Tous ces médecins sanctionnés pour abus d’arrêts maladie, ça commence à bien faire !

« On nous traite comme ceux qui blanchissent de l’argent sale » : MG France part en guerre contre la « MSO obligatoire »

Alors qu’une nouvelle campagne ciblant près de « 600 généralistes » jugés surprescripteurs d’arrêts maladie vient d’être lancée, le Gouvernement entend rendre obligatoire la mise sous objectif (MSO). Dénonçant une « atteinte directe à l’indépendance professionnelle », MG France prévient : « On fera tout pour s’y opposer. » 

23/10/2025 https://tracker.egora.fr/u/nrd.php?p=XYBlorZBtz_9793_4668000_1_5&ems_l=5657930&i=1&d=ZjBGVG92cEhlVndmQzhOc0xjMkpXMk5RcjZFYlRvMVV1eWdmaHJGUkt6MmhvJTJGdFp1bTFNQmlkakFvcFQ0MjdiTkFoUGxJRWk5RW8xZ0RIS3FZcjE0dyUzRCUzRA%3D%3D%7CMjAyNS0xMC0yNC1BbGF1bmU%3D%7CMjAyNQ%3D%3D%7CMTA%3D%7CMjQ%3D%7CMTgwNDI0MzI4%7CWFlCbG9yWkJ0eg%3D%3D%7CNWQ0NjNjMjI2MDFiYzA0MDE%3D%7C&_esuh=_11_b4f0672c653fd4f3288bcdb619f0fcb4b70d31bc7513376fe8cfe3cffb4b4271

Par Louise Claereboudt

« Ce décès nous touche beaucoup« , a déclaré, émue, la présidente de MG France. En conclusion d’une conférence de presse organisée ce jeudi, la Dre Agnès Giannotti a tenu à « rendre hommage » à Olga Chevalier, généraliste de 62 ans décédée « brutalement » des suites d’un malaise cardiaque, samedi 11 octobre. Une disparition qui a suscité l’émoi et la colère de la profession, car elle est survenue 18 mois après le lancement d’une procédure de MSO à l’encontre d’Olga Chevalier. Cette procédure, la praticienne de Vénissieux l’a acceptée et l’a vécue seule, s’est émue la présidente de l’antenne régionale de MG France, la Dre Guylaine Ferré, dans une lettre ouverte adressée entre autres au directeur général de la Cnam. N’étant pas parvenue à réduire ses prescriptions d’arrêts maladie de 20% – l’objectif fixé dans le cadre de cette procédure – Olga Chevalier s’était vu infliger une lourde sanction financière, « ajoutant à la pression psychologique déjà soutenue une pression financière intenable« .

Alors que près de 600 généralistes seraient aujourd’hui ciblés dans le cadre de la nouvelle campagne MSO-MSAP qui vient tout juste d’être lancée, Agnès Giannotti a appelé solennellement à y mettre fin, ce jeudi. « C’est inadmissible de continuer dans cette voie-là« , a estimé la généraliste du quartier de la Goutte d’Or à Paris, rappelant qu’il s’agit de « la troisième campagne d’affilée« .

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Pour rappel, la précédente avait été lancée peu avant l’été par la Cnam et concernait 500 généralistes. « Ça commence à bien faire, c’est fatiguant« , s’est agacé le secrétaire adjoint de MG France, le Dr Jean-Christophe Nogrette. « Ces campagnes sont très traumatisantes pour la profession« , a ajouté Agnès Giannotti. Et de pointer le « caractère injuste et arbitraire du ciblage [statistique] ». Les médecins que MG France a accompagnés avaient « des activités absolument standards« , a assuré sa présidente, émettant des « doutes quant au filtre utilisé par l’Assurance maladie« .

Lire aussi : « Si des arrêts ne sont pas validés, je vais avoir à gérer des patients mécontents » : une jeune généraliste raconte sa MSAP

Peu avant l’été, à l’occasion de son congrès annuel, MG France avait lancé l’opération Transparence IJpour faire la lumière sur ce ciblage. « Malgré nos demandes réitérées, nous n’avons toujours pas eu communication de la méthode utilisée et de l’algorithme de l’Assurance maladie« , a déploré Agnès Giannotti, ce jeudi, face à la presse, promettant de « poursuivre ce travail de documentation« . « Cette opacité de l’Assurance maladie nous pose problème parce que ça explique les erreurs de ciblage, et ça explique le traumatisme et l’injustice vécus par la profession. » Pour la présidente de MG France, le fait que les campagnes MSO-MSAP s’enchaînent témoigne, par ailleurs, de « leur inefficacité« .

