Captages sensibles : la définition attendue début 2026
Eau | 23.10.2025 | https://www.actu-environnement.com/ae/news/fnccr-captage-eau-potable-point-prelevement-sensible-definition-ministere-transition-ecologique-46976.php4

© Agnès BretonSelon le ministère, 7 638 captages devraient mettre en place des mesures de protection ou de traitement
2025 devrait s’achever sans que la définition de ce que sont les captages sensibles ne soit arrêtée. « L’échéance de décembre est peu probable », a constaté Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régie (FNCCR), à l’occasion d’un point presse sur la qualité de l’eau potable, mercredi 22 octobre. « Il a été évoqué une publication réglementaire à la fin du premier semestre 2026 », ajoute-t-il.
La notion de captage sensible découle de la directive Eau potable et de sa transposition en 2023. Elle implique une démarche de protection de la ressource différente désormais selon la sensibilité du captage. Pour ceux qui présentent un problème de qualité, la préservation de la ressource deviendra une compétence obligatoire pour la collectivité. Celle-ci devra alors élaborer un plan d’actions volontaires qui intègre l’ensemble des contaminations sur tout ou partie de l’aire d’alimentation de captage (AAC). Ce plan pourra être modifié et complété, si besoin, de mesures qui pourront être rendues obligatoires par le préfet à travers le dispositif des zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE).
De forts enjeux pèsent donc sur la définition des points de prélèvement sensibles… et le délai fixé au 12 janvier 2023 dans le cadre de la transposition est aujourd’hui largement dépassé. Après une période de latence, le groupe de travail national captage s’était remis au travail, en mars 2025, avec la publication de la feuille de route pour la protection des captages. De ses réflexions doivent aboutir un arrêté interministériel, qui fixe les critères de définition des points de prélèvements sensibles, et un guide méthodologique à destination des préfets et collectivités pour la gestion des différentes situations.
Un seuil fixé à 80 % des normes exigées pour l’eau distribuée
Les discussions sont engagées sur un certain nombre de critères. Pour l’acquisition du statut de « captage sensible », le ministère propose de fixer un seuil qui correspond à 80 % de la norme demandée aux eaux distribuées. Les captages dont les eaux brutes dépasseraient deux fois cette limite pour une chronique de données de six ans rejoignent ce statut. Et inversement, une sortie devait être possible si, dans un même laps de temps, moins de deux dépassements sont observés.
« Nous avons un gros point sur lequel il est difficile de s’accorder, a pointé Cyrielle Vandewalle, chargée de mission gestion et préservation des ressources en eau à la FNCCR. Nous souhaiterions que ce soit les services de l’État qui tiennent à jour une liste pour chaque département et informent de la décision ou du signalement d’un point de prélèvement « captage sensible ». Mais ce n’est pas ce qui est prévu : le procédé de signalement devrait se faire grâce à un outil qui bancarise toutes les analyses. »“ Nous attendons des services de l’État de faciliter les acquisitions à l’amiable ”Cyrielle Vandewalle, FNCCR
Les paramètres examinés devraient être ceux de la liste de surveillance pour le contrôle sanitaire, actualisés avec la transposition de la directive cadre sur l’eau (dont la liste des vingt PFAS). Pour cela, devraient être prises en compte les analyses issues du contrôle sanitaire, celles de la directive-cadre sur l’eau et des données des agences régionales de santé sur les eaux brutes. « Il est envisagé des exemptions pour les eaux distribuées qui n’ont pas fait l’objet de traitement : moins d’analyses seraient prises en compte », a précisé Cyrielle Vandewalle.
Par ailleurs, le statut de captage prioritaire devrait disparaître. « Ceux qui ne rentrent pas dans les critères deviendront des captages lambda, vu le nombre et les financements nécessaires. Cela va être difficile de pousser une politique de protection », a regretté Cyrielle Vandewalle.
Plusieurs milliers de captages à protéger
Selon le ministère, 7 638 captages devraient alors mettre en place des mesures de protection ou de traitement. Pour 950 d’entre eux, les eaux sont conformes, mais des mesures préventives sont recommandées : elles dépassent 80 % de la limite de qualité des eaux distribuées pour au moins un paramètre.
Pour 5 619 captages, la qualité de l’eau brute nécessite un traitement ou une dilution avant distribution. « Nous nous basons sur l’eau brute prélevée et nous appliquons les critères de l’eau distribuée pour voir si nous devons les traiter ou les mélanger », a expliqué Cyrielle Vandewalle. Pour 377 captages, un traitement ou un mélange sont nécessaires, accompagnés de mesures préventives : ils dépassent 80 % de la limite de qualité des eaux brutes pour au moins un paramètre. Le ministère a identifié 692 captages qui ne pourront plus être utilisés : ils dépassent la limite de qualité des eaux brutes pour un paramètre.
