La Maison dans le 19 éme: un lieu de vie, de prévention, d’information et de soins « de support »

La Maison, un tiers-lieu à Paris pour « s’accorder des temps de pause » dans le combat contre le cancer

La Ligue contre le cancer a inauguré, avant l’été, un espace de 1 000 mètres carrés dans le 19ᵉ arrondissement. Un lieu de vie, de prévention, d’information et de soins « de support ». 

Par Mattea Battaglia

Publié le 25 octobre 2025 à 13h00, modifié le 25 octobre 2025 à 14h21 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/10/25/contre-les-inegalites-sociales-et-sanitaires-un-tiers-lieu-a-paris-pour-s-accorder-des-temps-de-pause-dans-le-combat-contre-le-cancer_6649600_3224.html

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Une femme qui a été malade du cancer, à Paris, le 19 septembre 2024.
Une femme qui a été malade du cancer, à Paris, le 19 septembre 2024.  AXELLE DE RUSSÉ POUR « LE MONDE »

Il n’a fallu que quelques minutes à Gladys, Théa, Isabelle, Karine et Caroline pour nouer le dialogue et partager un moment d’intimité. Autour de la table ont pris place cinq femmes (elles n’ont pas donné leur nom), en ce mercredi de la fin septembre. Au centre, des foulards colorés ont été disposés – les couleurs chaudes sur une rangée, les couleurs froides sur une autre –, et elles échangent, comme cinq amies, sur ceux qui conviennent le mieux à leur teint, leurs cheveux, leurs yeux… Ou, simplement, à leur humeur.

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« Je choisis le foulard rose pour sa douceur, c’est féminin, je dirais même sensuel », glisse Théa. Gladys et Caroline optent, elles, pour un foulard rouge, une « couleur dynamique », commente la première, « vivante », renchérit la seconde.

De leur maladie, des traitements en cours ou passés, elles ne disent mot. Et Véronique Labeille, qui anime cet atelier de socio-esthétique proposé dans les locaux flambant neufs de La Maison, un tiers-lieu du 19e arrondissement de Paris, ne force pas la parole. A l’intention de chacune, elle a déposé, sur la table, un petit miroir, face cachée. Mais les jeunes femmes ne s’en saisissent pas, préférant aller chercher dans le regard des autres participantes un sourire d’approbation, un compliment bienveillant.

« Reprendre contact avec soi-même »

« Quand on combat la maladie on a besoin de s’accorder des temps de pause, pour reprendre contact avec soi-même, son image, son corps », souligne en aparté la professionnelle. Depuis plus de dix ans qu’elle propose des sessions de ce type, en groupe, ou des soins individuels, en milieu associatif ou hospitalier, elle voit les questions de vulnérabilités psychologique, sociale, économique, se poser avec acuité« J’essaie d’accompagner ces femmes selon leurs besoins, leurs attentes, mais aussi selon leurs moyens, dit-elle. Ici, je vais par exemple privilégier les foulards, les turbans, aux perruques, qui peuvent coûter des centaines d’euros. Je veux que les patientes se sentent à l’aise… »

« Ici », donc, c’est La Maison, un espace de 1 000 mètres carrés que le comité parisien de la Ligue contre le cancer a souhaité implanter dans les quartiers populaires du nord-est de la capitale, avec l’objectif d’en faire un lieu de vie, de prévention et d’information, mais aussi avec celui de lutter contre les inégalités sociales et sanitaires préexistantes que la maladie, très souvent, accentue.

Dans ce lieu inauguré avant l’été, les personnes malades et leurs proches peuvent trouver un accompagnement social et administratif, ainsi qu’une offre de soutiens et de soins dits « de support », gratuits, reconnus comme essentiels depuis le premier plan cancer (2003-2007), en parallèle des traitements, mais dont certains patients ignorent parfois l’existence. A commencer par les plus éloignés du système de santé.

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Accompagnement psychologique, conseils en nutrition, programmes d’activité physique adaptée… : au fil du temps, le panier de ces soins de support s’est enrichi. Mais, sur le terrain, l’accès n’est toujours pas garanti à tous, souligne Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer : « Dans plus d’un cas sur trois, les patients ne sont pas orientés vers ces soins, quand bien même tout établissement de santé autorisé à faire de la cancérologie doit, théoriquement, pouvoir les proposer, observe l’ancien oncologue.