« Nous n’avons aucun intérêt, nous généralistes, à prescrire des arrêts longs« , a-t-elle poursuivi, précisant que « les patients seront les premiers touchés par cette campagne« . « Hier, l’un d’entre nous a raconté l’histoire de l’un de ses anciens patients qui avait déménagé dans une autre région et est revenu le voir. Cet homme travaille dans le BTP, il a les épaules et les coudes en vrac. Son médecin traitant lui a dit : ‘Je suis désolé, je vous ai arrêté pendant plus de deux ans, je ne peux plus, donc allez voir quelqu’un d’autre.’ Notre collègue a donc pris en charge ce patient, a fait la demande d’invalidité, a essayé de faire le nécessaire, et l’a évidemment prolongé. Mais peut-être que le médecin qui lui a refusé était en MSO !« 

« Face à cette pression, les médecins vont arrêter de prolonger les gens trop longtemps, et on va avoir des malades en errance« , a mis en garde la présidente de MG France, appelant les médecins conseils de l’Assurance maladie à « prendre leur responsabilité pour les patients compliqués, dont on ne sait pas se dépêtrer« . Or, dans les régions où le téléservice SOS IJ est testé, « les collègues se sont aperçus que l’Assurance maladie n’arrivait pas non plus à se dépêtrer des situations. Les médecins conseils sont coincés comme nous. Nous refusons la MSO car elle oblige à réduire les chiffres des arrêts sans tenir compte de l’état de santé du patient« , a expliqué Agnès Giannotti.

La lutte syndicale, ça nous connaît, n’ayez pas peur

Alors que la mise sous accord préalable apparaissait comme « l’alternative pour que ce soit de la responsabilité de l’Assurance maladie d’endosser ces arrêts longs« , le projet de loi de lutte contre les fraudes, adopté en Conseil des ministres mi-octobre et déposé au Sénat dans la foulée, vient contrecarrer la stratégie des syndicats, qui appellent unanimement à refuser les MSO. L’article 17 de ce projet de loi stipule en effet que le directeur de la CPAM peut « demander » à un médecin de s’engager à atteindre un objectif de réduction des prescriptions, et plus seulement « proposer » cette procédure. Comprendre : la MSO deviendra obligatoire.

« On voit s’intercaler entre les revenus criminels et le blanchiment d’argent, un texte qui propose de rendre la MSO obligatoire« , s’est indignée Agnès Giannotti. « Cela assimile la pratique normale [de prescription d’arrêt] d’un médecin à de la fraude. On nous traite comme ceux qui blanchissent de l’argent sale. » Jugeant ce projet « inadmissible« , MG France se montre prêt à partir en guerre. « On fera tout pour nous y opposer« , a martelé sa présidente. L’enjeu est de taille. Car une telle disposition engendrerait un « conflit éthique dans nos pratiques« . « Si on doit demander de baisser de 20% nos arrêts pour des patients qui en ont besoin, qu’est-ce qu’on fait ?« , a questionné la généraliste.

Lire aussi : MSO obligatoire : le projet de loi adopté en Conseil des ministres

« C’est une atteinte directe à l’indépendance professionnelle, l’indépendance des prescriptions« , a-t-elle poursuivi, remontée. Le syndicat a ainsi saisi, la semaine dernière, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) « pour qu’il prenne position contre cette mesure« . MG France envisage-t-il d’autres actions ? « On attend de voir les développements de ce texte au Parlement, je pense qu’il ne va pas rester en l’état. On l’espère bien sûr, a déclaré Jean-Christophe Nogrette. Le premier temps, c’est d’essayer de convaincre les sénateurs que c’est une grosse bêtise, et après on verra comment ils réagissent. »

Le syndicat ne compte pas rester les bras croisés en cas de maintien de la mesure. « La lutte syndicale, ça nous connaît, n’ayez pas peur« , a lancé le secrétaire adjoint à la presse, affirmant que la profession pourrait se mobiliser en masse contre cette mesure. « On va faire ce qu’il faut pour essayer d’empêcher que cette mesure persiste, on verra jusqu’où ça aboutit. Après on prendra les décisions qui s’imposent selon l’évolution« , a complété Agnès Giannotti, doutant de la légalité d’une telle mesure. « Il y a des recours juridiques possibles. Comment voulez-vous réduire de façon technocratique un pourcentage d’arrêts maladie sans tenir compte des cas des patients ? » 

Auteur de l’article

Louise Claereboudt

Cheffe de rubrique Rencontres 

Elle n’allait pas bien » depuis sa MSO : émotion et colère après le décès « brutal » d’une généraliste

Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Santé, au directeur général de la Cnam et aux parlementaires, la présidente de MG France Auvergne-Rhône-Alpes s’émeut du décès d’une consœur, survenu « brutalement » le 11 octobre. Elle s’était vu infliger une pénalité financière pour ne pas avoir rempli ses objectifs de réduction de ses prescriptions d’arrêts, dans le cadre d’une procédure de MSO. 

