. Les sages de la rue Cambon ont donc listé plusieurs pistes d’amélioration et appellent les pouvoirs publics à prendre rapidement de nouvelles mesures.

Point de situation

En 2022, 120 000 personnes ont été victimes d’un AVC, environ 80 % d’AVC ischémiques et 20 % d’AVC hémorragiques, avec une sévérité variable. 

« Un AVC gravissime peut conduire au décès en quelques heures : tel a été le cas pour 25 % des victimes d’AVC en 2022. La majorité des AVC laisse des séquelles définitives, qui peuvent être plus ou moins lourdes : tétraplégie, hémiplégie, aphasie. Les handicaps qualifiés d’invisibles sont également importants : fatigabilité, difficultés de concentration, anxiété, irritabilité », rappelle dans un premier temps la Cour des comptes. 

Plan AVC 2010-2014

Pour faire face à cet enjeu de santé publique, des mesures ont été prises dès le début des années 2000, « fondées sur la création de services spécialisés dans le traitement des AVC au stade aigu, les unités neuro-vasculaires (UNV), et sur l’organisation de filières territoriales de prise en charge articulées autour de ces unités ». 

En 2010, un plan AVC 2010-2014 a été édicté, afin de renforcer la prévention et la prise en charge, en déployant sur tout le territoire des UNV et améliorant les filières de soins. Ce sont ces mesures que la Cour des comptes a évalué dans son rapport. 

Prévention

Premier aspect à évaluer : la prévention, vue sous l’angle des actions préventives afin d’éviter les AVC, mais aussi de l’information et de l’éducation délivrées au plus grand nombre. Ainsi, la lutte contre l’hypertension « qui représente le facteur principal de l’AVC », stagne, voire régresse pour les femmes. D’autres facteurs de risques sont mal pris en compte, notamment l’apnée du sommeil, l’usage de drogue ou encore la contraception chimique associée au tabac chez les jeunes femmes. 

« La prévention de l’AVC apparaît aussi insuffisamment orientée sur le dépistage et le suivi des populations particulièrement exposées au risque d’AVC », ajoute la Cour. Pour ce qui est de la communication autour des AVC et notamment la consigne d’appeler le 15 en cas d’AVC, la démarche reste perfectible. Aussi, les rapporteurs préconisent d’élaborer un plan d’actions pour améliorer le dépistage de l’hypertension artérielle et de définir une stratégie nationale de communication centrée autour de l’importance d’appeler le 15 en urgence. 

Phase aigüe

Deuxième point abordé par le rapport, la prise en charge des AVC en phase aigüe. Les résultats attendus en termes de prise en charge des patients en UNV est décevant : « Le taux des séjours de patients pour AVC incluant un passage en UNV (soins intensifs et/ou soins non intensifs) ne dépasse ainsi pas 50 %, tous types d’AVC confondus, selon les données de séjours hospitaliers pour 2023, loin de l’objectif visé d’une prise en charge systématique en UNV de 90 % des victimes d’AVC », établit la Cour des comptes. 

Par ailleurs, le nombre d’UNV (140 actuellement) est largement insuffisant tout comme le nombre de services de neuroradiologie interventionnelle (NRI). Pour y pallier il faudrait d’ores et déjà relier des services d’urgence avec des UNV en télé-AVC, recommandent les rapporteurs. Mais aussi raccorder les hôpitaux de proximité avec les mêmes plateaux de télé-AVC et renforcer l’attractivité des carrières de la filière neurovasculaire pour pallier les pénuries de personnel médical et paramédical. 

Aval de la prise en charge

En aval de la prise en charge en phase aigüe, la situation n’est pas plus brillante. Pourtant, « l’AVC constitue ensuite une fragilité chronique, qui transforme l’existence des personnes concernées et de leurs proches. La reprise d’une activité professionnelle s’avère difficile après un AVC, et près de 10 % des 24 000 victimes entre 40 et 59 ans sont pensionnées au titre de l’invalidité », explique la Cour. 

Or « parmi les victimes d’AVC rentrant à domicile directement (75 525 personnes en 2022), 17 000 d’entre elles ont des handicaps lourds sans avoir pu accéder aux SMR (services de médecine et de rééducation) […] Concernant la médecine de ville, près de 7 000 victimes d’AVC en 2022 n’avaient toujours pas consulté de médecin généraliste, de cardiologue ou de neurologue en ville en juin 2024. Par ailleurs, en 2022, près de 20 000 victimes d’AVC bénéficiant d’une affection de longue durée (ALD) n’avaient pas de médecin traitant. » 

Conclusion

Partant de là, quelle évaluation porter sur le parcours d’ensemble des victimes d’un AVC ? 

« Sur le plan de l’efficacité de la prise en charge, l’analyse des parcours des patients montre que la prise en charge en UNV, mais aussi, en aval, en SMR, est déterminante pour la survie des patients et la limitation des séquelles et que les fortes inégalités d’accès à ces services spécialisés sont synonymes de pertes de chances pour les patients », établit la Cour des comptes. 

Voir aussi:

* https://environnementsantepolitique.fr/2025/10/29/comment-ameliorer-le-parcours-de-sante-du-patient-victime-dun-avc-depuis-lidentification-des-symptomes-jusqua-la-reprise-de-sa-vie-quotidienne/

https://environnementsantepolitique.fr/2025/03/26/il-faut-identifier-precocement-et-traiter-les-facteurs-de-risque-en-prevention-primaire-des-avc-meme-chez-les-adultes-de-moins-de-55-ans/

https://environnementsantepolitique.fr/2024/10/08/boissons-gazeuses-et-les-jus-de-fruits-augmentent-le-risque-davc/

https://environnementsantepolitique.fr/2024/02/18/avc-le-sous-investissement-dans-notre-systeme-de-sante-nous-place-tres-loin-en-termes-dacces-a-ces-traitements-par-rapport-a-lallemagne-ou-litalie/

https://environnementsantepolitique.fr/2023/10/30/nouveautes-dans-le-traitement-et-la-prevention-de-recidive-de-lavc/

Le traitement en urgence des AVC par les cathéters de thrombo-aspiration n’est plus pris en charge par la Sécurité sociale en pleine contradiction avec les recommandations de déployer cette technique à grande échelle https://environnementsantepolitique.fr/2023/03/07/41856/

https://environnementsantepolitique.fr/2022/10/01/maladie-cardio-vasculaire-et-avc-secondaires-a-la-pollution-de-lair/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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