 L’importance d’une prise en charge globale pour améliorer la qualité de vie des personnes malades augmente pourtant du fait de la chronicisation des cancers. Avec des traitements qui s’étirent parfois sur dix ans, et des effets secondaires lourds, les patients ont plus que jamais besoin qu’on les aide à supporter la maladie. »

« Aide financière »

L’association peut aussi intervenir en prenant à son compte des factures d’électricité, d’Internet, de mutuelles, voire des mensualités de loyers, sur conditions de ressources« On ne voit pas le nombre de demandeurs augmenter, poursuit Lucille Denis, chargée d’accompagnement au comité de la Ligue de Paris. En revanche, les montants octroyés ont, eux, connu une hausse significative [467 euros, en moyenne, en 2023]. Certains patients ont moins de 5 euros par jour pour se nourrir, dit-elle. Dans ces contextes de vie là, face à la maladie, on ne parle plus de reste à charge mais bien de reste à vivre… »

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Une problématique à laquelle Sophie Delafoy, qui anime, ce mercredi de portes ouvertes, un atelier de cuisine diététique, dit s’être habituée. « Les questions autour du budget alimentaire reviennent souvent chez les patientsexplique cette diététicienne nutritionniste qui exerce à Paris, dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis. Quand on accueille des mères de famille qui ont 250 euros dévolus aux repas pour tenir le mois, et qui sont habituées à se priver pour leurs enfants, trouver le bon équilibre alimentaire est un défi. » Il est pourtant « capital » de le relever, dit-elle, pour des personnes dont la maladie et les traitements peuvent affecter durablement l’état nutritionnel.

Mattea Battaglia

*A la campagne, l’essor des tiers-lieux de santé

Ces espaces rassemblant santé, écologie et monde associatif se multiplient. Ils peuvent contribuer à attirer des jeunes médecins en zone sous-dotée. 

Par Margherita Nasi

Publié le 15 novembre 2022 à 06h30, modifié le 16 novembre 2022 à 10h17 https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/11/15/a-la-campagne-l-essor-des-tiers-lieux-de-sante_6149892_4401467.html

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En mai 2020, Morgane Lavayssière et Garance Fafa prennent la route. Les deux jeunes orthophonistes sont lasses de leurs conditions d’exercice à Marseille. « Quand on travaille en libéral, on est isolé. La course à l’acte nous oblige à faire des horaires fous. Et on ne se sent pas à la hauteur de la tâche, car on manque de pluridisciplinarité », estime Morgane Lavayssière. Les trentenaires entament un tour de France en van aménagé à la recherche d’innovations pour soigner différemment. Elles découvrent les centres de santé d’un côté, et les tiers-lieux de l’autre. Pourquoi ne pas les faire cohabiter ? Les deux amies s’installent en Ariège, dans un désert médical. Et planchent sur « Les Clés-rièrent », un centre de santé pluridisciplinaire qui propose des jardins partagés, un café associatif, des conférences, un accès au numérique et des ateliers divers.

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Morgane Lavayssière imagine déjà la future patientèle qu’elle raconte ainsi : « Colette, 83 ans, vient pour sa rééducation suite à son AVC : elle consulte son médecin, son orthophoniste, sa kiné… Puis retrouve d’autres personnes du village dans la salle de convivialité. Elle discute avec Sami : bientôt à la retraite, le sexagénaire se sent un peu dépassé depuis qu’on a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer à sa femme. Deux à trois fois par semaine, Camille, le maraîcher du village, vend ses productions bio et anime parfois avec Maylis, la naturopathe, des ateliers cuisine végétarienne. » Ce concept de tiers-lieu hybride suscite un vif enthousiasme de la part de la population, mais aussi du corps médical : l’équipe s’est vite agrandie, et comporte aujourd’hui, en plus des deux orthophonistes, un médecin, une naturopathe et une secrétaire médicale.

Approche multidimensionnelle

La structure a rejoint le réseau Hameaux de santé, qui fédère les projets de centres de santé avec une approche globale, écologique, démocratique et sociale. Jesse Robert, 28 ans, aux manettes du réseau, est régulièrement sollicité par des professionnels de santé : « On est nombreux à avoir à peu près la même idée au même moment, mais sans savoir comment mettre en place des projets en tenant compte des contraintes juridiques et financières. Je suis pour l’instant trois projets pilotes. Sans compter les lieux déjà existants qui pourraient rejoindre le réseau. »

Ainsi de l’Hirondelle bleue, un centre de médecine intégrative à Rebreuviette (Pas-de-Calais) alliant médecine conventionnelle et thérapies complémentaires. Amandine Debray, 36 ans, à l’origine du projet, est également contactée par de nombreux médecins souhaitant monter des centres de soin novateurs. « Les concepts ne sont pas toujours les mêmes, mais on retrouve toujours l’envie de porter un projet collectif, avec une vision plus humaniste des soins », explique la médecin généraliste. Son projet fédère pour l’instant dix-neuf thérapeutes : naturopathes, sophrologue, ostéopathe, réflexologue, hypnopraticienne… « plus trois autres généralistes qui souhaitent rejoindre l’équipe. En plein désert médical, ce n’est pas anodin », souligne celle qui s’est formée à la médecine intégrative après avoir exercé comme médecin généraliste pendant dix ans en maison de santé pluridisciplinaire. « J’avais l’impression de ne pas apporter de solution durable au patient, de ne traiter que les symptômes », poursuit-elle. Avec une approche multidimensionnelle, un parcours de soin complet et personnalisé, le médecin dit avoir retrouvé du plaisir à sa pratique : « Les tiers-lieux de santé peuvent être une piste pour attirer les jeunes médecins dans les déserts médicaux. La quête de sens mobilise plus qu’une prime ou une mesure coercitive. »

Margherita Nasi

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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