23/10/2025 https://tracker.egora.fr/u/nrd.php?p=XYBlorZBtz_9793_4668000_1_10&ems_l=5657930&i=1&d=ZjBGVG92cEhlVndmQzhOc0xjMkpXMk5RcjZFYlRvMVV1eWdmaHJGUkt6MmhvJTJGdFp1bTFNQmlkakFvcFQ0MjdiTkFoUGxJRWk5RW8xZ0RIS3FZcjE0dyUzRCUzRA%3D%3D%7CMjAyNS0xMC0yNC1BbGF1bmU%3D%7CMjAyNQ%3D%3D%7CMTA%3D%7CMjQ%3D%7CMTgwNDI0MzMz%7CWFlCbG9yWkJ0eg%3D%3D%7CNWQ0NjNjMjI2MDFiYzA0MDE%3D%7C&_esuh=_11_bbeeef3fa260bddfb2e3982d7009218b355d166e329b27780195410b8dcbcbf0

Par Louise Claereboudt

« Depuis 18 mois, elle n’allait pas bien« , écrit la Dre Guylaine Ferré, présidente de MG France 69, dans une lettre ouverte adressée mercredi 22 octobre au directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, à la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, ainsi qu’aux parlementaires. Dans ce texte, la syndicaliste s’émeut du décès de la Dre Olga Chevalier, survenu samedi 11 octobre à l’âge de 62 ans, des suites d’un malaise cardiaque. « Elle exerçait dans un quartier populaire, à Vénissieux (Rhône), en zone très sous-dotée en médecins traitants.« 

Il y a 18 mois, cette généraliste, décrite comme « exceptionnelle, compétente et très investie« , avait été repérée par l’Assurance maladie comme « prescrivant des arrêts de travail trop nombreux et trop longs« , relate la présidente de MG France 69. Elle avait accepté la procédure de MSO proposée par la CPAM, avec l’obligation de réduire ses prescriptions d’arrêts de 20%. Un objectif qu’elle n’était pas parvenue à atteindre, se voyant ainsi sanctionnée financièrement, « ajoutant à la pression psychologique déjà soutenue une pression financière intenable« .

Madame Stéphanie Rist est à l’origine de la réforme d’entrée en études de santé instaurée en 2020 qui entraîne l’exode massif de n… Lire plus

Lire aussi : « Si des arrêts ne sont pas validés, je vais avoir à gérer des patients mécontents » : une jeune généraliste raconte sa MSAP

« Olga a refusé de taire la souffrance des patients et a donc été pénalisée de 10 000 euros et n’aurait pas pu partir en vacances sans un emprunt », s’indignent les médecins de la CPTS Vénissieux-Saint Fons, dans une pétition intitulée « Stop au harcèlement des médecins »,qui a déjà recueilli près de 1 000 signatures. « Elle avait subi ces griefs toute seule, sans appeler à l’aide et on peut voir aujourd’hui les dégâts que cela fait », dénoncent ses confrères, qui notent qu' »Olga était en souffrance. Elle tremblait parfois ».

Comment accepter sans réagir de voir les confrères en larmes aux entretiens dans les CPAM ?

« De nombreux médecins sont à ce jour sélectionnés par un logiciel de l’Assurance maladie sur des algorithmes incompréhensibles, injustes, qui stigmatisent les médecins qui prennent en charge les patients les plus malades et ceux qui en ont le plus besoin« , pointe également la Dre Guylaine Ferré dans sa lettre ouverte. Et de constater que « les médecins des quartiers les plus pauvres, suivant des patients lourds exerçant des métiers physiques, sont particulièrement touchés« . 

« La profession n’est pas opposée aux contrôles de dépenses, mais elle refuse d’être le bouc émissaire des souffrances de la société« , affirme la présidente de MG France 69, selon qui « la contrainte d’objectifs impossibles à atteindre est lue par la profession comme du harcèlement et source de burn-out« . « Comment accepter sans réagir de voir les confrères en larmes aux entretiens dans les CPAM, et dans un état de détresse psychologique tout au long de la procédure ?« , interroge la syndicaliste.

« Certains quittent l’exercice de [la médecine généraliste] et les jeunes se détournent de cette profession pour exercer dans des centres de soins non programmés, où se pratique une médecine expéditive, superficielle, ou devenir salariés dans des administrations », abondent les médecins de la CPTS Vénissieux-Saint Fons. Pour Guylaine Ferré, l’Assurance maladie et les décideurs de ces « mesures comptables » portent « la responsabilité » des arrêts d’activité et des reconversions.

Alors que le Gouvernement veut rendre la MSO obligatoire, Guylaine Ferré réclame la « fin de l’injuste campagne en cours sur les arrêts de travail« . Les médecins de la CPTS appellent également à « stopper ces mesures punitives qui tuent les médecins, qui les éloignent de ce beau métier, et qui, demain, laisseront les patients sans aucun recours ». A l’occasion d’une conférence de presse, jeudi 23 octobre, la présidente de MG France, la Dre Agnès Giannotti, a tenu à rendre hommage à « une consœur très impliquée dans son travail« . « Ce décès nous touche beaucoup« , a déclaré la généraliste parisienne, appelant, elle aussi, à mettre fin à « ces campagnes d’intimidation contre la profession« 

Une veillée en l’honneur d’Olga Chevalier a été organisée le 18 octobre devant son cabinet médical. 

Auteur de l’article

Louise Claereboudt

Cheffe de rubrique Rencontres 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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