Malgré plusieurs tentatives d’encadrement, la protection des captages d’eau potable reste une gageure. Environ un tiers d’entre eux ont été fermés en quarante ans. Dans 32,3 % des cas, cet abandon est lié à une dégradation de la qualité de la ressource (dont 40,8 % du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides). Cette contamination entraîne en effet des coûts supplémentaires. « Certains points de captage ont été fermés même si les concentrations en contaminants n’avaient pas explosé les seuils : le traitement aurait été trop coûteux par rapport à la taille réduite du captage », a indiqué Régis Taisne. Et les progrès accomplis dans les méthodes de détection et l’élargissement du champ des recherches risquent d’assombrir encore le tableau national relatif de la qualité des eaux, complexifiant la gestion de la ressource pour les collectivités. « Si la dégradation se poursuit, nous risquons de dépasser les limites dans les eaux brutes, avec des risques d’impasse », a pointé Régis Taisne.
Des traitement curatifs qui risquent de devenir permanents
Les traitements pèsent également sur la consommation d’énergie, d’eau et de réactifs (bien souvent importés), mais également sur la gestion des résidus de traitement. « Le traitement curatif est indispensable, car la prévention joue sur le long terme et les limites doivent être respectées maintenant, a noté Régis Taisne. Cela doit rester une solution transitoire, mais il y a un risque de pérennisation quand l’usine est installée, sans compter l’incertitude par rapport à l’émergence et la prise en compte de nouveaux polluants. »
Le financement de ces traitements pose des questions. Certains textes, comme la loi contre le risque PFAS ou la directive Eaux résiduaires urbaines, proposent l’application du principe du pollueur-payeur, même si certains considèrent les montants encore trop faibles et la mise en œuvre trop incertaine.
Cosmetics Europe et la Fédération européenne des associations de l’industrie pharmaceutique (Efpia) ont en effet déposé une requête contestant auprès de la Cour de justice de l’Union européenne leur participation aux coûts liés aux traitements quaternaires des stations d’épuration. « Pour certaines pollutions anciennes, les industries ont disparu, mais les contaminants, par exemple les PFAS, sont toujours là, a souligné Jean-Luc Dupont, président de la FNCCR. La difficulté va être de clarifier la responsabilité et de faire financer les travaux nécessaires à la mise en conformité. »
Par ailleurs, les agences de l’eau, de plus en plus sollicitées avec des budgets contraints, ne pourront répondre à toutes les demandes d’aides. « L’idée du modèle « l’eau paie l’eau » est fondamentale. Mais il ne faut pas que les dés soient pipés au départ. L’ensemble des redevances qui pèsent sur les usagers finance une enveloppe de plus en plus large », a regretté Jean-Luc Dupont. Et le projet de loi de finances pour 2026 ne semble pas être prêt à leur donner la marge de manœuvre attendue.
Une demande d’implication plus forte de l’État
« L’État ne doit pas se défausser sur les collectivités locales », a interpellé Jean-Luc Dupont. Il pèse sur les collectivités la nécessité de mettre en œuvre les moyens nécessaires, collecter les taxes supplémentaires pour délivrer une eau potable, alors que les services de l’État autorisent la mise sur le marché de certaines substances, favorisent la créationd’installations classées et assurent l’exercice du contrôle. »
La FNCCR appelle l’État à davantage s’impliquer aux cotés des services de production d’eau potable pour améliorer la protection des captages. « Il est difficile de mobiliser l’État sur le déclenchement des ZSCE : il en existe peu sur le territoire, a regretté Cyrielle Vandewalle. C’est la même chose pour les révisions de DUP [déclaration d’utilité publique] qui intègrent des prescriptions liées aux pollutions diffuses (…) Elles concernent généralement les risques de pollutions ponctuelles ou accidentelles, mais plusieurs retours d’expérience montrent qu’elles [les DUP]peuvent être utiles pour lutter contre des pollutions diffuses. »
La FNCCR souhaiterait que soient revues les modalités d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des polluants. Des interdictions d’utilisation des molécules les plus problématiques dans les aires d’alimentation des captages pourraient ainsi être envisagées. « Nous attendons des services de l’État de faciliter les acquisitions à l’amiable, a complété Cyrielle Vandewalle. Aujourd’hui, le droit de préemption est difficile à mettre en place et peu accepté localement. Nous avons beaucoup de refus de la part des préfets. »
Concernant les financements, la FNCCR compte sur une augmentation des recettes de la redevance pour pollution diffuses, ainsi que sur leur fléchage vers de actions préventives et curatives pour une eau potable de qualité. Autre proposition : la mise en œuvre d’une responsabilité élargie des metteurs en marché des substances qui contaminent les ressources en eau. Enfin, sur le plan européen, la fédération espère la réintroduction d’une aide à l’agriculture bio dans la politique agricole commune (PAC) et que celle-ci finance des actions de prévention des pollutions diffuses d’origine agricole.

Dorothée Laperche, journaliste
Cheffe de rubrique eau / santé environnement