Près de 50 000 élèves handicapés sont privés d’accompagnant
Quentin Haroche | 28 Octobre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/près-50-000-élèves-handicapés-sont-2025a1000tdw?ecd=wnl_all_251028_jim_daily-doctor_etid7831725&uac=368069PV&impID=7831725&sso=true
Un chiffre, révélé par une commission d’enquête parlementaire, qui relativise l’apparent succès de l’école inclusive.
Il y a un peu plus d’un mois, au moment de la rentrée scolaire, le gouvernement se félicitait des succès de sa politique d’école inclusive. Vingt ans après que la loi handicap a proclamé le droit pour tous les enfants handicapés d’être scolarisés dans les conditions les plus normales possible s , difficile de nier que ce projet a rencontré, en apparence, de grands succès. On compte ainsi désormais 520 000 enfants handicapés scolarisés, soit 30 % de plus qu’en 2017 et plus de trois fois plus qu’en 2006.
Mais derrière ces chiffres en apparence satisfaisants se cache une réalité moins glorieuse. Ces dernières années, un rapport de la Défenseure des droits en 2022 et un autre du Sénat en 2023 soulignaient déjà que ces bons résultats étaient quelque peu en trompe l’œil : certains élèves handicapés n’ont classe que quelques heures par semaine et surtout, l’école manque encore cruellement d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
AESH, un métier qui n’attire pas les foules
Une réalité qui se confirme : ce mardi, la commission d’enquête parlementaire sur les défaillances de la prise en charge du handicap et de la santé mentale, en activité depuis juillet dernier, révèle ainsi qu’à la rentrée 2025, ce sont près de 49 000 élèves en situation de handicap qui ne sont pas aidés par un AESH, soit 14 % des élèves qui ont fait une demande pour un accompagnant. Pire encore, la situation s’aggrave, puisque l’an dernier, ils n’étaient que 36 000 à ne pas être accompagnés, soit une hausse de 35 % d’enfants sans solution en un an. On observe par ailleurs de grandes disparités selon les régions, au détriment des zones rurales : 1 000 enfants handicapés sont privés d’AESH dans l’Oise contre environ 150 dans les Pyrénées-Atlantiques, malgré une population équivalente.
Bien que le nombre d’AESH ait augmenté de 35 % depuis 2017, pour dépasser désormais les 125 000 au total, ces petites mains de la prise en charge du handicap constituent depuis plusieurs années le point faible de la politique de l’école inclusive. Métier précaire (leur contrat dépasse rarement les 24 heures par semaine) et mal payé (800 euros par mois en moyenne), le statut d’AESH n’attire pas. Les promesses d’Emmanuel Macron, qui avait annoncé vouloir assurer des contrats de 35 heures aux AESH et une hausse de leur rémunération, n’ont pas abouti.
« De l’attractivité du métier d’AESH et d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) dépend la bonne prise en charge des enfants » expliquait pourtant déjà en 2022 la Défenseure des droits Claire Hédon. Leur formation, de seulement soixante heures, laisse également à désirer. Il n’est pas rare que les écoles soient obligées de conserver des AESH malgré leurs manquements professionnels, en raison de difficultés de recrutement.
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Les députés regrettent le manque de transparence du gouvernement sur l’école inclusive
Les membres de la commission d’enquête parlementaire regrettent le manque de transparence du gouvernement sur ce sujet. Pour obtenir ces chiffres jusque là inédits sur le nombre d’élèves privés d’AESH, ils ont ainsi dû se tourner vers la Direction générale de l’enseignement scolaire. « Il n’y a jamais eu une vraie transparence et on n’a pas de système d’information de l’école inclusive » regrette Sébastien Saint-Pasteur, député socialiste et rapporteur de la commission d’enquête. « Or, quand on creuse, on constate de grosses carences. On a de grands discours sur l’inclusion scolaire mais il faut le faire avec honnêteté » afin d’éviter « le décalage entre ces discours très volontaristes et la réalité qui est très différente ».
Toujours en raison du manque de données et de transparence des autorités, la commission d’enquête ne peut pas dire combien, parmi ces 49 000 élèves sans AESH, vont à l’école sans accompagnant et combien sont totalement déscolarisés. Alors que la commission vise également à mesurer le coût des « défaillances » de l’Etat dans la gestion du handicap, Sébastien Saint-Pasteur estime que les arrêts de travail des parents (le plus souvent des mères) qui doivent cesser leur activité pour s’occuper de leurs enfants handicapés « coûtent plus cher à la société que si on avait une prise en charge réelle et effective des enfants »
La commission d’enquête de l’Assemblée Nationale va poursuivre ses travaux dans les prochains jours avec l’audition de la ministre chargée des Personnes handicapées Charlotte Parmentier-Lecoq ce mardi et du ministre de l’Education Nationale Édouard Geffray jeudi. L’occasion, espère Sébastien Saint-Pasteur, de « donner des chemins d’amélioration très concrets » à une situation qu’il juge « inacceptable ».